Alimentation des poissons marins en milieu naturel

Alimentation des poissons marins en milieu naturel

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Comme tout animal, les organismes marins font de la quête de nourriture l’une de leurs activités essentielles. En effet, leurs besoins nutritionnels conditionnent leur croissance, leur reproduction et leur survie. Chaque espèce, du plus petit planctonophage au plus grand prédateur, a développé des exigences en nutriments. Des protéines de qualité aux acides gras essentiels, ces créatures marines dépendent d’une alimentation spécifique pour soutenir leurs processus biologiques complexes et maintenir leur équilibre. Cet article évoquera les besoins nutritionnels des poissons marins tropicaux, comment ils façonnent leur comportement, leur santé. Cet autre article Alimentation des poissons marins en aquarium expose plus spécifiquement les conditions liées au milieu captif.

1. La chaîne alimentaire marine

En milieu marin, les poissons dépendent des ressources alimentaires naturelles présentes dans leur environnement : plancton, invertébrés marins, poissons plus petits… La disponibilité de ces ressources influence directement leur nutrition. Tantôt consommateurs et tantôt consommés, ils sont des maillons de la chaîne alimentaire. Cette dernière définit les relations de nutrition entre les espèces et illustre la manière dont l’énergie et les nutriments se déplacent à travers les différents niveaux trophiques. Les interactions dynamiques entre les trois niveaux trophiques : producteurs, consommateurs et décomposeurs (figure 1) sont complexes. Leur hiérarchie peut être simplifiée ainsi  :

Dentition du requin Mako
Zooplancton, constitué d’une variété d’animaux, un consommateur primaire, base de la nutrition des poissons consommateurs secondaires.
  1. Producteurs primaires : c’est la base de la chaîne alimentaire marine,  constituée  des organismes autotrophes en mesure de produire leurs propres nutriments par photosynthèse. Il s’agit essentiellement du phytoplancton constitué des micro-organismes en suspension dans l’eau tels que diatomées, dinoflagellés, cyanobactéries, d’algues et plus localement de quelques plantes (posidonies, zostères).
  2. Consommateurs : organismes se nourrissant d’autres organismes. Ils occupent différents niveaux trophiques dans la hiérarchie de la chaîne alimentaire :
    1. Consommateurs primaires : ils se nourrissent directement de la production primaire dont les algues ne constituent qu’une partie. Il s’agit essentiellement du zooplancton (copépodes, méduses, larves de crustacés et poissons, krill), des échinodermes (oursins), des mollusques (gastéropodes, moules, huitres), de petits poissons partiellement alguivores (siganidés, chirurgiens, nasons, poissons-perroquets).
    2. Consommateurs secondaires (carnivores, zoophages) : Ces petits prédateurs se nourrissent de zooplancton, de petits poissons et autres organismes herbivores. Il s’agit de petits poissons (anchois, sardines, harengs), échinodermes (étoiles de mer), crustacés (crevettes).
    3. Consommateurs tertiaires : ces prédateurs intermédiaires  consomment petits poissons, crustacés et d’autres prédateurs intermédiaires. On y trouve les poissons benthiques (poissons-scorpion, congre, murène), inféodés au récif (mérous, poisons perroquet, balistes) ou pélagiques (maquereaux, barracudas, caranges, thons) ainsi que les céphalopodes (calmars, pieuvres).
      On peut inclure les oiseaux marins, prédateurs de poissons. Leurs déjections produites par de fortes colonies côtières enrichissent l’environnement en nutriments, participant à la croissance locale d’algues et de phytoplancton.
    4. Grands prédateurs : ils occupent le niveau trophique supérieur, se nourrissant de prédateurs intermédiaires ou petits. Il s’agit des mammifères marins (orques, cachalots), de grands poissons (requins, thons, espadons), d’invertébrés (calamar géant).
  3. Décomposeurs : ils incluent ceux qui mangent (invertébrés détritivores) et qui décomposent (bactéries aérobies, champignons) les matières organiques mortes, les sécrétions d’autres organismes, et les minéralisent sous forme de nutriments azotés, phosphorés et minéraux. Ces éléments retournent dans l’écosystème marin, de nouveau disponibles pour les producteurs primaires.

