Lys de mer ! Ce nom évocateur donné aux premiers crinoïdes fossiles, traduit bien la beauté et l’élégance dégagées par cet animal. Les Grecs y voyaient en effet une fleur, crinoïde venant de krinon, « lys », et eidos « forme ». Les paléontologues ont décliné krinon, pour les nommer Encrines. De tous ces crinoïdes, l’aquariophile ou le plongeur ne pourra observer qu’une forme particulière, la comatule du latin comatula, coma signifiant « chevelure » d’où son autre qualificatif étoile plumeuse cher aux anglo-saxons. Du lys à la chevelure, du crinoïde à la comatule… qu’ont donc ces animaux de si particulier ?
Si la littérature regorge d’informations sur les formes fossiles, on trouve peu d’informations concernant leur vie. Peu étudiés parce que présentant peu de retombées économiques potentielles, l’intérêt qu’on leur porte évolue. En effet, les chercheurs étudient de plus près certaines particularités, notamment l’extraordinaire aptitude des crinoïdes à se régénérer. L’Homme devra-t-il un jour aux crinoïdes le fait d’être devenu immortel ? Nous n’en sommes pas encore là. En attendant, plus modestement cet article synthétise quelques informations parmi les plus récentes avec le regard d’un aquariophile récifaliste.
1. Évolution
1.1. Origines
Les crinoïdes disposent d’une structure fortement calcifiée, ce qui explique que l’on trouve de nombreux exemplaires fossilisés, permettant d’en retracer l’évolution. Ils font partie de ces rares animaux préhistoriques que l’on peut observer encore aujourd’hui dans leur apparence proche de leurs débuts il y a quelques centaine de millénaires.
Apparus au précambrien il y a 525 Millions d’années (Ma), bien avant les dinosaures, leur forme est alors constituée d’un pédoncule, jusqu’à 20 mètres de long à l’époque, et d’un corps (la thèque) prolongé par des bras. Ces animaux, les lys de mer, sessiles, abondent alors en couvrant de véritables prairies sous-marines. Ils passent avec succès les épreuves du temps notamment les grandes perturbations climatiques (température, anoxie des océans…) dont la plus meurtrière, celle du Permien-Trias (- 252 Ma), qui voit l’extinction de la quasi-totalité des espèces marines. C’est alors que se développent, au cours du Jurassique (-150 à -200 Ma), les formes mobiles, dont le pédoncule s’est réduit au stade post larvaire et qui constituent ce que l’on nomme aujourd’hui les comatules. En mesure de fuir leurs prédateurs et de trouver des biotopes plus propices faces aux caprices des millénaires, les comatules se sont développées considérablement pour supplanter il y a -5 Ma, les espèces pédonculées dont peu ont survécu, cantonnées aujourd’hui aux grandes profondeurs. Noter qu’il existe de rares exceptions à la notion de comatules mobiles et de lys de mer fixes, en effet certains genres de Comatulida ont restauré l’usage d’une tige.
Fossilisés ou vivants, les crinoïdes ont subi de nombreuses évolutions. Leurs morphologies très variables rendent leurs identifications taxonomiques complexes qui imposent l’analyse détaillée du squelette. Les paléontologues étudient notamment les entroques, des éléments fossiles composant les tiges et bien conservés dans certains marbres. Ainsi, conservation et variations font des crinoïdes, d’excellents traceurs permettant de dater les couches géologiques où on les trouve.
1.2. Classification
Les crinoïdes appartiennent à l’embranchement des échinodermes, au même titre que les oursins, les étoiles de mer, les ophiures et les holothuries (Fig. 1).
Si le langage courant a pris l’habitude de nommer comatules les crinoïdes dépourvus de tige, vagiles, et lys de mer les autres, pédonculés, en général sessiles, ces appellations n’ont rien de scientifique. Les taxinomistes se sont penchés assez tardivement sur leur identification et leur classement : on doit un premier inventaire aux travaux d’Austin H. Clark en 1915, fortement révisé par Charles Messing en 2014.
La plupart des quelques milliers de crinoïdes fossiles connus sont pédonculés. On identifie aujourd’hui environ 650 espèces de crinoïdes vivants, c’est à dire peu par rapport aux autres échinodermes ou l’on compte, par exemple, plus de 2000 espèces d’ophiures. La grande majorité, soit un peu moins de 600, appartient à l’ordre Comatulida, lesquelles comatules, sauf de rares exceptions, sont non fixées, vagiles. Elles perdent en effet leur pédoncule à un stade précoce et ne conservent que le segment le plus haut de leur tige. Les quelques autres espèces, pédonculées, vivent pratiquement toutes en eaux profondes, au-delà de 200 m.
1.3. Identification des espèces
Longtemps, les taxinomistes ne disposaient pour leurs études que des fossiles plus ou moins désagrégés, des produits de cueillettes en bord de mer et des spécimens arrachés du fond par chalutage. Autant dire que leur tâche n’était pas aisée avec ces spécimens en général fragmentés. La collecte des échantillons en scaphandre autonome, en apnée ou dans les eaux profondes au moyen des submersibles, permet de recueillir des spécimens intacts. Dès lors, leurs observations ont amélioré les identifications que les analyses génétiques reconsidèrent parfois aujourd’hui. Il n’est pas rare de voir des noms de genres renommés dans d’autres familles.
Les crinoïdes subissent divers traitements pour leur conservation et pour mettre en évidence leur squelette.
1.3.1. Clés d’identifications
L’analyse du squelette reste encore aujourd’hui une base de l’identification. C. G. Messing a ainsi établi une clé d’identification des familles de crinoïdes vivants. On pourra trouver sur le Net, d’autres clés d’identification, dont certaines en Français, spécifiques à certaines régions. Il est certain que les récifalistes ne pousseront pas leur curiosité jusqu’à traiter leurs protégés au formol ou à l’alcool. Cependant, les tissus étant très fins, les agencements du squelette peuvent se révéler sur des animaux vivants. Bien sûr, les manipuler présente trop de risque de rompre leurs membres, mais pourquoi ne pas tenter des macro-photos précises permises avec les appareils d’aujourd’hui ?
