Il existe de nombreuses méthodes pour traiter et prévenir les maladies des coraux selon la nature du problème : biologiques ou chimiques, dans l’aquarium ou en bains, curatifs ou préventifs. Ces traitements peuvent cibler des infections bactériennes, des infestations de parasites, ou encore favoriser la santé générale des coraux. Le bain externe à l’aquarium présente quelques avantages. Cet article explore les raisons qui peuvent conduire à ce type de traitement, les produits, leur champ d’action et les modes opératoires à mettre en œuvre.
1. Pourquoi traiter en bain et quels organismes
Indépendamment de la maintenance régulière de l’aquarium, on peut vouloir agir ponctuellement sur un spécimen de corail précis. Le trempage (ang. Dip) du corail infecté en bain annexe permet d’agir vite, sans interférer avec l’aquarium. Un même bain peut également répondre à plusieurs objectifs.
Il est facile de tremper une petite bouture à son arrivée. Ça l’est moins quand le corail a pris du volume dans l’aquarium, et encore moins quand il est fixé au décor. Dans une logique de traitements en bains, il est intéressant de concevoir l’agencement de manière démontable, par exemple avec des roches en éléments facilement retirés et remis en place, des plots simplement enchassés dans le décor…
Les raisons d’un traitement en bain sont diverses, et peuvent impliquer des organismes aux comportements très différents. Un microscope permet de mieux cibler l’organisme à éliminer. Voyons les cas les plus fréquents :
1.1. Traitement préventif d’accueil
Il existe des parasites plus ou moins redoutés. Certains sont effectivement si redoutables qu’ils peuvent conduire à l’agonie d’un aquarium et l’abandon définitif du propriétaire. Ce risque important devrait conduire tout aquariophile récifal à réaliser un traitement préventif à l’accueil du corail avant sa mise en quarantaine dans un bac dédié, le temps d’observer son comportement.
1.2. Invasion de parasites
Une invasion peut être récente, sans effet délétère encore perceptible, mais potentiellement cause de stress dont les effets à plus long terme pourraient se traduire par la perte du spécimen.
De nombreux parasites peuvent être observés sur les coraux. On s’intéresse ici, plutôt à ceux qui occasionnent des stress ou des maladies à leurs hôtes :
- Plathelminthes : ces vers plats tels que les turbellariés ou planaires, peuvent agresser les Acropora (ang. AEFW : Acropora Eating Flatworms) comme le planaire d’Acropora Amakusaplana acroporae. Ils se nourrissent du tissu corallien, provoquant des nécroses visibles sous forme de taches blanches, et peuvent sérieusement affaiblir, voire tuer les colonies infestées. Ces parasites sont difficiles à détecter en raison de leur mimétisme et de leur capacité à se dissimuler sous les branches de corail.
Certaines espèces de vers plats, Pseudoceros ou Convolutriloba, bien que non considérés comme de véritables parasites, peuvent entraîner la dégradation des tissus de coraux LPS affaiblis. - Nudibranches : ils se nourrissent du tissu externe des coraux en le grattant. Les signes d’infestation incluent des taches blanches ou décolorées, des zones dénudées ou nécrosées qui dénotent l’affaiblissement des colonies, une baisse de vitalité du corail. On peut observer parfois des œufs sous forme de petites spirales blanches à la surface des coraux. Leur petite taille de quelques millimètres, et leur capacité à se fondre visuellement sur les tissus de leurs hôtes, rendent leur détection difficile.
On connait Phestilla minor parasite des Montipora (Cf. Coraux durs et invertébrés parasitaires), ceux des Zoanthus et d’autres inféodés aux coraux mous, tels que les Sarcophyton et Sinularia. - Gastéropodes : les escargots du genre Drupella, sont souvent de petite taille, avec une coquille spiralée de couleur blanche à brune, avec des motifs permettant leur camouflage. Carnivores, ils se nourrissent de tissus de coraux durs Acropora, Montipora, Porites, Pocillopora, voire Fungia. Ils grignottent la surface des coraux avec leur radula, provoquant la décoloration et la dégradation des tissus coralliens. Les coraux deviennent plus vulnérables à d’autres stress ou infections.