Dans cette chaîne alimentaire naturelle l’impact de l’Homme n’est plus négligeable. Sa surpêche épuise des stocks de poissons, mettant en péril les espèces dépendantes. Ses activités polluantes, contribuent aux perturbations climatiques, amplifiant encore les déséquilibres qu’il a initiés, sans aucun profit pour le monde animal.

Figure 1 : Réseaux trophiques en milieu marin
chaine alimentaire marine

2. Régimes alimentaires des poissons marins en milieu naturel

Equilibre des écosystèmes marins et nutrition des poissons sont étroitement liés : Les poissons contribuent au contrôle des populations d’autres espèces, et la disponibilité en nourriture leur permet de maintenir leur position dans la chaîne alimentaire.

2.1. Différents régimes alimentaires

Les régimes alimentaires des poissons sont variés selon l’espèce, leur habitat et leur stade de vie. On distingue principalement les régimes suivants :

Dentition du requin Mako
En banc serré, ces maquereaux des Indes Rastrelliger kanagurta avancent gueules grandes ouvertes en quête du zooplancton de Mer Rouge.
  • Planctonivores
    • Alimentation : Leur alimentation consiste en phytoplancton, zooplancton et des matières organiques inertes en suspension.
    • Habitat : variable, dans les zones pélagiques, les remontées de courants de fond, les zones côtières où le plancton se concentre.
  • Détritivores
    • Alimentation : organismes en décomposition déposés dans les anfractuosités des substrats rocheux. En milieu marin ils exploitent plutôt les déchets inclus entre et sur les grains de sable (limivores) comme le font certains gobies, les raies, parfois les mulets.
    • Habitat : souvent associés aux fonds marins, les zones de sédimentations et les récifs coralliens rocheux chargés de débris organiques et de particules alimentaires.
  • Herbivores, alguivores
    • Alimentation : principalement à base de végétaux, d’algues et d’animalcules. Le broutage des algues (ex. labres, poissons-lapin) permet de capturer également des nourritures carnées constituées de petits invertébrés, et des matières organiques particulaires, ce qui impose de relativiser la notion d’alguivore : les alguivores sont bien souvent des omnivores.
    • Habitat : associés aux zones riches en végétation marine, les substrats rocheux des zones côtières, les récifs, les herbiers.
  • Omnivores
    • Alimentation : opportunistes, leur alimentation est mixte, végétale et animale. Leur préférence peut être indifférente ou avec une certaine préférence (mulet…). Ils représentent l’essentiel des poissons, même ceux qui pourraient donner l’impression d’être spécialisés. On évoque plutôt la tendance à appartenir à une catégories, par exemple "omnivore à tendance alguivore". Par exemple les Balistes ingèrent algues, crustacés et petits poissons, les poissons-chirurgiens se nourrissent d’algues, de débris organiques et parfois d’invertébrés, certains poissons-anges s’alimentent d’éponges, d’algues, de polypes de coraux et de petits invertébrés.
    • Habitat : ils occupent une variété d’habitats : récifs coralliens, zones rocheuses, herbiers marins et zones intertidales.
  • Carnivores
    • Alimentation : ils s’alimentent d’autres poissons (piscivores) et d’invertébrés (crustacés, mollusques). Par exemple véritables prédateurs, les bars, barracudas, scorpénidés, chassent principalement d’autres poissons. Les saumons, les thons se nourrissent de petits poissons, calamars et crevettes. Les requins chassent poissons, phoques, calamars et d’autres animaux marins, les daurades apprécient les mollusques,
      Au sommet de la pyramide alimentaire, ils ont besoin d’une grande quantité de proies issues des niveaux trophiques inférieurs. Leur présence est donc le signe d’une forte biodiversité.
      Bien que se nourrissant essentiellement de chair animale, les carnivores obtiennent des nutriments d’origine végétale à partir du contenu du tube digestif de leurs proies parfois chargées d’éléments organiques issus du phytoplancton et du zooplancton.
    • Habitat : ils occupent des espèces où la proie est abondante : récifs coralliens, zones rocheuses, estuaires, mangroves ainsi que les zones pélagiques où ils peuvent chasser poissons plus petits, crustacés et céphalopodes.