1.3.2. Espèces vivantes
L’analyse des espèces dépasse le cadre de cet article. Pour aller plus loin avec celles qui nous intéressent, le tableau 1 propose une galerie de photos de quelques-unes. Une fois cerné le genre de la comatule il sera plus aisé de collecter, si elles existent, les informations précises sur l’espèce en question. On pourra aussi consulter les rares sites d’identifications répertoriés en fin d’article.
2. Biologie
L’embranchement des échinodermes est constitué par des animaux exclusivement marins. Ce sont des métazoaires, c’est-à-dire que leur corps est formé de plusieurs cellules. Ce sont des invertébrés, ils n’ont donc pas de colonne vertébrale. Ce sont aussi des coelomates : leur corps comporte une cavité embryonnaire appelée cœlome aux fonctions multiples et essentielles, comme on le verra plus loin.
Comme tout échinoderme, un crinoïde se distingue par :
- Une symétrie secondaire pentaradiaire au stade adulte : Cette symétrie centrale d’ordre cinq est observable chez les crinoïdes par la présence de cinq rayons initiaux éventuellement ramifiés, soit cinq bras ou un multiple de cinq et ce, jusqu’à 200 bras. Noter que la larve des échinodermes a une symétrie bilatérale qui se modifie plus tard, le côté gauche devenant la face orale et le côté droit devenant la face opposée, aborale.
- Un système aquifère (ambulacraire) : il s’agit d’un réseau hydraulique, élaboré, utilisé pour la respiration, la circulation, la nutrition et souvent, la locomotion.
- Un endosquelette le stéréome : un squelette interne calcaire constitué d’éléments (articles) individuels, jointifs, formés de monocristaux de calcite hautement chargée en magnésium, conférant une structure finement poreuse.
- Un système tégumentaire : formé de tissu collagénique (constitué de protéines qui confèrent aux tissus une résistance mécanique à l’étirement), le MCT, mutable collagenous tissue, dont la rigidité modulable, commandée par influx nerveux, permet de lier les pièces squelettiques et rigidifier ou ramollir le corps à volonté, notamment pour maintenir des positions contractées sans effort musculaire.
Les crinoïdes se distinguent des autres échinodermes par :
- Un calice : formé de petites plaques calcaires (ossicules) fusionnées ensemble en cercle, en forme de coupelle contenant les viscères.
- Cinq rayons flexibles : extensions de la paroi du corps, habituellement ramifiés en bras ; ils comportent des rainures pour le transport alimentaire et d’autres fonctions.
- La bouche et l’anus disposés sur la même face orale : La surface orale contient la bouche en général relativement centrée chez les comatules, ainsi que l’anus, excentré, élevé à la pointe d’un cône ou d’un tube.
2.1. Morphologie
2.1.1. De la symétrie bilatérale à la symétrie radiaire.
Les échinodermes sont des bilatériens, c’est à dire qu’ils ont une symétrie bilatérale. Mais celle-ci, acquise au stade larvaire, évolue. Leur plan d’organisation corporelle subit quelques changements radicaux au cours de leur développement, ce qui fait toute leur originalité dans le règne animal.
Oral : du côté de la bouche.
Aboral : à l’opposé de la bouche.
Apex : (au pluriel : apices) sommet d’une protubérance.
Apical : près de l’apex, du sommet ou d’une extrémité.
Distal : éloigné du corps central, vers l’extrémité.
Proximal : vers le centre.
Ils acquièrent une symétrie secondaire pentaradiaire (en cinq parties), qui prédomine au stade adulte. Du fait de cette symétrie radiaire, les termes descriptifs habituels ne sont pas applicables : dorsal, ventral, antérieur ou postérieur n’ont pas de sens en l’absence de tête ou de queue. On se réfère donc à l’emplacement de la bouche et l’on parle de surface orale et aborale.
Un crinoïde typique se compose d’un système d’accrochage, les crampons, qui peut prendre plusieurs formes, d’un pédoncule constitué d’une tige (absente chez les comatules) et d’une partie terminale, le centrodorsal. Ce dernier est surmonté d’une couronne formée d’un petit corps central, la thèque d’où partent les bras le plus souvent ramifiés et fournis de pinnules.
2.1.2. Morphologie squelettique
Le corps des crinoïdes comporte un endosquelette (squelette interne) mésodermique qui représente environ 80 % de la biomasse. D’aspect rugueux, il est recouvert de fins téguments mous vivement et diversement colorés.
Le squelette consiste en une série de pièces calcaires de formes très diverses, les ossicules, irrégulièrement réticulées, soudées ou articulées, maintenues ensemble par des ligaments et des muscles. Un élément squelettique est composé du stéréome, la partie dure minérale formant un maillage très fin, et du stroma, le vide rempli par du tissu. Il est percé d’un ou de plusieurs canaux axiaux, traversés par les extensions des systèmes cœlomiques (ambulacraire, sinusaire, hémal) et nerveux, que l’on abordera plus loin.
Le squelette des crinoïdes détermine la forme du corps et constitue la base d’une grande partie de la taxonomie des crinoïdes. En effet, ce squelette est essentiellement constitué de calcaire rigide, la calcite, qui se conserve bien à l’état de fossile. Généralement couvert d’un mince épiderme il reste clairement visible sous microscope pour qui veut se lancer dans des identifications. Étant donné l’importance du squelette dans la définition des espèces, les spécialistes lui ont associé une syntaxe très précise et exhaustive que cet article se doit d’aborder, ne serait-ce que partiellement, même s’il est destiné aux humbles aquariophiles récifalistes que nous sommes.
2.1.3. Système d’accrochage, crampons
Les crinoïdes sont pourvus de systèmes d’accrochage au substrat qui diffèrent suivant le biotope occupé par l’espèce.
Disque de fixation
De nombreux crinoïdes pédonculés disposent d’une terminaison élargie de la tige, le disque de fixation (photo a) qui peut encroûter des substrats irréguliers.
Cirres
Certains crinoïdes, dont les comatules sont pourvus de cirres, ou cirrhes (photos b et c). Ce sont des appendices non ramifiés, segmentés, généralement crochus, souvent préhenseurs. Les ossicules qui les composent se nomment cirrales. La cirrale terminale prend en principe la forme d’une griffe terminale incurvée et l’avant-dernière porte une épine vertébrale opposée. Les cirres sont robustes ou au contraire, minces et délicats. Ils peuvent compter une dizaine à plus d’une centaine de cirrales. Ces dernières augmentent généralement en taille, depuis la base : elles sont plus longues dans la moitié proximale du cirre, les segments distaux devenant ensuite plus courts. Les cirrales peuvent également être toutes uniformément courtes ou, chez certaines espèces aux bases longues et droites, se terminer en une pointe effilée droite.