- Copépodes : il existe une très grande diversité de copépodes (ang. bug : puces) inféodés à leurs espèces de coraux hôtes, notamment des scléractiniaires (LPS, SPS). Les copépodes en question sont parasites et se développent au dépend de leur hôte, fixés sur le tégument (ectoparasites) par des crochets et/ou ventouse, ou plongés dans les cavités gastrovasculaires (endoparasites). Ils se nourrissent directement ou par l’intermédiaire de pièces buccales qui peuvent s’allonger en trompe suceuse ou piqueuse. Bien moins fréquents que les nudibranches, on en trouve sur les Acropora (red bug, black bug, white bug) tels que Tegastes acroporanus et Alteuthellopsis caorallina et moins fréquemment sur Stylophora, Pocillopora et Seriatopora. Ils s’attaquent aux tissus et aux polypes des coraux hôtes. De petite taille de quelques dixièmes de millimètres, ils sont invisibles à l’œil nu. On détecte leur présence par la décoloration et la perte de tissus source de stress.
- Isopodes et amphipodes : moins communément, certaines espèces parasitent également les coraux.
- Araignée de zoanthus : ce sont des chélicères, proche des araignées, mesurant quelques millimètres, à corps plat segmenté, dotés de quatre paires de pattes. Ils vivent près du littoral. La plupart sont carnivores et mangent éponges, coraux, anémones… aspirant les tissus avec leur trompe ou arrachant des petits morceaux avec leurs pinces chélicères.
- Protozaires : ces microrganismes sont essentiellement des prédateurs opportunistes, profitant de l’affaiblissement induit par une infection bactérienne. Par exemple : Helicostoma nonatum est associé à la maladie de la gelée brune, Pseudomicrothorax à des nécroses et Philaster sp. s’observe dans les nécroses rapides (RTN) des coraux durs.
- Dinoflagellés : ils affectent les coraux par leur présence, certaines espèces libérant des toxines dans leur environnement. L’envahissement est alors global et le bain ne sera pas la solution ultime, seulement un moyen de traiter un corail que l’on souhaite isoler de l’invasion générale.
- Champignons : des aspergiloses, actuellement non observées en aquarium, affectent régulièrement des octocoralliaires dans les Caraïbes, notamment les gorgones Gorgonia flabellum et G. ventalina.
- Polychètes : ces vers annélides (segmentés en anneaux) sont des prédateurs errants. Ils disposent d’une trompe dévaginable pourvue de puissantes mâchoires chitineuses. Leur action prédatrice s’exerce par taraudage, par ingestion de polypes ou encore par perforation des coraux dans lesquels ils creusent des tunnels. Les Hermodice spp. et Eunice spp. bien connu des aquariophiles s’attaquent aux coraux scléractiniaires, aux anémones mais aussi aux octocoralliaires (coraux cuir, nephtéidés…).
- Anémones : par exemple les Aiptasia peuvent proliférer au point de stresser le corail.
1.3. Maladies bactériennes
Une infection bactérienne se traduit par des nécroses tissulaires, lentes (STN) ou rapides (RTN), de la geléee brune ou d’autres formes de dégradations (maladie de la bande blanche, bande noire…). Ces infections sont parfois aggravées par des microorganismes.
À l’heure actuelle, nous n’avons pas d’information sur des infections virales.
Les bactéries pathogènes sont le plus souvent le vecteur d’aggravation d’un affaiblissement lié à un stress. Elles se fixent à la surface des cellules hôtes, colonisent, pénètrent les tissus, dégradent les membranes cellulaires, inhibent les cellules immunitaires, se multiplient, produisent des toxines provoquant une inflammation des tissus coralliens et se propagent… La maladie s’est installée.
Des microorganismes opportunistes tels que des protozoaires, Philaster lucinda dans les RTN, amplifient et accélèrent la progression de la maladie au point de devenir virulente et anéantir un massif en quelques heures. Pour cette raison, le traitement par des bactéries probiotiques peut être amélioré par une désinfection préalable des zones lésées.
1.4. Invasions algales
Les algues génèrent des stress par contact des tissus corallien. De plus, dans leur lutte chimique allélopathique pour l’espace, elles libèrent des substances toxiques de nature à agresser le corail et dégrader ses tissus, une autre source de stress qui affecte sa résistance. Les traitements consistent à atteindre les cellules algales, contribuant à leur mort et, par exemple, à nettoyer un support de bouture.