2.2. Le régime alimentaire d’une espèce peut évoluer

En effet, on peut constater une certaine variabilité dans le régime alimentaire au sein d’une même espèce, en fonction de plusieurs facteurs essentiellement liés à la disponibilité des proies, par exemple :

  1. Stade de développement : Le poisson a des besoins nutritionnels différents à ses différents stades vie, juvénile ou adulte. La larve d’un poisson herbivore pouvant s’alimenter en zooplancton. Proportionnellement à sa biomasse, en période de croissance le besoin est très supérieur en quantité et qualité énergétique.
  2. Migration : selon les saisons, certaines espèces migrent en suivant les courants océaniques, entre différents écosystèmes, pour trouver des zones de reproduction, de nourrissage riches en proies, ou de repos. Au long de leur parcours et sur place, ils doivent ajuster temporairement leurs besoins nutritionnels selon la disponibilité des proies.
  3. Concurrence alimentaire : la concurrence alimentaire peut conduire à des ajustements dans le régime alimentaire pour éviter la compétition directe.
  4. Facteurs environnementaux : Des changements dans les conditions environnementales telles que la température de l’eau, la salinité, et la qualité de l’eau influencent la distribution des proies et, par conséquent, le régime alimentaire des poissons.
    • Les courants océaniques déplacent les masses d’eau, redistribuant ainsi les larves, le plancton et d’autres proies. Les courants issus des eaux profondes riches en nutriments (upwelling) sont propices à la croissance du phytoplancton. Les herbivores ou planctonivores peuvent ainsi ajuster leur régime alimentaire pour tirer parti de l’abondance de ces proies.
    • La saison : En hiver certaines espèces réduisent leur activité alimentaire. Les poissons se déplacent vers des zones plus profondes dont la température est plus stable et la disponibilité des proies, différente de la surface. Au printemps les poissons profitent de la disponibilité des larves, des petits crustacés et zooplanctons.
    • Les conditions météorologiques : les tempêtes, les précipitations entraînent le ruissellement des nutriments vers les écosystèmes marins, stimulant la croissance de phytoplanctons.

3. Morphologies liées aux régimes alimentaires

Dentition du requin Mako
Requin mako, une dentition de carnivore.

Les poissons marins ont développé des adaptations physiologiques de capture, d’ingestion, de digestion et d’assimilation des proies, pour répondre aux variations nutritionnelles dans leur environnement. Certains peuvent migrer sur de longues distances à la recherche de zones riches en nutriments, tandis que d’autres ont des régimes alimentaires spécifiques selon les saisons ou les conditions environnementales.

  • Un estomac
    puissant permet de traiter des viandes, un petit estomac suffit à traiter de petites quantités plus fréquentes.
  • L’intestin peut être court compte tenu de la bonne digestibilité des viandes permettant de consommer des quantités substantielles de nourriture à de fréquences espacées. Un intestin long s’impose pour la digestion plus lente des aliments fibreux. Ces fibres jouent plusieurs rôles dans la nutrition. Elles stimulent l’activité intestinale, favorisent la croissance de bactéries bénéfiques à la digestion, préviennent la constipation en améliorant le transit intestinal. Certaines fibres sont également fermentées dans le côlon, produisant des acides gras à chaîne courte, source d’énergie.

Cet éventail de situations se résume en général à cinq catégories (tableau 2).