Chez les crinoïdes pédonculés
Ces structures d’ancrage peuvent être développées sur les ossicules modifiés du squelette, réparties le long de la tige (photo b). Sur les fonds meubles, la tige est alors couchée et les cirres pénètrent à l’intérieur du sédiment, assurant un meilleur ancrage. Ces crinoïdes peuvent libérer leurs cirres du substrat, soit partiellement pour élever ou abaisser la couronne, ou complètement afin de nager avec leurs bras. Certaines espèces développent des cirres réduits à des radicelles non ramifiés, regroupés de manière désordonnée sur l’ossicule le plus éloigné (distal) permettant également l’ancrage sur des substrats meubles.
Chez les comatules
Les cirres non ramifiés se rattachent par des ligaments, à la pièce calcaire inférieure du calice (le centrodorsal), à la base de la thèque (photo c). Les comatules développent cinq cirres initiaux, orientés radialement, qui se multiplient ensuite. On compte en moyenne de 15 à 35 cirres avec un maximum de 80 cirres. Les cirres des espèces de fond sont fragiles et se cassent facilement, ceux des individus proches de la surface sont plus résistants. Les comatules régénèrent rapidement les cirres perdus.
2.1.4. Pédoncule
Chez les crinoïdes pédonculés, on observe une tige, de longueur variée, jusqu’à 50 cm chez certaines espèces vivantes. Elle relie le système d’ancrage à la couronne et la soutient dans le courant nourricier. Les crinoïdes ont donc leur face orale à l’opposé du substrat, contrairement aux autres échinodermes.
Le squelette du pédoncule est composé d’une succession de segments calcaires assemblés entre eux : les articles ou columnales (nommés entroques par les paléontologues). On distingue différents types de liaisons entre les articles : synostose (empilement osseux), symplexie (denticulée), synarthrie (union fibreuse).
Chaque columnale est articulée à la suivante grâce à des fibres ligamentaires, en synarthrie ; les ossicules basculent entre–eux sur une crête d’appui (crête fulcrale). Les articles sont de section circulaire, pentagonale, étoilée ou elliptique mais rarement hexagonale. Leur forme est très variable : mince ou épaisse, discoïde, cylindrique, en tonneau, bobine ou sablier.
Les tiges mesurent de quelques centimètres à plus d’un mètre de longueur et même 20 m chez certaines espèces fossiles. Les colonnes comportent des columnales qui s’agencent de plusieurs manières. Elles sont homéomorphes quand les columnales sont pratiquement semblables ; hétéromorphes en présence de columnales particulières appelées nodales (nœuds). Les nodales portent les cirres et sont dispersées régulièrement entre les columnales non porteuses de cirres nommées inter nodales. Enfin, les colonnes xénomorphes, présentent trois sections (proximale, intermédiaire et distale) de columnales à la forme individualisée, appelées respectivement proxistèle, mésistèle et dististèle. Chacune de ces sections peut être soit homéomorphe ou hétéromorphe. La situation n’est cependant pas toujours si tranchée pour le plus grand bonheur des taxinomistes, d’autant que les articles sont plus ou moins fusionnés entre eux ou avec le calice.
2.1.5. Centrodorsale
Les crinoïdes développent tous un pédoncule au cours de leurs stades post larvaires. Contrairement aux espèces de crinoïdes pédonculées qui conservent une tige tout au long de leur vie (sauf rares exceptions), les comatules la rejettent pour devenir libres au stade juvénile.
Plus précisément, elles ne conservent que le segment proximal (près de la bouche), ou plusieurs fusionnés, formant un grand ossicule modifié, centré sur la surface aborale : il s’agit de la plaque centrodorsale dite centrodorsale.
Les centrodorsales des comatules prennent des formes très variées : disques, étoiles, dômes, cônes ou cylindres. Elles portent habituellement les nombreux cirres d’ancrage.
La centrodorsale grandissant, des cirres supplémentaires s’ajoutent en bordure, parfois décalés en une spirale double, ou alignés en colonnes, du sommet vers le bord, séparés par des crêtes inter radiales. Le schéma d’addition des cirres reste le même. Certains petits cirres apicaux développés au stade juvénile sont conservés près du sommet de la centrodorsale. Ils peuvent aussi être perdus, conservant des traces des orbites d’accrochage. Dans les deux cas, il reste une petite zone dépourvue de cirre et d’orbite : le pôle aboral, à l’apex (sommet) de la centrodorsale. Cette zone peut être plate, convexe ou conique, lisse, papilleuse ou épineuse. Chez de nombreuses autres comatules, les cirres apicaux sont perdus et leurs orbites d’accrochage restent oblitérées durant la croissance de la centrodorsale, de telle sorte que le pôle aboral est élargi et les cirres se limitent à une ou deux rangées. Plusieurs espèces de comatules des genres Phanogenia, Comanthus, Capillaster… portent une réduction, mince, non centrodorsale, réduite, avec peu de cirres, ou pas du tout. La plupart semblent développer quelques cirres au stade juvénile, mais les perdent avec la croissance. La surface aborale de la centrodorsale peut former une colonne vertébrale, en forme de carène ou de crête.
2.1.6. Thèque
C’est la portion squelettique, au-dessus du pédoncule (chez les lys de mer) ou de la centrodorsale (chez les comatules). Elle supporte les bras et contient les parties vitales de l’animal. Elle se compose d’un calice qui entoure ou supporte les viscères, et d’un recouvrement par un tégument, une membrane parfois calcifiée : le tegmen.
Calice
Nommé aussi coupelle aborale, le calice se compose d’un, deux ou trois petits ossicules plats ou plaques (3 à 5 chez les espèces fossiles), en cercles ou en anneaux rigidement fixés immédiatement au-dessus du pédoncule. Les plaques sont nommées selon leur position : radiales, interradiales, basales, infrabasales… (schéma). Cinq radiales, auxquelles sont liés les bras, forment un cercle au-dessus des basales. Chacune est associée à l’un des cinq canaux radiaux internes du système aquifère. Radiales et basales peuvent être délimitées par une soudure ou fusionnées. Sur certaines espèces, on observe une troisième série d’ossicules entre les basales et la tige, les infrabasales, toujours réduites.