Il peut s’agir d’algues de toutes sortes : des algues vertes filamenteuses, des Valonia incrustées dans la roche, des formes gazonnantes peu accessibles, des algues brunes solidement fixées aux roches…
1.5. Supports malsains
Un support rocheux colonisé par des organismes divers potentiellement concurrents (éponges, Aiptasia, concrétions…) pour rendre au corail un espace sain non stressant.
1.6. Cicatrisation de lésions
Le corail a pu subir un choc, un poisson a peut-être dégradé une zone tissulaire pour y déposer ses œufs, des organismes colonisent l’espace dégagé… Un traitement activera la cicatrisation et pourra contribuer à une reprise plus rapide.
1.7. Revitalisation du corail
Préventivement, des aquariophiles pratiquent des traitements avant qu’un spécimen montre des signes de faiblesse. Le traitement est réalisé à l’arrivée du corail avant sa mise en quarantaine, mais aussi dans le cadre d’un post traitement de désinfection. On peut utiliser des bactéries probiotiques pour renforcer la lutte contre les pathogènes, ainsi que des additifs (oligoéléments, vitamines…) contribuant à renforcer la santé du corail et ses fonctions immunitaires.
2. Produits de traitements
2.1. Composants basiques
L’aquariophile souhaitant connaitre exactement ce qu’il utilise privilégiera des composants de base dont il pourra ajuster les dosages selon ses observations. Le tableau 1 cite quelques produits pour atteindre les buts suivants :
- Déparasitage : ils sont variés et incluent généralement les plathelminthes (vers plats d’Acropora (AEFW), les nudibranches de Montipora, les copépodes d’Acropora rouges et noirs (bugs) et certains protozoaires tels que le cilié Philaster sp. associé aux nécroses rapides (RTN).
- Traitement de nécroses tissulaires (TN) : le traitement peut être désinfectant et agir sur les bactéries pathogènes à l’origine de nécroses tissulaires lentes (STN), la gelée brune sur LPS et d’autre infections liées à des lésions physiques.
- Eradication d’algues : le produit peut agir sur les cellules de nombreuses algues, contribuant à nettoyer le squelette dégarni ou un support de bouture.
- Vitalisant du corail : l’action de désinfection peut traiter curativement les tissus ou préventivement sur les parasites, des bactéries probiotiques peuvent renforcer la lutte contre les pathogènes… améliorant dans tous les cas la santé et la résistance des coraux.
Composants | Parasites | Nécroses | Algues | Vitalisant |
---|---|---|---|---|
Chlorure de potassium (KCl) | Vers (plathelminthes, planaires) voire copépodes | OK | OK | |
Produits iodés : bétadine jaune, lugol | Protozoaires ? planaires | OK | ||
Eau oxygénée H2O2 3 % (10 Vol) | OK y compris Aiptasia | OK | OK | |
Permanganate de potassium | Nudibranches | |||
Extraits naturels (plantes, feuilles, fruits, agrumes…) | Selon l’extrait | Selon l’extrait | ||
Méthode KFC : Combinaison de traitements complexes (oxydants, antibiotiques…). | OK | OK | ||
Bactéries probiotiques | OK | OK | ||
Acides aminés, vitamines, oligoéléments | OK |
2.2. Formules commerciales
Le commerce propose une grande variété de formules prêtes à l’emploi. Le tableau 2 en cite quelques-unes. Les compositions et les modes d’actions n’étant pas connus, consulter les recommandations de dosages et durées avant tout traitement. Il est essentiel de suivre attentivement les indications pour éviter tout stress excessif ou dommages aux tissus des coraux.
