Conductivité, conductimètres

Conductivité, conductimètres
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Si l’évaluation de la salinité de l’eau de mer a longtemps été confiée à la mesure de sa densité, le diagromètre Rousseau de 1875 a bien évolué pour aboutir aux conductimètres permettant de mesurer une autre de ses caractéristiques physiques : la conductivité.          

1. Electroconductivité (EC) de l’eau de mer

1.1. Ce qu’est la conductivité

La conductivité électrique, ou électroconductivité (EC) de l’eau est son aptitude à laisser passer le courant électrique. Elle mesure le mouvement des charges électriques qu’elle contient : les électrons, peu liés à leurs atomes, chargés d’ions positifs et négatifs. La migration des ions est d’autant plus facile que les charges sont libres, c’est le cas des solutions, et la conductivité est d’autant plus importante que l’eau est chargée de composants conducteurs comme les sels.

Elle augmente avec la température ce qui impose une compensation pour évaluer la valeur à la température dite normale de 25 °C.

1.1. Conductivité des eaux de mer et douce

La conductivité dépend de la concentration et des propriétés électrochimiques des substances dissoutes. Elle donne une bonne indication du degré de minéralisation de l’eau. Les sels minéraux sont de bons conducteurs, ce n’est pas le cas des matières organiques. Elle n’est donc pas significative pour des eaux usées, polluées mais reflète bien la teneur globale en sels de l’eau de mer, environ 3,5 % pour les eaux de l’océan indopacifique Elle permet tout autant de mesurer la salinité d’un aquarium et la pureté d’une eau osmosée.

1.2. Mesure de la conductivité

La conductivité est déduite de son inverse : la résistivité. Un circuit électrique délivre une tension V et un courant I appliqué entre deux électrodes métalliques pour en calculer la résistance R suivant la loi d’Ohm R = V/I, puis la conductance, inverse de la résistance. La conductivité représente la conductance d’une colonne d’eau comprise entre des électrodes de surface 1 m2, séparées l’une de l’autre de 1 cm. Dans le traitement de l’eau on l’exprime en microsiemens par cm (µS/cm ou µS.cm-1).

La conductivité dépend fortement de la température. Quand elle augmente, la viscosité de l’eau diminue, facilitant la mobilité des ions, cela même à concentration d’ions constante. A fin de comparaison, les valeurs définissent toujours par rapport à une température de référence généralement 25 °C, parfois 20 °C

1.3. Relation entre salinité et conductivité

La salinité de l’eau de mer provient de ses composants : sels et minéraux, parmi lesquels des cations : sodium (Na+), magnésium (Mg2+), calcium (Ca2+), potassium (K+), et des anions : chlorures (Cl), sulfates (SO42-), hydrogénocarbonates (HCO3)… soit environ 3.5 % qui représente la salinité S=35. Ces ions constituant l’essentiel de la conductivité de l’eau, la relation avec la salinité est logique, et linéaire comme le montre la figure 1.

figure 1 : relation entre salinité, densité et conductivité

Le calcul utilise le facteur K, rapport entre la conductivité mesurée et la conductivité d’une solution de chlorure de potassium (KCl) à 32,4356 g/kg, à 15 °C et pression atmosphérique. Une valeur de K égale à 1 correspond par définition à une salinité pratique égale à 35. 

La salinité pratique (S) est déduite de K selon la formule : 

Rappelons que cette formule vaut pour des eaux non trop polluées par des éléments organiques. Le résultat ne serait alors pas représentatif de la salinité. Cette situation nécessiterait une analyse chimique de l’extrait sec.

1.4. Objectifs de conductivité

Le tableau 2 définit les conductivités attendues selon les situations.

Tableau 2 : Valeurs indicatives de conductivité.
  Conductivité TDS (KCl)
  normale admise récifal normal admis récifal
Eau de mer à S 35 53 mS/cm 32 à 60 mS/cm 34 000 ppm *
Eau saumâtre < 7.8 mS/cm < 5000 ppm
Eau de ville 100 à 900 µS/cm 50 à 550 ppm
Eau de pluie 20 à 30µS/cm 10 à 400 ppm
Eau osmosée 0,05 à 30 µS/cm < 10 µS/cm 0 à 15 ppm < 5 ppm
1 ppm = 1 mg/l. * indicatif pour comparaison.