Chez les comatules existantes (sauf Atelecrinidae), les plaques basales métamorphosent au début du développement en une rosette interne délicate qui chapeaute la cavité de la centrodorsale (Photo).
Les ossicules du calice varient énormément. Leur morphologie, leurs proportions et le niveau de leur fusion contribuent grandement à l’identification de l’ordre, de la famille et de l’espèce.
Le calice peut supporter les viscères, il compte alors souvent des ossicules supplémentaires. Cependant, chez les comatules et les isocrinidés, qui représentent la grande majorité des crinoïdes vivants, le calice est très réduit par rapport aux espèces fossiles (Photo) ; il ne forme pas de coupe et n’entoure pas la masse viscérale ; cette dernière reste au-dessus du cercle radial et des ossicules proximaux des rayons.
Tegmen
La surface orale de la thèque, le tegmen (ou disque), peut être recouverte d’un tégument (une protection qui peut être mécanique, hydrique, thermique et qui limite les échanges avec l’extérieur) ou dénudée, parfois très colorée, formée de petites pièces calcaires, complètement ou partiellement recouverte de petites plaques ou nodules.
Chez les comatules actuelles, le tegmen prend la forme d’une plaque continue.
Le tegmen porte l’anus, situé au sommet d’un petit tube ou d’une papille. On y observe également cinq rainures ambulacraires qui convergent depuis la base des bras vers la bouche, ainsi que les hydropores, de minuscules ouvertures munies de valves filtrantes, débouchant dans le système aquifère. La bouche des crinoïdes (Photo a) est généralement excentrée sur le tegmen, l’anus étant centré. Cependant cette disposition est inversée chez la plupart des comasteridés (Photo b), qui représentent la famille des comatules récifales.
2.1.7. Bras et pinnules
Bras
Ils représentent à la fois la série d’ossicules habituellement ramifiée et les tissus associés qui rayonnent à partir du corps central. Pour être précis, le radial étant le premier ossicule au-delà du calice, on nomme rayon la portion qui débute par un radial alors que le bras commence après lui. On a pris l’habitude de nommer le premier rayon A qui se situe à l’opposé de la plaque interradiale comportant l’anus ; les autres rayons B, C, D, E se suivent ensuite dans le sens horaire. La détermination n’est pas aisée avec certaines espèces dont le calice est réduit, notamment avec les comatules dont le radial et les ossicules qui suivent sont si semblables que le rayon désigne la partie qui va jusqu’au dernier embranchement, et le bras, la partie non branchue qui s’étend au-delà.
La description du squelette à ce niveau est suffisamment importante aux yeux des taxinomistes pour qu’une syntaxe définise précisément les diverses formes d’ossicules brachiaux (secundibrachiales, tertiobrachiales …), déterminant ainsi les sections du bras, suivant un schéma d’embranchement représentatif de chaque espèce. Sans entrer dans les détails, retenons simplement que, quoi qu’il en soit, les ossicules brachiaux suivent toujours les radiaux.
Bien que certains crinoïdes disposent de rayons non ramifiés, la plupart débutent avec 10 bras, soit une ramification par rayon. Des bras supplémentaires se développent plus tard, à la place d’un rayon perdu. Quantité d’espèces de crinoïdes n’ont que 10 bras parfois jusqu’à 40 ou 50 et même jusqu’à 250 chez certaines espèces des récifs tropicaux.
Les rayons et bras portent des extensions des systèmes cœlomiques (nerveux et aquifère), ainsi que les pinnules.
Pinnules
Les Pinnules sont les petits appendices segmentés mais non ramifiés, disposés en alternance de chaque côté des bras, ce qui leur confère l’apparence de plumes. Elles servent aux échanges gazeux et constituent l’organe principal de collecte de nourriture.
Les bras des comatules comportent trois zones de pinnules aux caractéristiques particulières :
- A la base du bras, on distingue une ou plusieurs paires de pinnules : les pinnules orales. Selon les espèces, elles sont soit plus longues et plus flexibles soit plus robustes et de forme plus épineuse que les suivantes. Elles se caractérisent par l’absence de sillon ambulacraire. Les plus flexibles ont pour fonction de balayer la surface orale, les autres celle de la défendre, les plus robustes se positionnent, comme pour protéger la surface orale.
- Suivent plusieurs paires de pinnules génitales. Leur voute est chargée de gonades mais elles n’ont pas d’architecture spécifique ; elles peuvent être similaires aux pinnules plus distales dédiées à l’alimentation ou parfois plus courtes et plus grosses.
- Les pinnules qui suivent, sans qualificatif, ont pour unique fonction la capture et l’acheminement de la nourriture vers la bouche.
Comme toute autre partie squelettique du crinoïde, elles comportent des ossicules : les pinnulaires, articulées entre elles comme on va le voir ci-après. Nous aborderons également, comment les bras et pinnules interviennent dans le système ambulacraire, notamment avec leurs cils ambulacraires, les podia.
2.1.8. Articulations
Systèmes d’articulations
Certains ossicules s’articulent entre eux par des ligaments ou des combinaisons de muscles à fibres lisses et de ligaments qui s’ancrent dans des petits creux (fosses) sur les faces articulaires (facettes). Les crinoïdes vivants semblent posséder quatre types de liaisons de base: synostose, symplexie, syzygie et synarthrie. Cette dernière se modifie souvent au cours de la croissance en une des formes précédentes.
La synostose. C’est une liaison rigide avec contact intime des faces opposées des ossicules. Elles sont planes ou faiblement concaves, et unies par des fibres ligamentaires relativement courtes et peu nombreuses. Elle apparaît extérieurement comme une suture droite ou légèrement incurvée. On la trouve entre les ossicules des pédoncules (columnaires), des bras (brachiales) ou du calice (plaques).
La syzygie est une liaison relativement rigide des articulations brachiales, très répandue chez les comatules. Des crêtes, des dépressions ou des rainures rayonnent sur les faces en contact et s’opposent à leurs mouvements relatifs plutôt que de les verrouiller. La suture externe ressemble à une ligne perforée.