Formule | Parasites | Nécroses | Algues | Vitalisant |
---|---|---|---|---|
Polylab Reef Primer coral dip (sels de potassium) | Vers (plathelminthes, planaires) | RTN, Gelée brune | OK | |
Fauna marin Cili DIP : Sels inorganiques, agents oxydants, stabilisant. | Ciliés. | OK | OK | OK |
Seachem Reef Dip (produit iodés) | Bactéries, champignons, protozoaires, planaires. | OK | ||
Tropic Marin Pro Coral Cure (produit iodés) | Bactéries, champignons, protozoaires, planaires. | OK | ||
Coral Rx (potentiellement : extraits de plantes, huile de lavande, agents surfactants). | Plathelmintes (AEFW), nudibranches, araignée de Zoanthus, planaires, gastéropode Heliacus de Zoanthus. |
OK | Bryopsis | |
DVH – Coral Protec |
Vers d’Acropora (AEFW), nudibranche de Montipora, araignées du Zoanthus, vers rouge. |
OK | ||
Two Little Fishies ReVive Coral Cleaner : extraits de plantes, Oleum abietis 0,5%, Citrus limon 0,5% | Plathelminthes, nudibranches. | |||
Aquaforest Protect DIP (potentiellement : extraits de plantes, agents surfactants). | Vers. | TN, gelée brune | ||
Fauna marin The DIP : ingrédients naturels | OK | |||
Red Sea Dipx : huiles essentielles | Vers, plathelminthes, nudibranches, copépodes (bugs). | OK | ||
Polylab Reef Primer coral dip | Vers, plathelminthes, copépodes (bugs). | OK | OK | |
Interceptor (milbémycine oxime) : antiparasite vétérinaire. | Vers, nudibranches, copépodes (bugs). | |||
Coral restore (AA…) | OK | |||
Brightwell Aquatics Frag Recover : plantes | OK |
3. Mode opératoire de trempage
3.1. Précautions préalables
Les coraux peuvent être plus ou moins sensibles à certains composants. Si des composants ont largement fait leurs preuves d’autres, notamment ceux issus de plantes, méritent de plus amples confirmations. Dans le doute, il convient de toujours rester prudent et de procéder par étapes :
- Tester sur des échantillons du corail.
- Commencer avec des concentrations faibles.
- Augmenter les doses progressivement.
- Surveiller la réaction du corail.
- Limiter la durée du bain (en général de 3 à 10 minutes) sauf indications approuvées.
3.2. Consignes de sécurité
- Réaliser les bains à l’écart de l’aquarium ou du bac de quarantaine.
- Ne pas verser le bain dans l’aquarium en cas de doute.
- Ne pas ingérer les produits.
- Se protéger des projections (yeux, muqueuses…).
- Tenir et stocker à l’écart des enfants.
- Ne pas réutiliser la solution. Son principe actif a diminué et pour ne pas polluer.
3.3. Réalisation d’un bain désinfectant ou revitalisant
- Pré-nettoyage : préalablement, au-dessus ou dans un récipient rempli d’eau de l’aquarium, retirer tous les macroorganismes qui seraient indésirables (ex. algues, vers…), de quelconque manière (scalpel, brossette, cure-dent…).
- Prélever l’eau de l’aquarium : dans le récipient propre destinée au bain de traitement.
- Doser la solution : incorporer le produit dans le bain au ratio adéquat ci-après, puis homogénéiser.
- Tremper le corail : totalement dans la solution.
- Surveiller : le comportement du corail, contraction des polypes, dégagement de bulles…
- Nettoyer : les zones inaccessibles des tissus avec une pipette, et les supports rocheux à la brossette.
- Durée du bain : selon le produit de traitement ci-après.
- Rincer le corail à l’eau de mer propre issue de l’aquarium, l’agiter légèrement pour éliminer tout résidu chimique de produit.
- Traitement probiotique : compléter éventuellement par un traitement avec des bactéries probiotiques.
- Replacer le corail dans le bac principal ou le bac de quarantaine afin de poursuivre l’observation et, si besoin, le traitement.
3.4. Réalisation d’un bain probiotique
Le bain probiotique augmente les chances pour les bactéries d’atteindre le corail et de se fixer dessus. Après avoir introduit les bactéries, immerger le spécimen, idéalement durant au moins 6 heures le
temps que les bactéries s’installent sur le corail et dans sa cavité gastrique. Le bain peut consister en une culture préalable de bactéries multipliées selon le protocole détaillé dans l’article Traitement probiotique de nécroses coralliennes.
4. Produits de trempage en bains
4.1. Chlorure de potassium KCl
Ce traitement s’est développé ces dernières années dans le monde récifal après des expérimentations scientifiques et des témoignages positifs. Il combine efficacité et sureté, sans présenter de grand risque pour les coraux. Une étude (1) très récente témoigne de l’efficacité de bains à 1,5 % (15 g/l) pour éradiquer en 90 secondes, sur Goniopora, le cilié (Philaster lucinda) responsable de RTN. À concentration identique, elle révèle la même efficacité que l’eau oxygénée, sans l’agressivité de cette dernière. Par ailleurs une autre étude (2) montre un champ plus large d’actions de KCl par rapport à NaCl face aux bactéries pathogènes observées dans la préservation d’aliments. À l’achat, on choisira un produit de pureté 99 %. Notons que Polylab Reef Primer coral dip utilise des sels de potassium.