1.4.1. Conductivité de l’eau récifale

La composition des sels est demeurée inchangée depuis plus de 1.5 milliard d’années et s’avère la même pour toutes les mers de la planète. Mesurer un élément permet donc d’en déduire les autres. Pour autant la conductivité permet-elle de garantir la composition de l’eau d’un aquarium ? Non, bien évidemment, notre microcosme subit des dérives indétectables avec cet instrument. Il permet une évaluation totale, sans discernement, ce qui est déjà très bien pour les métabolismes des habitants de l’aquarium et leur bien-être.

Le tableau 3 définit les objectifs de conductivité selon la salinité souhaitée dans des conditions tropicales : température 25 °C et pression atmosphérique.

Tableau 3 : Correspondance salinité, conductivité et densité à 25°C et pression atm.
Salinité 30 31 32 33 34 35 36 37 38 39 40
Densité 1.0222 1.0226 1.023  1.0241  1.0252  1.0261 1.0269 1.0276 1.0283< 1.0291 1.0299
Conductivité (mS/cm) 46,25 47,62 48,99 50,36 51,71 53,07 54,41 55,75 57,08 58,41 59,73

Les poissons supportent des conductivités importantes, jusqu’à 300 mS/cm, les effets indésirables apparaissant vers 500 mS/cm. En aquarium récifal, les poissons ne devraient jamais être inquiétés. Les invertébrés dont les coraux sont plus sensibles aux variations de salinité d’où la plage conseillée au tableau 2.

1.4.2. Conductivité de l’eau osmosée

Le conductimètre permet de s’assurer de la présence de polluants, c’est un bon indicateur de la qualité de l’eau et surtout de la dérive des éléments du traitement amont de l’eau, notamment la membrane de l’osmoseur et de la résine dé ionisante. Il est adapté au besoin des aquariophiles récifalistes qui recherchent une eau pure dans les limites des performances de l’osmoseur qui laisse passer de 2 à 5 % de polluants.

2. Conductimètre

3.1. L’appareil de mesure

Conductimètre avec électrode.

Pour l’essentiel, une cellule de mesure de conductivité est constituée d’une paire d’électrodes, les pôles, entre lesquelles une tension est appliquée. Le conductimètre mesure le courant circulant et calcule la conductivité. Un courant continu appliqué aux électrodes, les ions positifs (cations) migrent vers l’électrode négative (cathode). Parallèlement, les ions chargés négatifs (anions) se déplacent en sens inverse vers l’électrode positive (anode). Delà conduit à une électrolyse : accumulation d’ions à proximité de la surface de l’électrode et à des réactions chimiques qui influent sur la composition de la solution et par conséquent aussi sur la conductivité. Ces réactions d’électrolyse indésirables sont en grande partie éliminées par l’utilisation d’un courant alternatif.

La conductivité dépendant de la température, un conductimètre dispose d’une seconde sonde de température associée à celle de conductivité. L’appareil mesure la conductivité à la température puis la convertit pour fournir la valeur à la température de référence, en général 20 °C ou 25 °C.

Un conductimètre
adapté à l’eau de mer doit couvrir une plage jusqu’à
60 mS/cm. Le conductimètre prévu pour l’eau douce ou l’eau osmosée
sera plus sensible et mesurera jusqu’à 2000 µS/cm. De nombreux conductimètres couvrent de larges plages de mesures avec les compensation de température et du facteur k. Ils sont en mesure de délivrer par le calcul la salinité et, dans une certaine plage, le TDS.

L’exactitude est de d’orle de ± 2 % pour les modèles portatifs à ± 0.5 % pour les modèles plus élaborés et de laboratoire. Le conductimetre Tunze pour aquariophilie mesure à ± 0,1 µS/cm. Le domaine d’application se situe entre quelques µS/cm et 500 000  µS/cm.

Ainsi expliqué, tout parait simple. Pour autant, la correction de température constitue un défi dans l’eau pure pour des raisons techniques et chimiques. Le conductimètre embarque une électronique sophistiquée qui en explique le coût.