Tableau 1 : Morphologie adaptée aux régimes alimentaires
Régime Bouche Dentition Estomac-
Intestin
Carnivore Très variable selon les proies

  • Terminale ou inférieure : proies en pleine haut ou proches de la surface.
  • Large et extensible : proies de grande taille.
  • Supérieure : poissons statiques à l’affut.
  • Protactile : surprendre les proies
  • Etroite et allongée : capture dans des fissures.
  • Pointue pour perforer, saisir et retenir leurs proies,
  • Acérée pour déchirer la chair.
  • Plate : quand il s’agit de broyer des mollusques (moules, escargots…).
Gros-Court
Herbivore
  • Bec ou lèvres larges pour brouter, arracher ou couper les végétaux.
  • Orientée vers le bas pour un meilleur accès aux algues.
Plate ou en peigne : râcler les surfaces dures et extraire les algues. Petit-Long
Détritivore
  • Inférieure : capture de proies de fond, parfois pourvue de barbillons sensoriels de détection des particules.
  • Rostre : capturer dans les anfractuosités

Plate ou en brosse : rassembler et consommer débris organiques, particules et algues sur les surfaces.

Petit-Long
Omnivore En général terminale, capable de gérer une gamme de proies et de matières végétales. Polyvalente : combinaison de dents pointues (capture) et plates (broyage) Moyens
Planctonivore Large pour filtrer le plancton, parfois dotée de structures de filtration (fanons branchiaux). Peu développée Moyen-Long

4. Macronutriments : rôles et sources alimentaires

Poisson rouget
Les rougets limivores du genre Parupenus fouinent la surface du sable avec leurs barbiches et s’enfoncent profondément pour en extraire les particules nutritives.

4.1. Dépenses d’énergie chez les poissons

Le monde vivant dépense au quotidien de l’énergie pour le fonctionnement de ses processus biologiques. Les dépenses énergétiques du poisson sont nettement inférieures à celle des vertébrés supérieurs terrestres. Ceci est dû à leur flottabilité qui limite le travail musculaire quasi nul à l’état de repos, et au fait qu’ectothermes, ils ne produisent pas ou peu de chaleur. Il en est autrement en période de croissance durant laquelle les dépenses énergétiques sont beaucoup plus importantes, similaires aux vertébrés terrestres.

4.2. Sources d’énergie : les macronutriments PLG

Comme tous les animaux, les poissons tirent leur énergie de trois types de molécules, formant l’organisme, les macronutriments : protéines, lipides et glucides. Leur digestion assurée par des enzymes similaires à ceux des mammifères, conduit aux mêmes molécules, respectivement : les acides aminés, les acides gras et les sucres simples. Les principales sources d’énergie des poissons sont les protéines et lipides et dans une moindre mesure les glucides.

L’humain, qui consomme essentiellement le filet du poisson, a l’habitude d’évoquer les pourcentages des macronutriments dans les poissons selon le contenu de leurs muscles (tableau 2). C’est une vision de consommateur, elle ne reflète pas toujours la répartition et la quantité des sources d’énergie dans le poisson.

Tableau 2 : Macronutriments dans les muscles (filets) des poissons
Molécules Constituants Concentration
Protéines Matières azotées (acides aminés) 16 à 22 %
moyenne 18,5 %
extrêmes 6 à 28 %
Lipides Matières grasses (acides gras) 0,2 à 25 %
extrêmes 0,1 à 67 %
Glucides Matières hydrocarbonées (sucres) < 0,5 %

Les processus d’assimilation des invertébrés terrestres sont en grande partie extrapolables aux poissons. La protéine du poisson a sensiblement la même composition élémentaire que celle des animaux à sang chaud (16 % d’azote) avec un pouvoir calorifique à peine plus élevé. Toutefois leur aptitude à digérer les macronutriments, variable selon l’espèce, n’est pas la même : les poissons digèrent très bien les protéines alimentaires, de façon plus variable les lipides (les lipides saturés, solides à basse température étant mal digérés) et de façon médiocre, quoique très variable selon les espèces, certains glucides complexes issus des algues.

Les poissons sont constitués essentiellement d’eau (70 à 80 %). Elle n’est pas source d’énergie mais, bien plus qu’un simple milieu dans lequel évoluent les poissons. Elle joue des rôles fondamentaux dans les processus biologiques et physiologiques. Parmi lesquels le transport des nutriments et l’élimination des déchets sous forme d’ammoniac par leurs branchies. Sa qualité est cruciale pour assurer la santé et la prospérité des populations de poissons.