Ce traitement s’avère plus efficace avec un spectre plus large et moins risqué que l’insecticide Bayer Advanced Insect Killer parfois préconisé outre-Atlantique contre les copépodes, mais à l’usage controversé. Je n’en dirai pas plus.
Protocole :
- Traitement de parasites : bain de 5 mn à 4 g/l (soit 0,4% ou 4000 mg/l). Les coraux les plus sensibles (Acropora lisses, LPS) sont préservés. Ce dosage recommandé est efficace contre les plathelminthes, vers plats d’Acropora (AEFW), nudibranches et planaires. Les microcrustacés tels que les copépodes parasites d’Acropora (red bug, black bug et white bug), semble nécessiter une concentration plus élevée 5 mn à 10 g/l en renouvelant les bains tous les 3 à 5 jours durant plusieurs semaines.
Par contre il n’affecte pas les oeufs des parasites. Pour les éradiquer, il est nécessaire de couper les branches dans une zone saine avant traitement, ou bien recommencer le traitement toutes les semaines durant 8 semaines. - Traitement des TN : bain de 5 mn à 15 g/l. Les coraux ne sont pas affectés par ce dosage plus important. D’ailleurs, Polylab préconise d’utiliser le Reef Primer coral dip contenant des sels de potassium, à une concentration de 12 g/l en bain de 5 mn.
4.2. Bétadine
La Bétadine (flacon jaune) est une solution de povidone iodée à 10 % dans de l’eau (soit 1 % d’iode libre actif). La povidone est un polymère qui libère progressivement l’iode, réduisant ainsi son caractère irritant et prolongeant son action antiseptique. Le large spectre de cet antiseptique la rend plus efficace que d’autres formes d’iode. Agent oxydant elle agit sur les membranes cellulaires des microorganismes, entraînant leur mort.
La bétadine a largement fait ses preuves pour désinfecter le tissu du corail et stopper la propagation d’infections bactériennes, voire des champignons, des virus, des protozoaires causes de RTN, et d’autres microorganismes. Son action rapide permet de traiter dans l’urgence des coraux fragilisés. De part sa composition, la bétadine adhère bien aux tissus du corail durant le bain, augmentant son efficacité antiseptique sur les zones infectées. Cependant elle peut être irritante pour certains coraux délicats. Il convient de l’utiliser avec parcimonie notamment sur les coraux aux tissus peu épais (coraux durs SPS). Le commerce propose des compositions iodées telles que Seachem Reef Dip, Tropic Marin Pro Coral Cure prêtes à l’emploi.
Protocole : La bétadine 10 % s’utilise en dosage 5 à 10 ml/l d’eau issue de l’aquarium (0,5 à 1 %), en bain de 5 à 10 minutes. Dans un cadre curatif, on préconise de suivre ce traitement par un bain de probiotiques pour maximiser les chances de guérison et le rétablissement rapide.
4.3. Lugol
Il s’agit d’une solution d’iode et d’iodure de potassium dans l’eau. De concentration plus élevée que la bétadine, et sous forme libre, son action est plus rapide et puissante que celle de la bétadine. Mais plus irritant, il peut endommager les tissus si utilisé à des concentrations élevées ou de manière prolongée. Le Lugol est utilisé pour ses propriétés antiseptiques contre les bactéries, les algues indésirables et potentiellement, certains les protozoaires. Les effets à long terme des traitements ne sont pas bien connus. Une étude (7) a cependant déterminé que le lugol n’a pas d’effet néfaste sur la croissance corallienne.
Il existe des solutions commerciales prêtes à l’emploi, mais aux concentrations variées. Il faut s’en tenir aux recommandations du fabricant pour son produit.
Préparation du lugol
Dans le cadre d’une prophylaxie, on utilise généralement une concentration à 5 %. C’est à dire 100 millilitre d’eau osmosée, 10 grammes d’iodure de potassium KI et 5 grammes de diiode I2 en cristaux.
Étapes de la préparation
- Verser environ 30 ml d’eau distillée dans la bouteille en verre ou plastique (PP, PET…) opaque, pour préserver sa stabilité.
