Longtemps utilisée pour évaluer la salinité de l’eau de mer, la mesure de sa densité doit à Archimède des équipements rustiques pouvant être mis en œuvre facilement. Pour autant elle est source de bien des erreurs à l’insu des utilisateurs trop confiants dans son apparente simplicité.
1. La densité
C’est le rapport entre la masse volumique de l’eau de mer et celle de l’eau pure de référence, c’est à dire à 4°C. C’est une valeur sans dimension. Cette caractéristique a été longtemps la seule utilisée par les aquariophiles marins pour évaluer le taux de sels de leur eau de mer, du fait de la simplicité des équipements et malgré l’approximation des mesures.
La densité de l’eau de mer augmente avec sa concentration en sel. Plus dense, elle porte mieux tout objet immergé. Il flottera mieux, c’est le principe d’Archimède.
2. L’hydromètre
Les hydromètres (aréomètres, densimètres) recouvrent tous les équipements utilisant le principe d’archimède pour la esure de la densité d’un liquide.
L’aréomètre consiste en un cylindre creux, lesté et gradué, qui pénètre plus ou moins dans le liquide selon sa densité. Il s’utilise pour exprimer une masse volumique (ex. 1025), une densité (ex. 1,025) ou la concentration d’une solution (ex. 10 °). La graduation définit la valeur mesurée. Son fonctionnement très rustique rassure. Il faut cependant privégier les modèles avec gros balast, plus sensibles et dotés d’une longue échelle graduée, plus précise.
Le densimètre à aiguille déplace un indicateur flottant, suivant le même principe. Plus pratique d’emploi, le frottement de l’aiguille le rend moins reproductible.
Les hydromètres de qualité sont étalonnés
pour une température donnée, souvent 20 °C ou 25 °C, et avec une eau de référence 4 °C, 20°C ou 25°C. Les deux températures sont alors affichées
sur l’appareil, par exemple sous la forme 25/4. S’il est indiqué sg 25/4, c’est que l’appareil indique une masse volumique, par exmple 1024 kg/m3 (ce n’est pas une densité) et qu’il est étalonné à 25 °C par rapport à une eau à 4 °C (c’est à dire la température de l’eau de référence).
2.1. Étalonnage
L’étalonnage consiste à mesurer l’écart entre la valeur fournie par l’équipement et un étalon fiable, puis exploiter cette information lors des mesures. Aussi rustique et rassurant soit-il, tout équipement doit être vérifié avant utilisation. Si on s’attend à peu de dérive de la part d’un aréomètre, le risque qu’il soit décalé existe. C’est ce que l’on constate avec de nombreux thermomètres à alcool tout aussi basiques.
Etalon S35 DIY
Le commerce propose des solutions étalon à S35 mais en petits conditionnements. Compte tenu du volume nécessaire pour étalonner un aréomètre à flotteur, on peut aisément réaliser son propre étalon. Certes, il ne sera pas relié à la chaine nationale d’étalonnage, non certifié, mais pas moins que de nombreux étalons du commerce. Cela conviendra à notre besoin.
L’étalon est réalisé avec du sel de table. La norme impose au sel de table d’être pur à 97 % de chlorure de sodium (NaCl). La pureté de ce sel raffiné est souvent supérieure. Si NaCl est très soluble, il n’est pas hygroscopique. Les 3 % d’impuretés sont des agents antiagglomérants pouvant potentiellement absorber l’humidité ambiante. L’erreur de densité générée dans une eau de densité 1,0233 par l’absorbtion de 60 % d’humidité dans ces impuretés serait – 0,0005. Il peut y avoir un peu plus d’humidité piégée dans la masse d’un sel mal conservé. En cas de doute on peut le sécher au four.
Préparation pour 1 litre :
- Si besoin, sécher du sel de cuisine 45 mn à 140 °C et laisser refroidir dans un récipient étanche.
- Peser 35 g de ce sel avec une balance de préférence elle-même étalonnée (poids de référence) à la précision 0,1 g.
- Peser 965 g d’eau déminéralisée ou osmosée. Une balance à 01 g près peut convenir pour la précsion.
- Dissoudre le sel dans l’eau.
- Conserver cette solution dans un récipient étanche.
Cette solution S35 permet de vérifier un hydromètre. Elle n’est pas adaptée pour étalonner un réfractomètre "eau de mer" comme le précise l’article Réfraction, réfractomètre
2.2. Mesurer avec l’aréomètre
La principale erreur de mesure d’un aréomètre relève de la difficulté à apprécier le niveau d’eau sur l’échelle graduée. La mesure se réalise dans une éprouvette, en dehors de l’aquarium, de manière à éliminer les mouvements de surface. Le niveau à hauteur des yeux, on lit alors la valeur en bas du ménisque.
Prévu pour l’eau de mer, l’aréomètre JBL (ci-contre) étalonné à 25 °C permet d’établir une compensation de la température.
Le sommet de la colonne d’alcool indique la température. La plage verte détermine la plage de température admissible pour l’eau de mer. A l’intérieur de cette plage l’écart est suffisamment faible pour ne pas effectuer une compensation de température. En dehors de cette plage on doit augmenter (+) ou réduire (-) la valeur lue.
La valeur de la température se lit sur la graduation de gauche en °C. Selon la température lue on applique la correction de la masse volumique avec l’échelle de droite. Exemple : supposons que l’aréomètre étalonné à 25 °C indique une masse volumique 1024 kg/m3, si la température affiche 20°C (très différente de la température d’étalonnage) on doit réduire (-) la valeur de la MV de 1 unité, soit 1024 – 1 = 1023 kg/m3. Puisque cet appareil est étalonné par rapport à une eau à 4 °C (cas de l’aréomètre JBL sg 25/4) , la densité réelle est 1,023.