4.2.1. Protéines

Dentition du requin Mako
Le requin baleine, zoo planctonivore, doté de dents minuscules, ne peut que filtrer le plancton (1 t/j) dont des microcrustacés (krill).

Les protéines sont des macromolécules biologiques dont la structure tridimensionnelle complexe est constituée par l’agencement de séquences d’une ou plusieurs chaînes (briques élémentaires) d’acides aminés. Les protéines étant le macronutriment le plus facilement digéré, les acides aminés (azotés) qui les constituent majoritairement, sont des nutriments essentiels pour la production d’énergie. Cependant, une partie de l’énergie peut également être puisée dans les lipides si les protéines devaient diminuer.
La chair des animaux marins est donc avant tout une source d’azote, élément essentiel de la structure des protéines. Celle de nombreux poissons est presque uniquement constituée de matières protéiques (protides) sous la forme d’un gel colloïdal gorgé d’eau.

Rôle des acides aminés

Les protéines interfèrent dans de nombreux processus biologiques étant étroitement liés à la structure tridimensionnelle formée par les acides aminés. Parmi les fonctions impliquées  :

  • Synthèse des protéines : les AA contribuent à la formation des cellules (tissus, synthèse des organes) à leur croissance, au développement durant la vie et plus particulièrement au satde larvaire, et au maintien des tissus. Ils sont nécessaires à la synthèse des protéines musculaires, des enzymes, des hormones et d’autres protéines fonctionnelles.
  • Production d’énergie : décomposés pour produire de l’énergie. Cela est particulièrement important dans des situations de stress, comme lors de changements de température, de salinité ou d’autres conditions environnementales.
  • Fonction musculaire : contraction et mouvement des muscles.
  • Système immunitaire : certains AA jouent un rôle important dans le soutien du système immunitaire contre les infections et les maladies (agents pathogènes, cicatrisation des plaies…).
  • Transport des nutriments : intracellulaires, oxygène dans le sang, dans les intestins.
  • Réactions chimiques métaboliques : digestion des aliments, production d’énergie.
  • Osmorégulation : participent à la régulation osmotique, aidant les poissons à maintenir l’équilibre hydrique dans leur corps.
  • Adaptation à l’environnement : salinité, eaux froides.
  • Pigmentation : formation de pigments, qui peuvent influencer la couleur et la pigmentation des poissons marins.
Sources des acides aminés

L’énumération qui précède suffit à prendre conscience de l’importance des apports protéiniques. Les acides aminés sont tous indispensables à des degrés divers selon les fonctions : synthèse des protéines, croissance, reproduction, développement, réparation tissulaire, immunité… Cependant, les poissons marins ne peuvent pas produire tous les acides aminés nécessaires. Les acides aminés dits essentiels, ne sont pas synthétisés par le poisson et doivent être impérativement fournis par l’alimentation.

Tableau 3 : Acides aminés
AA Rôle Sources
10 AA
Essentiels
Arginine, Histidine, Isoleucine, Leucine, Lysine, Méthionine, Phénylalanine, Thréonine, Tryptophane, Valine. Toutes formes d’alimentation naturelle : essentiellement algues, puis poissons, gastéropodes (escargots), bivalves (moules, huîtres, coquilles Saint-Jacques), céphalopodes (calmars, seiches), crustacés (crevettes, crabes…), plancton (krill), faune benthique (vers)…
AA
Non essentiels
Alanine, Asparagine, Aspartate (acide aspartique), Cystéine, Glutamate (acide glutamique), Glutamine, Glycine, Proline, Serine, Tyrosine Synthétisés par le poisson à partir des autres AA essentiels

Les poissons carnivores en milieu naturel répondent à des besoins nutritionnels élevés en protéines. La manière dont ils subviennent à leurs besoins est complexe et non entièrement comprise. Les carnivores compenseraient leurs besoins nutritionnels en ajustant la quantité de nourriture consommée. Cela signifie qu’ils peuvent avoir besoin de manger plus fréquemment ou en plus grande quantité pour obtenir les nutriments nécessaires, y compris les protéines, si la proie individuelle ne répond pas aux exigences.