- Introduire 10 gramme d’iodure de potassium et agiter pour dissoudre. L’iodure de potassium aidera l’iode à se dissoudre dans l’eau.
- Ajoutez 5 g de diiode I2 en cristaux dans la solution.
- Compléter avec le reste de l’eau distillée jusqu’à atteindre 100 ml et mélanger doucement jusqu’à dissolution complète.
- Stocker la solution dans un endroit sombre et frais.
Protocole : 5 à 10 gouttes de Lugol par litre d’eau de mer en bain de 5 à 15 minutes. Surveiller l’action sur le corail. S’il s’éclaircit, stopper immédiatement. Réaliser un seul bain pour une prophylaxie avant l’introduction d’un nouveau corail. En cas d’infection, selon la gravité renouveler le bain une à deux fois par semaine. Les coraux mous et certaines espèces de SPS comme les Acropora sont particulièrement sensibles. ⚠️ ne pas dépasser la durée recommandée et éviter les bains fréquents.
4.4. Eau oxygénée
L’eau oxygénée est depuis longtemps utilisée pour aseptiser et désintégrer la matière organique. Tout est question de concentration. A très faible dosage elle permet de désinfecter les tissus d’un corail. A plus forte concentration elle agit sur des microorganismes, voire des parasites plus grands. On peut ainsi traiter un support avec son corail pour éliminer les algues, et avec elles la microfaune en place. Inutile de rappeler que l’usage du peroxyde d’hydrogène H2O2 peut être agressif (pour l’homme et les organismes), et se réalise en suivant scrupuleusement les consignes d’utilisation.
L’article Peroxyde d'hydrogène en aquariophilie récifale permet de mieux comprendre et d’appréhender ce produit si décrié. Il précise les protocoles notamment les durées et les dosages avec H2O2 10 vol (3%) dilué avec l’eau issue de l’aquarium selon l’usage souhaité. Appliquer strictement les préconisations selon le cas d’utilisation.
Protocole de base :
- Coraux peu résistants (Acropora…) ≈ 10 ml/l durant 5 mn.
- Coraux moyennement résistants et leurs supports (algues…) ≈ 100 ml /l durant 5 mn.
4.5. Extraits naturels de végétaux
Certains extraits naturels de plantes, de feuilles, de fruits, d’agrumes… sont utilisés lors de traitements en bain ou dans l’aquarium, principalement pour leurs propriétés antimicrobiennes, antifongiques et antiparasitaires. Peu utilisés en aquariophilie récifale, les méthodes sont encore confidentielles, avec des effets généralement moins radicaux que des traitements antibiotiques ou chimiques agressifs. Cependant, elles offrent une alternative pour traiter les coraux de manière douce et naturelle. D’ailleurs certaines marques aquariophiles en commercialisent déjà.
Certains composants de ces extraits naturels s’avèrent très actifs. Compte tenu du manque de recul, la prudence s’impose et il convient particulièrement ici de respecter les précautions préalables et les consignes de sécurité évoquées ci-dessus. Parmi ces extraits végétaux on peut trouver :
- Hamamélis (Hamamelis virginiana) : c’est une plante connue pour ses propriétés astringentes, antibactériennes, anti-inflammatoires et antioxydantes, grâce à des composés actifs comme les tanins, les flavonoïdes et l’acide gallique. En aquariophilie récifale, l’hamamélis est employé pour des traitements de bain doux destinés aux coraux. Son utilisation spécifique pour traiter les parasites ou les infections coralliennes est peu documentée.
Protocole : l’hamamélis s’utilise aux US en bain de 30 mn dans 10 ml/l; Ce dosage est établi spécifiquement avec le produit TN Dickinsons, Wich Hazel Astringent étiquette bleue, un distillat d’hamamélis pur à 14 % d’alcool. Tout autre produit impose de confirmer ces préconisations. - Extrait de pépins de pamplemousse (Citrus paradisi) : Antibactérien, antifongique, antiviral et antioxydant. Il contient des composés bioactifs comme la naringine et la limonine, efficaces contre certains types de bactéries et de champignons. Il est plutôt utilisé comme désinfectant en traitement d’accueil des boutures.
Protocole : ajouter1 à 2 gouttes pour 1 litre issue de l’eau du bac pour un bain d’environ 5 à 10 minutes. - Extrait de thym (Thymus vulgaris) : Le thym contient des composés antimicrobiens puissants, notamment le thymol et le carvacrol, efficaces contre les pathogènes et certains parasites.