3.2. Mesures de conductivité

Précautions d’utilisation :

  • Lors de la première utilisation (ou après un stockage prolongé), tremper la sonde dans l’eau à mesurer durant environ 5 heures puis la rincer à l’eau distillée. Essuyer avec un chiffon doux.
  • Immerger l’électrode à moitié, câble et raccordements sans contact avec l’eau.
  • Ne pas le plier le câble ni l’utiliser pour le maintien de l’électrode.
  • Si possible, monter l’électrode en un endroit sombre.
  • Prévoir une espace de 2 à 3 cm entre la sonde et les parois alentour.
  • En même temps que les composés solides et liquides, des gaz se dissolvent dans l’échantillon pour former des ions ayant une incidence sur le résultat. Par exemple le dioxyde de carbone (CO2) de l’air ambiant dissous forme de l’acide carbonique (H2CO3) qui se dissocie en hydrogénocarbonate (HCO32-) puis en carbonate (CO2). Le dioxyde de carbone peut augmenter la mesure de la conductivité d’environ 1 µS/cm.
  • De même une petite bulle d’air adhérant à la surface de l’électrode augmente la résistance de l’échantillon à l’intérieur de la cellule et abaisse la mesure de conductivité. Avant chaque mesure (et chaque étalonnage), il convient d’éliminer les bulles en tapotant sur le capteur pour les chasser.
  • Des solides non dissous ou précipitant lentement peuvent former une couche sur les électrodes de la cellule de conductivité. Celle-ci peut fausser la réponse de la cellule et entraîner des mesures erronées. C’est aussi le cas lors du bio encrassement de d’une sonde longtemps immergée. Un nettoyage approprié évite ce genre de problème
  • La mesure peut dériver dans les solutions stagnantes. En cas de forte conductivité il est préférable de mesurer dans un récipient sous légère agitation. Pour une faible conductivité telle que celle de l’eau osmosée, une agitation peut accroître l’exposition à l’air et la contamination par le CO2.

3.3. Entretien de l’électrode

Il y a toujours accumulation d’algues et de dépôts minéraux ou recouvrant les électrodes, qui diminuent la mobilité des ions et perturbent considérablement les mesures.

  • Rincer l’électrode à l’eau déionisée après chaque mesure dans de l’eau.
  • Nettoyer une sonde immergée tous les 3 mois.
  • Éliminer délicatement les incrustations entre les électrodes à l’aide d’un coton-tige imbibé de détergent puis rincer.
  • Ne jamais nettoyer une sonde sale  mécaniquement entre les électrodes.
  • Nettoyer en laissant tremper dans une solution de nettoyage durant 10 min. puis rincer   .
  • Essuyer à l’aide d’un chiffon très doux.
  • Conserver sans précaution particulière. Bien entretenue, sans détérioration des capteurs, une électrode a une durée de vie sans limite.

3.4. Etalonnage du conductimètre

Comme tout matériel de mesure le conductimètre n’échappe pas à un étalonnage avant la première utilisation et régulièrement ensuite. L’étalonnage, ne peut se réaliser que sur une sonde parfaitement
propre, en suivant les précédentes consignes
L’étalonnage nécessite des solutions étalon adaptées à l’utilisation (à base de chlorure de potassium) : 200 mS/cm pour l’eau de mer, 200 à 600 µS/cm pour une eau douce et 50 à 100  µS/cm pour une eau osmosée. Le commerce aquriophile propose malheureusement rarement des solutions étalon pour l’eau osmosée. La VPC asiatique propose cependant une solution étalon EC 84 µS/cm à 25°C qui répond à notre besoin.

Mode opératoire :

  • Conservez les flacons d’étalons bouchés à l’abri des rayons solaires.
  • Une solution étalon peut être utilisée 1 à 3 fois suivant l’état de propreté de l’électrode. Les solutions sont très sensibles à la contamination et se dégradant d’autant plus que leur valeur est faible.
  • Rincer le récipient plusieurs fois à l’eau osmosée, déionisée. Secouer pour faire tomber les gouttelettes résiduelles.
  • Rincer le capteur et le récipient avec une petite quantité de la solution étalon qu’il faut ensuite jeter
  • Immerger la sonde dans la solution.
  • Éliminer toutes les bulles d’air en tapotant sur l’électrode ou en l’agitant
  • Après 3 minutes, sans agitation pour une mesure d’eau osmosée, procéder à l’ajustement de la vis de réglage, suivant le manuel d’utilisation.
  • Suivre si besoin, dans ce manuel, les préconisations pour l’ajustement de la constante du capteur.
  • Éliminer la solution usagée.
  • Rincer capteur et récipient comme précédemment.

 

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