4.2.2. Lipides

Dentition du requin Mako
Les dents pointues en peigne de nombreux labres omnivores oportunistes leur permet de racler les algues rases ainsi que les animalcules et détritus qui s’y trouvent.
Rôle des lipides

La chair des poissons contient une proportion plus ou moins abondante de matières grasses, celle des crustacés et des mollusques étant généralement très pauvre. Les lipides sont également source d’énergie. Il s’agit des graisses parmi lesquelles les acides gras essentiels oméga-3 et potentiellement oméga-6 que le poisson ne sait pas fabriquer, indispensables pour synthétiser les autres AG et essentiels à la synthèse d’hormones et à la structure des membranes cellulaires. Les phospholipides interviennent dans les transports intracellulaires, sur la structure et la flexibilité des membranes en fonction de la température et de la pression hydraulique.

La teneur en lipides varie de manière importante dans les tissus, essentiellement liée à l’alimentation du poisson, selon les espèces : dans le foie (morue, bar), le muscle (anguille, maquereau, salmonidés), les tissus adipeux sous-cutané (turbot). Les poissons de consommation humaine sont d’ailleurs classés de maigres à gras selon le taux lipidique de leurs muscles (les filets). Cette classification utile pour le consommateur, ne représente en rien les besoins des poissons. Néanmoins, elle sera exploitée lorsqu’il s’agira de réaliser des nourritures pour poissons.

  • Poissons maigres ou blanc (0,2 à 2 % de lipides dans le muscle) : morue, merlu, merlan, raie, sole, limande, églefin, colin, cabillaud, julienne etc. Ils déposent massivement les lipides dans le tissu hépatique (jusqu’à 75% du poids du foie). C’est ainsi que les lipides concentrés dans le foie de la morue représentent 60 % d’huile, soit 30 % du poids de son corps. C’est un poisson maigre, mais globalement très gras.
  • Poissons intermédiaires ou mi-gras (2 % à 8 % de lipides) : rouget, bar, truite, daurade, turbot etc. Ils déposent les lipides dans le muscle mais aussi dans d’autres sites tels que le tissu adipeux péri viscéral, c’est le cas des salmonidés
  • Poissons gras (lipides > 8 % de lipides) : saumon, hareng, sardine, maquereau, anguille etc. Le taux de lipides varie selon l’espèce, la période de frai,   l’âge. Ainsi la sardine est constituée de 3 % de lipides au stade alevin et 5 à 15 % adulte. Les poissons gras sont particulièrement riches en  AG  oméga 3.
Dentition du requin Mako
Balistoides viridescens ou baliste titan, carnassier, se nourrit de petits poissons et d’invertébrés benthiques. Ses puissantes mâchoires brisent les coquilles des mollusques, crustacés, oursins, étoiles de mer et les coraux.

Chez toutes les espèces, la teneur en lipides du muscle augmente avec l’âge et la taille des individus alors que la teneur en eau diminue. Les réserves lipidiques musculaires varient également au cours du cycle sexuel, diminuée de 50 % chez les saumons avant la ponte.

Lipides chez les poissons tropicaux

Les espèces des eaux tempérées exigent moins de graisses. Le besoin des espèces pélagiques ou les plus actives constamment en mouvement (Acanthurus…) étant plus important que celles inféodées à un lieu (poissons-clowns, blennies). Une surcharge entraînerait des complications : la mort à la suite d’une dégénérescence graisseuse du foie.

Les poissons sont les principales sources d’acides gras longs polyinsaturés (AGP) oméga 3 dans l’alimentation humaine. La concentration des AG augmente avec la teneur en lipides de la chair.