La symplexie, s’observe uniquement entre les columnaires, donc pas sur les comatules. Les crêtes d’une face se verrouillent dans les rainures correspondantes de la face opposée. La suture apparaît extérieurement ondulée. Selon les espèces, au stade adulte, les crénelures se répartissent autour du trou canal axial, en cinq pétales (pentacrinitidés), ou radialement.
La synarthrie se distingue normalement par une crête centrale fulcrale formant pivot, qui sépare deux petites fosses semi-circulaires logeant chacune un grand faisceau ligamentaire. Extérieurement, on observe que les extrémités des ossicules adjacents convergent tandis que les crêtes fulcrales (flèche blanche) atteignent le bord. Les crêtes fulcrales des columnaires peuvent s’orienter angulairement, permettant à la tige de plier dans des directions multiples tandis que celles des brachiales permettent au bras de pivoter en direction orale / aborale. On le verra, cette mobilité autorise des postures de nourrissage particulières.
Les articulations entre brachiales successives qui contiennent à la fois muscles et ligaments (articulations musculaires), disposent de larges fosses semi-circulaires ou viennent se loger, de part et d’autre de la crête diagonale, le ligament aboral et une paire de ligaments interarticulaires ainsi que les faisceaux musculaires insérés sur le côté de l’arête.
Dans tout type d’articulation, à la dépression sur une facette d’ossicule correspond une protubérance : symmorphie. Chez de nombreux crinoïdes le stéréome (squelette microporeux) varie selon le tissu articulaire. Les fosses d’ancrage des ligaments, s’ouvrent plus profondément en perforations alignées. En revanche, les fosses des fibres musculaires sont superficielles avec stéréome plus labyrinthique et éventuellement des saillies. À contrario on ne perçoit pas ces particularités sur quelques crinoïdes pédonculés. La configuration des articulations n’est cependant pas figée, elle peut évoluer au cours de la croissance du crinoïde.
Ligaments et muscles
Les ligaments des crinoïdes se composent de tissu collagénique modifiable (le collagène, secrété par les cellules des tissus conjonctifs, est une famille de protéines de forme plutôt fibreuse, qui confère aux tissus une résistance mécanique à l’étirement). Ces tissus collagènes mutables (MCT) sont uniques chez les échinodermes en ce sens qu’ils sont capables de varier entre des états souple et raide très rapidement.
Par exemple, concernant les mouvements des bras, la contraction des muscles du côté oral (bouche) de l’arête formant pivot, courbe ou enroule le bras à l’intérieur, vers la bouche, et fléchit les pinnules en direction de l’axe brachial. Lorsque les muscles se détendent, l’élasticité du grand ligament antagoniste, du côté aboral de la crête, a pour effet d’étendre les bras et les pinnules à l’extérieur. Une fois étendus, les ligaments se raidissent pour maintenir les bras et pinnules dans une posture figée contre le courant, pour collecter la nourriture. Les articulations individuelles ont une faible amplitude, mais un bras constitué de plus de 200 segments, 50 pour les pinnules, dispose finalement d’une grande flexibilité.
2.1.9. Syntaxe relative au squelette
Parce que le squelette des crinoïdes est très répétitif, les descriptions taxinomiques sont fortement condensées en utilisant des symboles pour les pièces squelettiques différentes. Cette syntaxe clos de nombreux quiproquos scientifiques, que l’on peut lire encore dans les documents anciens.
Pour ne pas anéantir les vaillants lecteurs, on peut se limiter à quelques généralités sur les comatules. Chaque ossicule brachial successif est indiqué par «Br» suivi d’un indice en chiffre arabe. Les ossicules des brachitaxes (série de brachiales depuis le rayon jusqu’à l’extrémité du bras) sont précédés d’un chiffre romain. Par exemple, IIBr3 définit le troisième osselet de la seconde brachitaxe ; Br3 la troisième brachiale du bras indivisé. Le signe plus indique une articulation non-musculaire.
De même, la syntaxe concerne les cirres. Elles sont indiquées par un « C » suivi de la position de la cirrale, en chiffre arabe, à partir de la base (C5, C6). Contrairement aux crinoïdes pédonculés les comatules présentent des pinnules plus différenciées entre pinnules orales (proximales), génitales (portant des gonades) et distales. Si besoin on les répertorie avec un P suivi de leur ordre : un chiffre arabe ou une lettre selon qu’il s’agit, respectivement, des pinnules intérieures ou extérieures successives. Quel est le côté intérieur d’un bras, vous demandez-vous logiquement ? L’alignement des pinnules n’étant pas équidistant, sont intérieures celles qui sont le plus proche de l’axe médian du bras. Le schéma ci-contre devrait suffire aux lecteurs non-inscrits au stage du petit taxinomiste.
2.2. Anatomie, physiologie
Il faut le reconnaitre, les crinoïdes ont fait l’objet de peu d’études. Certaines fonctions sont supposées être similaires à celles d’autres échinodermes; D’autres, plus particulières comme l’organe axial, conservent beaucoup de mystères. Le texte qui suit se limite aux principales fonctions reconnues.
2.2.1. Organisation interne : cœlome
Les échinodermes possèdent un système de cavités cœlomiques internes unique. Mais de quoi s’agit-il ? L’embryon des organismes bilatériens possède trois feuillets de cellules (deux feuillets chez les cnidaires ou les spongiaires). Pour simplifier, le premier, l’ectoderme donnera les tissus externes (épiderme) ; le second, le mésoderme (absent chez les non bilatériens) donnera les muscles et d’autres tissus ; le troisième l’endoderme donnera le tube digestif. Chez les échinodermes, au stade embryonnaire le mésoderme se creuse et forme une cavité extrêmement développée appelée cœlome, ou plus exactement trois cavités cœlomiques parcourant le corps, impliquées dans trois appareils hydro vasculaires :
- L’appareil aquifère / ambulacraire (transport) : il est rempli d’eau de mer et communique avec l’extérieur par plusieurs pores aquifères.
- L’appareil hémal (ou lacunaire) : il assure la circulation.