Protocole : Une faible concentration est conseillée soit 1 à 2 gouttes par litre d’eau de mer durant quelques minutes. - Huile essentielle d’arbre à thé (Melaleuca alternifolia) : l’huile de tea tree, réputée pour ses propriétés antiseptiques et antifongiques, permet de lutter contre les infections bactériennes et fongiques.
Protocole : En très faible dose 1 à 2 gouttes pour 1 litre d’eau de mer en bain de 5 minutes. - Extraits végétaux divers : l’aquariophilie récifale a très tôt été attentive aux traitements à base de produits naturels et s’appuie sur les pratiques avancées en aquacultuire. C’est le cas de l’huile essentielle d’arbre à thé. Dautres composés sont testés de manière plus ou moins confidentielle sur les coraux. Citons l’algue brune (Ascophyllum nodosum) riche en composés bioactifs immunostimulants, l’eugenol extrait principalement du clou de girofle (Syzygium aromaticum) pour ses propriétés antiseptiques, analgésiques et anti-inflammatoires, des composés de l’Aloe vera pour leurs propriétés anti-inflammatoires et cicatrisantes et l’extrait de neem, un arbre originaire d’Inde Azadirachta indica, pour contrôler les infections bactériennes et fongiques et immunostimulant. Certains de ces produits ne peuvent être utilisés de manière inconsidérée. Très actifs, il sont dosés à la goutte près. Nombre d’autres extraits ont également été testés (extrait de pépin de raisin, jus d’ail…) moins efficaces ou sans effet.
4.6 Bactéries probiotiques
L’utilisation des bactéries probiotiques, bénéfiques en de nombreux aspects pour le corail, est en général réalisé en soutien d’un premier traitement destiné à éradiquer ou réduire des parasites opportunistes et désinfecter les plaies. Les bactéries viennent ensuite dans le cadre de la reconstruction des tissus, les défenses immunitaires, et l’occupation du terrain occupé par les pathogènes.
Protocole : Ce sujet est largement abordé dans l’article Traitement probiotique de nécroses coralliennes. On y trouvera tous les détails relatifs aux produits utilisés tels que Microbe lift Special Blend ; Prodibio Biodigest ; Tropic Marin Nitribiotic… le protocole et les dosages
4.7. Acides aminés, vitamines et oligoéléments
De la même manière que les bactéries, ces éléments servent au métabolisme du corail, notamment à la reconstruction tissulaire. Il est intéressant de tremper les coraux dans un bain concentré de manière à assurer la disponibilité des éléments au corail lui-même. Il s’agit de produit commerciaux tels que: Red Sea Coral Colors, Brightwell Aquatics Coral Amino et Replenish, Tropic Marin A- Elements et K+ Elements.
4.8. Permanganate de potassium KMnO4
Le permanganate de potassium a été testé contre les nudibranches de Montipora par Eric Borneman (4).
Protocole : Eric Borneman relate l’éradication en un seul traitement, des adultes et des œufs en bain de 2 h maximum (voire moins) dans 50 mg/l. Le corail brunit mais retrouve sa couleur d’origine quelques heures plus tard.
4.9. Méthode KFC
Ce traitement décrit par Kung Fu Corals (5), utilisé pour traiter des Euphyllia s’avère relativement lourd. Il exploite les conclusions d’études utilisant des antibiotiques pour traiter des cas de nécroses tissulaires sur des SPS en le complétant par d’autres actions. Il est d’autant plus complexe que les antibiotiques cités ne sont délivrés en France que sur ordonnance médicale.
Protocole : La méthode se déploie en plusieurs étapes : désinfection du corail dans un bain de peroxyde d’hydrogène H2O2 3% (10V). KFC préconise 5-10 mn à 8-10 ml/l (0,8 à 1 %), suivi d’un second bain de 2 à 6 heures contenant des antibiotiques (amoxicilline, ciprofloxacine), désinfectant (lugol) et un antioxydant (Chemiclean), en terminant par une seconde désinfection similaire à la première. Ne sachant pas retranscrire clairement ce protocole, par ailleurs susceptible d’évoluer, je laisse le soin de consulter le site.
Bons traitements, beaux coraux !
En savoir plus
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