Sources des lipides

Poissons, invertébrés, microalgues planctoniques fixent les lipides et les poissons gras, le krill, les bivalves, tout comme les algues : des acides gras polyinsaturés omega-3.

4.2.3. Glucides

Poisson perroquet
Scarus ferrugineus, un poisson-perroquet herbivore dont la forte dentition permet de racler le substrat et les algues qui le colonisent, et accessoirement de grignoter du corail.

Peu présents chez les poissons, un excès de sucres lents et rapides entraine la dérégulation de la glycémie, une hypertrophie du foie, un ralentissement de la croissance etc. Les glucides constituent peu d’intérêt, leur taux doit rester faible.

En tant qu’aliments des poissons, chez les mollusques l’aliment de réserve n’est plus l’huile mais le glycogène accumulé dans le foie et variable (8 à 2 % chez les huitres en fin de frai). La chair des crustacés en contient une petite quantité. Ainsi, avec quelques poissons herbivores qui tirent une partie de leur énergie des algues, le taux de glucides est plus élevé chez les espèces consommatrices de mollusques riches en glycogène (daurade, baliste…).

Sources de glucides

Végétaux, algues, mollusques, carapace chitineuse des crustacés

5. Micronutriments essentiels : minéraux, vitamines

5.1. Minéraux

Les poissons assimilent les macro-minéraux (Ca, Na, K, Cl) et les oligoéléments (Mg, I, Fe, Zn, Cu, Mn, Se), essentiels pour leurs fonctions physiologiques. Les minéraux dissous dans l’eau, absorbés par les branchies, sont la source principale. La nourriture pouvant compléter, notamment en cas de variation des paramètres environnementaux. Le poisson assure une certaine régulation même en cas de dérive supérieure, mais ceci dans une certaine limite.

Tableau 4 : Rôles et sources des minéraux chez les poissons marins
Minéraux Rôle Sources
Calcium Formation des os et écailles, fonctionnement des muscles, transmission nerveuse et coagulation sanguine. Sardines (arêtes), saumon, crevettes, krill, huîtres, algues.
Phosphore C’est l’élément le plus important pour de nombreux processus métaboliques du poisson : formation de l’ADN, de l’ARN, des os, production d’énergie… Poissons gras (saumon, thon, morue), moules, crevettes, krill, algues.
Sodium Equilibre osmotique et régulation de l’eau, essentiellement assimilé à partir de l’eau de mer. Composant de tous les organismes marins.
Potassium Equilibre osmotique et ionique des cellules, régulation du pH, fonctionnement des cellules musculaires et nerveuses. Poissons gras (morue, saumon, thon), huîtres, moules, crevettes, krill.
Chlore Les chlorures sont essentiellement absorbé par les branchies, pour l’équilibre hydrique et la régulation osmotique. Chlorures issus de l’eau de mer. Nourriture d’algues, saumon, mollusques (moules, huîtres), crustacés (crevettes, krill).
Magnésium Formation des os et dents, et métabolisme cellulaire.

Crustacés (crevettes, crabes), mollusques (moules, huîtres, petits poissons, algues, phytoplancton et zooplancton.

Iode L’iodure agit dans la production d’hormones thyroïdiennes qui régulent des processus métaboliques. Très forte concentration dans les algues (varech, wakamé, nori), poissons gras (morue, saumon), crevettes.
Fer Besoin faible mais indispensable pour la formation de l’hémoglobine (transport d’oxygène sanguin), et autres processus biologiques. Moules, palourdes, crevettes, sardines, thon.
Cuivre Composant des enzymes impliqués dans des processus métaboliques vitaux. Huîtres, moules, crustacés (crabes…).
Zinc Oligoélément utilisé dans diverses fonctions métaboliques. Huîtres, crevettes, crabes, thon, sardines.
Manganèse Oligoélément utilisé dans diverses fonctions métaboliques. Algues, moules, saumon

Sélénium

Antioxydant, système Immunitaire, fonction thyroïdienne, croissance, détoxification des métaux lourds. Poissons gras (thon, morue, sardines), fruits de mer (crevettes, crabes, moules, palourdes, huîtres), algues.