- L’appareil sinusaire (ou périhémal) : il entoure le système hémal et les organes génitaux et est parallèle au système ambulacraire ; il assure la circulation et la diffusion de nutriments.
Les cavités débutent par des anneaux péribuccaux emboîtés (Fig. 5) d’où partent des canaux pour chaque système dans chaque zone radiaire. Les appareils hémal et sinusaire sont étroitement accolés.
2.2.2. Appareil ambulacraire et aquifère
Ambulacraire du latin ambulacrum et ambulare « se promener » exprime bien que le système du même nom a pour fonction le transport. Chez les crinoïdes, contrairement aux autres échinodermes, il ne sert pas à la locomotion de l’animal, mais il assure des fonctions nutritives, circulatoires, respiratoires, motrices, et assure la turgescence des podia.
Le système ambulacraire dont on perçoit la majeure partie sur la face orale des crinoïdes, est mis en œuvre par un système aquifère sous-jacent, à l’intérieur de l’animal. « Aquifère » parce qu’il utilise des chambres plus ou moins communicantes remplies d’un liquide proche de l’eau de mer, dont le rôle essentiel semble bien de réguler la pression interne et la turgescence de l’organisme. Le tout forme un système cohérent aux objectifs multiples :
- Pompage de l’eau externe : l’eau traverse les cinq plaques ambulacraires qui rayonnent depuis la bouche centrale, via des hydropores aquifères visibles sous grossissement. Contrairement aux autres échinodermes, ces 500 à 1500 pores aquifères ne sont pas concentrés dans une (ou plusieurs) zone poreuse nommée madréporite, mais répartis sur les plaques inter radiales. Les hydropores sont des valves filtrantes qui assurent la communication depuis l’eau de mer vers les cavités internes de l’organisme. Ils sont utiles à la respiration, ainsi que la régulation de la pression hydrostatique du circuit aquifère.
- Distribution de l’eau et commande des organes : les hydropores débouchent sous le tegmen au niveau de la bouche, via des canalicules, dans l’anneau aquifère qui contourne l’œsophage, et d’où partent cinq canaux aquifères. Ces derniers bifurquent et se prolongent à l’intérieur des bras pour se terminer en cul de sac, dans les pinnules et leurs podia. La pression est ainsi distribuée dans toutes les zones fonctionnelles.
- Transport de nourriture : Depuis les pinnules, partent des gouttières (canaux ou rainures ou sillons) ambulacraires (transporteurs) qui se prolongent le long des bras jusqu’à la bouche centrale. La longueur totale des gouttières varie suivant la dimension de l’animal et le nombre de ramifications branchiales ; elle peut atteindre une centaine de mètres.
Bras et pinnules sont bordés de fines plaques formant un double feston membraneux lequel, en se relevant, complète la gouttière et peut également se refermer au-dessus du sillon pour le protéger.
Le canal ambulacraire est également bordé de pieds digités, les podia ou tubes ambulacraires dont le rôle est la collecte et le transfert de la nourriture. Les podia sont les ramifications terminales du circuit aquifère. À la base de chaque podion se trouve une vésicule musculeuse, l’ampoule ambulacraire, remplie de liquide et pourvue d’une valve, laquelle se contractant, provoque le déploiement du podion, le mettant ainsi en mouvement. Ces podia sont très sensibles et se rabattent sur la rainure pour y transporter les particules nourricières qui s’y sont déposées, comme on va le voir plus loin.
2.2.3. Appareil hémal
Le système hémal (lacunaire ou circulatoire) a plusieurs fonctions dont celle de distribuer aux organes vitaux, à partir des intestins, un liquide nourricier et celle d’évacuer des déchets.
Dépourvu de parois propres, il est inclus dans l’appareil périhémal parallèle au système ambulacraire. Les crinoïdes n’étant pas des organismes complexes, ni volumineux, l’essentiel des échanges peut se faire de cellules à cellules proches.
Le système circulatoire ne dessert donc pas tout l’organisme en nutriments, mais seulement quelques organes : le centre vital et d’autres un peu plus éloignés comme les glandes génitales, le tube digestif et l’appareil ambulacraire. Pour ce, il reste simple : en cul-de-sac, de type flux-reflux à partir de la cavité générale ; certaines structures ne sont pas du tout irriguées. Il est rempli du liquide cœlomique mis en mouvement par la ciliature du mésothélium, le tissu qui recouvre les parois. Constitué à 99% d’eau purifiée et de nutriments, il contient aussi des cellules immunitaires, les cœlomocytes. Ces dernière jouent un rôle essentiel dans l’immunité, mais collectent aussi les déchets et les ôtent activement de l’organisme à travers le système circulatoire/respiratoire et les podia (Il n’y a pas d’organe excréteur différencié).
2.2.4. Appareil périhémal
Le système sinusaire (cavités cœlomiques) ou périhémal (il entoure le système hémal), sert également à la diffusion de nutriments. Il comprend un sinus aboral pentagonal d’où parent cinq sinus génitaux se confondant avec les parois de la gonade, parallèles au système ambulacraire et permet la diffusion de nutriments.
2.2.5. Respiration
Cette fonction se décline de différentes manières. La cavité principale cœlomique est l’organe essentiel du système vasculaire, elle agit comme un pseudo cœur. Le squelette dermique des échinodermes empêche les échanges respiratoires, mais contrairement aux autres échinodermes qui disposent d’organes dédiés aux échanges gazeux (branchies chez les holothuries, bourses chez les ophiures…), chez les crinoïdes, les échanges gazeux s’effectuent par le jeu de pressions osmotiques au niveau de papules qui se trouvent dans des téguments minces (la perméabilité du tégument est sélective, elle permet le transfert de certains nutriments tels que des acides aminés) et au niveau des podia. Les cils vibratiles des cavités cœlomiques assurent la circulation de l’eau qui distribue l’oxygène nécessaire aux divers organes vitaux. La contraction des podia génère des augmentations de pression qui font s’évacuer l’eau vers l’extérieur au travers du tube des podia. Enfin, l’anus est continuellement en action, s’ouvrant et se fermant alternativement assure une respiration anale.
2.2.6. Système nerveux
Centres nerveux
Les crinoïdes n’ont ni tête ni cerveau. La coordination des fonctions n’est pas centralisée mais ils sont en mesure de réagir par des attitudes variées. Ils disposent d’un système nerveux relativement bien développé. On identifie 3 centres nerveux, logés à l’intérieur du calice.