2.3. Exploiter la valeur affichée
- Convertir selon la température de mesure : la masse volumique exploitée dans la mesure variant avec la température, l’eau testée doit être à la température d’étalonnage. Si tel n’est ps le cas, on peu utiliser l’échelle de correction inclue dans l’appareil (cas des modèles JBL ) ou procéder à la conversion suivant le tableau suivant.
Quand il s’agit de comparer des densités, pour cette raison on devrait toujours annoncer la température de mesure ou la traduirre selon la température de référence 25°C.
Exemple du tableau : l’aréomètre étant étalonné à 25°C, si on mesure une densité 1,027 à 28°C, la valeur réelle est (1,027 – 0,0009) soit 1,026 à 25°C. Compte tenu de notre usage, on peu arrodir à 1,03 à 25 °C.
Température de mesure | 24°C | 25°C | 26°C | 27°C | 28°C | 29°C |
---|---|---|---|---|---|---|
Ajouter à la valeur lue | + 0.0003 | 0 | ||||
Retirer à la valeur lue | 0 | – 0.0003 | – 0.0006 | – 0.0009 | – 0.0012 |
- Convertir selon l’eau de référence d’étalonnage : pour nos animaux, nous exploitons les informations de biologistes. Or le monde scientifique exprime la densité selon l’eau pure de référence, c’est à dire à 4 °C. Il convient de convertir toute valeur fournie par un équipement étalonné par rapport à une autre température.
- Utiliser la même unité : avec l’apparition d’autres moyens de mesure, il est judicieux de converser selon la même mesure. Scientifiquement c’est aujourdhui la salinité.
Ce type de convertisseur permet de réaliser toutes conversions nécessaires.
2.4. Attention aux erreurs !
- Dans la pratique, les francophones et anglophones utilisent des mesures, des unités et une expresion des chiffres différentes qui sont fréquemment sources de quiproquos avec des erreurs d’interprétations. En effet le mot anglais density n’est pas la densité du français. Ce tableau récapitule les traductions. Les mots, les points et virgules ont leur signification.
Anglais | Français | ||
---|---|---|---|
Mesure | Exemple | Mesure | Exemple |
Specific gravity (SG) | 1.023 | Densité | 1,023 |
Density | 1,023 kg/m3 | Masse volumique | 1023 kg/m3 |
- Le terme "densité" est parfois employé incorrectement à la place de "masse volumique" du fait que la valeur numérique est la même (selon les unités choisies) pour les solides et les liquides. C’est fréquemment les cas chez les utilisateurs d’aréomètre JBL qui évoquent par exemple une densité de 1026. Cette valeur serait plausible seulement sur une planète hyper dense qui reste à découvrir. En l’occurrence le fabriquant indique la masse volumique 1026, mais l’équipement étant étalonné par rapport à une eau à 4 °C, on peut aisément et sans erreur la transposer en densité 1,026.
- On utilise également l’expression "densité relative" pour désigner le rapport de deux masses volumiques de matériaux différents.
- Le calculateur salinité permet de convertir la densité (océanographique) c’est à dire la masse volumique et la salinité
en fonction de la température.
Les océanographes évoquent la densité océanographique. Cette appellation est trompeuse. En effet ce qu’ils nomment densité de l’eau de mer est par convention, et en accord avec les océanographes anglo-saxons, la masse volumique (avec un point) c’est à dire la density des anglais. L’unité pas toujours précisée est kg/m3 ou g/ml (1 kg/m3 = 1000 g/ml). Ce détail est à l’origine de bien des confusions chez les francophones.
La densité dépend de la salinité
de la température et de la pression. La densité (océanographique) de l’eau de mer
à pression atmosphérique est 1.023 g/ml (1023 kg/m3) à 25°C et 1.022 g/ml (1022 kg/m3) à 28°C.
La mesure de la densité, apparemment simple aux yeux des aquariophiles, souffre d’une succession d’approximations (équipement, méthode, exploitation des résultats) à l’origine de grandes imprécisions. Situation regrettable pour une caractéristique essentielle. Il est temps de tendre vers une expression commune : la salinité mesurée avec des moyens moins sujets à erreurs.
3. Densité en aquarium
La température des récifs oscille entre 19 °C et 28 °C selon les régions avec une moyenne annuelle proche de 25 °C et des variations saisonnières de 2 °C à 5 °C. Dans nos bac récifaux la température généralement adoptée pour des raisons pratiques se situe autour de 26 °C à 27 °C. Parfois moins dans les bacs de poissons et momentanément plus : 30°C en été.
Pour nos bacs récifaux on admet une densité de 1,022 à 1,025 à 25°C.
Température | 25°C | 26°C | 27°C | 28°C | 29°C |
---|---|---|---|---|---|
Bac de poisson (FO) | 1.020 à 1.022 | ||||
Récifal | 1.022 à 1.025 | 1.022 à 1.025 | 1.021à 1.024 | 1.021 à 1.024 | 1.021 à 1.024 |
La densité vraie doit être calculée en fonction de la température de mesure.
L’abaque suivante permet de calculer la densité vraie à 25°C selon la température de mesure et pour des eaux de masse volumique différentes (33 à 39 g/l).
En savoir plus
- Propriétés physiques du milieu marin Cours de l’Institut des Sciences de l’Ingénieur de Toulon et du Var
- Calcul de la densité de l’e au de mer
- IES80 : équation d’état de l’eau de mer
- Algorithms for computation of fundamental properties of seawater UNESCO Technical paper in marine science
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