5.2. Vitamines

De nombreuses vitamines sont utilisées avec des rôles bien différents (tableau 5), certaines synthétisables par les poissons (vit. A, D, K) et d’autres peu ou non synthétisées qu’il faut impérativement apporter via la nourriture ou en solution dans l’eau (vit. C, B9, B12…). Même si l’on sait peu sur les besoins quantitatifs, ces vitamines s’avèrent indispensables avec quelques incertitudes sur le rôle direct des vitamines D et K.

Tableau 5 : Rôles et sources des vitamines pour les poissons marins
Vitamine Rôle Sources
A Agit sur la vision (formation de la rétine, synthèse de pigments visuels), la croissance et le développement des poissons, y compris organes internes, os et de peau, le système Immunitaire (résistance aux infections),
réparation des tissus, régulation cellulaire, reproduction et développement des œufs et des larves.
Petits crustacés, krill, zooplanctons et poissons. Certains poissons marins peuvent également stocker la vitamine A dans leur foie.
B B1 (Thiamine) : production d’énergie à partir des glucides, importante pour le système nerveux.
B2 (Riboflavine) : métabolisme des glucides, lipides et protéines, production d’énergie, croissance et développement.
B3 (Niacine) : métabolisme des glucides, lipides et protéines, production d’énergie et santé de la peau.
B5 (Acide pantothénique) : synthèse des acides gras et métabolisme des protéines, production d’énergie et croissance.
B6 (Pyridoxine) : métabolisme des acides aminés et synthèse des neurotransmetteurs, soutient le métabolisme des protéines, importante pour le système nerveux.
B7 (Biotine) : métabolisme des glucides, lipides et protéines, pour la production d’énergie et la santé de l’épiderme.
B9 (Acide folique) : synthèse de l’ADN et la division cellulaire. Rôle dans la croissance, le développement embryonnaire et la santé cellulaire.
B12 (Cobalamine) : formation des globules rouges et fonctionnement du système nerveux.
Vitamines B : Algues, poissons maigres, bivalves (moules, huîtres, palourdes), coquillages (turbos…), crustacés (crevettes, krill, crabes)
Vitamines B2, B3, B5, B6, B9, B12 : poissons gras (thon, morue, saumon, maquereau).
C

Les poissons synthétisent leur vitamine C, mais leur besoin peut augmenter en situation de stress, maladies ou de mauvaise maintenance. Elle améliore le système immunitaire contre les infections. En tant qu’antioxydant elle neutralise les radicaux libres prévenant les dommages cellulaires, facilite la cicatrisation des plaies et maintien la santé des tissus.

Pauvre dans les produits de la mer. Présente dans l’huile de foie de morue avec vit. D. Un peu dans les huîtres, crabes et crevettes.
Plus présente dans les fruits et légumes frais (agrumes, poivrons, épinards…
On peu enrichir la nourriture avec des solutions multivitaminées.

D D2, D3 : absorption intestinale du calcium et du phosphore pour la minéralisation des os et la croissance des poissons, amélioration du système immunitaire et résistance aux infections et maladies. Les poissons synthétisent la vitamine D lorsqu’ils sont exposés à la lumière UV et solaire.
Concentrée dans les poissons gras (saumon, thon, maquereau) et l’huile extraite de ces poissons (morue). Faible quantité dans les crustacés (crevettes, krill).
E Antioxydant contre les radicaux libres, soutient le système immunitaire pour résister aux infections et maintenir la santé, impliquée dans la reproduction le développement des œufs et des larves. En quantités modérées dans les poissons gras (saumon, thon, maquereau), l’huile de foie (morue),
alevins de crustacés (crevettes, krill), moules.

 

Cet article a résumé les grands principes d’alimentation des poissons marins, sauvages, dans leur milieu naturel. Peut-être permettra-t-il de mieux appréhender le nourrissage des poissons dans nos aquariums marins, un sujet développé dans l’article Alimentation des poissons marins en aquarium.

 

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