- Le centre nerveux épithélial : Il est réduit et superficiel ; il se compose d’un ruban péribuccal, cerclant l’œsophage, logé dans l’épaisseur de l’épithélium (tissu cellulaire recouvrant les cavités), duquel partent de nombreuses fibrilles dans l’épithélium du tube digestif et d’où partent également cinq épais cordons qui bifurquent vers chaque bras pour former le nerf brachial occupant toute la longueur du bras jusqu’aux podia.
- Le centre nerveux oral profond : situé dans le tissu conjonctif (tissu cellulaire comprenant une matrice non cellulaire) péribuccal, il émet de nombreux nerfs : vers les tentacules buccaux, le tube anal, puis des cordons épais qui se divisent vers les bras et les pinnules pour innerver les podia ainsi que les muscles du canal radial.
- Le centre nerveux aboral : c’est le centre de coordination des mouvements natatoires et de marche ; il est situé au fond du calice, dans la plaque centrodorsale ; plusieurs nerfs se dirigent vers les bras et leurs pinnules, d’autres vers l’épiderme et enfin vers les cirres.
Cils sensitifs
Plusieurs organes sont pourvus de terminaisons tactiles. Par exemple, tous les podia portent une quantité de petites papilles saillantes (fig. 6), munies de trois cils raides à leur extrémité et renfermant une fibre musculaire centrale. Sur les téguments, notamment le long des sillons et sur la face orale, il existe également de nombreuses terminaisons sensitives munies de cils raides.
Saccules
Les saccules sont de petites sphères, logées dans le tissu conjonctif immédiatement sous l’épiderme, qui longent les sillons ambulacraires ; sur le disque il y en a une double et même une triple rangée, mais sur les bras et les pinnules ils ne forment plus qu’une seule rangée de chaque côté du sillon, en alternant très régulièrement avec les triades de tentacules. On en rencontre aussi à l’intérieur du disque, dans la paroi du tube anal et de l’intestin.
Le saccule renferme un grand nombre de sphérules réfringentes (en mesure de réfracter les rayons lumineux), incolores, groupées en amas pyriformes qui se terminent par un filament grêle s’attachant à la paroi sacculaire. Chaque amas est probablement dérivé d’une cellule, car on trouve à sa base, sur la paroi, une cellule aplatie. Il a été suggéré que les saccules, principalement constitués de protéines, pouvaient être des organes de réserve de nutriments. Mais ces protéines sont fortement basiques ; on estime aujourd’hui qu’en raison de leur étroite association avec le système nerveux hyponeural, chaque saccule constitue une lentille photo réceptive.
2.2.7. Nutrition
Les crinoïdes sont suspensivores microphages, c’est-à-dire qu’ils captent les particules en suspension dans l’eau et ces particules alimentaires (essentiellement de petits animaux et des algues) sont plus petites que leur bouche.
2.2.7.1. Capture des proies : le podion
Comme chez un grand nombre d’organismes suspensivores les crinoïdes utilisent une combinaison de mécanismes pour assurer leur nutrition. Les crinoïdes ne génèrent pas de courant propre à filtrer, ce ne sont pas des filtreurs actifs comme on l’entend habituellement. Sont-ils passifs pour autant, laissent-ils simplement passer l’eau à travers leur corps ? Non. Les crinoïdes sont bel et bien des filtreurs actifs, à leur manière, puisqu’ils savent modifier leurs positions et attitudes pour rentabiliser leurs quête et ce, de manière plus dynamique que d’autres, comme on va le détailler plus loin. Quelques auteurs supposent même qu’ils sélectionnent leurs proies, vraisemblablement à partir de la taille, de la densité, de la composition ou l’odeur. De quelle manière… cela reste à prouver. En tout cas cette sélection permettrait à l’animal d’obtenir un bénéfice nutritionnel maximum pour une dépense d’énergie minimum.
La capture est réalisée au moyen des podia. Le podion est un petit tube digité ambulacraire parfois nommé cil ambulacraire, élastique. Contrairement aux autres échinodermes où les cils ambulacraires se meuvent indépendamment les uns des autres et sont utilisés pour la locomotion, chez les crinoïdes ils sont essentiellement dédiés à l’alimentation ainsi qu’à d’autres fonctions annexes de respiration et de perception. Les podia sont répartis le long du canal ambulacraire qui parcourt les bras et leurs pinnules.
Le podion des échinodermes est constitué de quatre couches tissulaires dont l’épiderme (la couche externe) contient plusieurs types de cellules, associées différemment selon la fonction prédominante : la locomotion ou la capture comme chez les crinoïdes, et selon la situation du podion :
- Des cellules de maintien traversées par une structure porteuse centrale dont le faisceau, contrairement aux autres échinodermes, n’est pas composé de filaments mais de plusieurs centaines de microtubules. Ces cellules seraient également en mesure d’absorber les nutriments solubles.
- Des cellules sensorielles, chémo-réceptrices et mécano-réceptrices.
- Des cellules de sécrétion, de plusieurs types, plus ou moins dispersées, assurent la production de substances diverses aux fonctions parfois imprécises dont une mieux connue : celle d’excréter un mucus fortement adhésif sur la couche externe de l’épiderme du podion (la cuticule) dans certaines zones spécifiques.
Comme les ophiures, mais contrairement à la plupart des autres échinodermes existants, les podia des crinoïdes ne disposent pas de ventouse terminale. Ce type de podion utilise exclusivement des voies chimiques, et non mécaniques, pour assurer l’adhésion des particules alimentaires. Si on a longtemps imaginé un simple mucus adhésif, il semble bien que les cellules génèrent successivement, de manière plus complexe, une sécrétion puis un type de neurosécrétion aux fonctions respectives d’adhésion et de désadhésion. Les cellules adhésives produisent des protéines lesquelles, via leurs résidus, génèreraient des liaisons électrostatiques entre des sites réactifs (polysaccarides) de la cuticule et la surface de la particule ; la désadhésion étant provoquée par la diminution des résidus.
Le podion est doté d’une excellente mobilité pour la capture. C’est une structure hydraulique, élément terminal du système aquifère qui se démultiplie dans les pinnules. Le mouvement des podia est assuré par les combinaisons de trois mouvements de base : expansion, flexion et rétraction, qui résultent de l’action antagoniste de la pression hydrostatique du fluide ambulacraire et du muscle rétracteur du podion. Chez les crinoïdes, il n’existe pas de sac ambulacraire ; la mise sous pression et son maintien nécessaires à l’expansion du podion, sont assurés par la contraction de tout le canal aquifère brachial. La contraction et le relâchement des muscles qui cerclent le podion s’effectuent d’une manière imprécise, via la libération de neurotransmetteurs par le faisceau de fibres nerveuses (plexus nerveux) qui coure sous l’épiderme du podion.
Les podia agissent par six, en deux groupes de trois dressés, situés de part et d’autre du sillon ambulacraire (Fig. 8 ). Cet arrangement semble commun à toutes les comatules et probablement tous les crinoïdes vivants. Chaque triade comporte un podion primaire long, de 0,4 à 0,8 mm, un podion secondaire ou médian et un podion tertiaire, court. Chacun a une fonction différente et donc un comportement caractéristique.
Le podion primaire très mobile et innervé, porte plusieurs papilles ciliées, sensibles, contenant des cellules sécrétant des filaments muqueux. Quand une particule alimentaire en suspension entre en contact, alerté par la cellule sensorielle, il éjecte, parfois avec force chez certaines espèces, des fils muqueux formant un filet adhésif. L’action des fils muqueux semble être le mode de capture typique et principal, surement essentiel lors des proliférations de plancton.
Le podia plie et se recourbe rapidement vers l’intérieur, dirigeant la particule vers la triade opposée. Le podion secondaire récepteur, de forme incurvée et également pourvu de filaments muqueux, attrape la particule et la force à pénétrer dans la rainure ambulacraire. Les bases des podia secondaires fusionnent à la surface intérieure en replis ; leur contraction tire les plis vers l’intérieur, recouvrant la gorge. Le podion tertiaire est court, Les podia tertiaires s’étendent verticalement à partir du bord de la gorge. La fonction des podia courts varie quelque peu en fonction des espèces. Ils peuvent capturer de la nourriture mais plus généralement, ils raclent les particules au-delà des podias primaires et les retiennent dans la gorge. Certaines espèces, cependant, sont en mesure d’enlever les particules en se frottant aux cils du sillon.
Il semble bien que certaines espèces transmettent directement la nourriture des podia à la bouche, cependant, d’une manière générale elles utilisent leurs sillons ambulacraires.
En bordure du sillon ambulacraire, à la base des podia, se situent des papilles qui sécrètent un mucus (une glycoprotéine, combinaison de sucres et d’acides aminés) liquide, gluant et visqueux produit par des glandes sous-jacentes. Ce mucus immobilise les petits animaux. Les podia se frottent ainsi les uns contre les autres et au fond de la rainure amassant les particules capturées au sein des sécrétions muqueuses. Ils forment ainsi des bolus (bol alimentaire ou boules formées par les amas de particules et mucus).
2.2.7.2. Transport alimentaire
Le sillon est également pourvu de forts cils vibratiles, fixés sur une cellule sensorielle qui porte des cercles ciliaires constitués de minces fibrilles de protéine lesquelles font partie du système nerveux. Les particules sont transportées dans les rainures des pinnules par l’action des cils puis débouchent dans les rainures des bras qui convergent vers la bouche. On ne sait pas encore comment sont commandés les bras, pinnules et cils, ni comment sont traitées les informations captées par cette cellule. Les particules engluées de mucus, forment de larges amas acheminés vers la bouche qui s’y engloutissent, poussés par les mouvements des lèvres péribuccales.
2.2.7.3. Digestion
La configuration du système digestif est simple mais il existe des variations structurelles très progressives dans le tube digestif qui laissent penser que les principales fonctions d’absorption, de digestion et de stockage des matières énergétiques sont assurées dans la totalité de l’appareil. Spécificité parmi les échinodermes : chez les crinoïdes l’anus s’ouvre sur la face orale. La bouche se situe le plus souvent à peu près centrée, à la convergence des rainures ambulacraires. À l’état normal le crinoïde capte les particules en suspension ; les bras sont écartés et la bouche est ouverte. De la bouche part un large œsophage, continué par un intestin très volumineux, bosselé et plissé qui décrit un tour de spire complet dans le sens des aiguilles d’une montre. Dans son premier tiers, l’intestin émet des lobes volumineux dans lesquels les aliments ne rentrent pas. L’excrétion est en grande partie assurée par les cellules péritonéales, qui tapissent l’intérieur de l’abdomen. Ces dernières fabriquent et se chargent de gros granules brunâtres pour être ensuite ingérées par les cellules phagocytes ou bien dispersées dans les tissus, à l’état de déchets qui seront éliminés. Revenu à son point de départ, l’intestin se redresse verticalement dont une petite partie terminale constitue le rectum. Ce dernier, entouré de petites papilles, débouche en saillie, au sommet d’un cône ou d’une forme globuleuse, sur la face orale, entre deux rayons. Comme pour l’œsophage, le tube anal dispose de fibres musculaires circulaires formant un sphincter ; ce dernier présente des contractions rythmiques en relation, probablement, avec le rejet de l’eau et des excréments.
2.2.7.4. Régimes alimentaires
L’analyse du contenu de l’intestin et des matières fécales des crinoïdes donne une idée de leur régime alimentaire. On observe :
- Du phytoplancton depuis la taille de 15 µm, composé de protistes (dinoflagellés), de diatomées et d’autres algues unicellulaires ;
- du zooplancton varié, constitué de protozoaires ciliés (foraminifères, radiolaires, tintinnidés) et d’autres animaux en moyenne de 50 à 150 µm et jusqu’à 400 µm, tels que des larves d’invertébrés (au stade véligère), de petits crustacés (copépodes, ostracodes) ;
- des particules organiques d’origine animale ou végétale ;
- des particules détritiques.
Par exemple, le régime alimentaire de Lamprometra klunzing étudié durant plus d’un an s’est révélé être constitué d’environ 10 % de phytoplancton, 50 % de protozoaires et 40 % de crustacés et mollusques. Les diatomées et tintinnidés étant représentés par des formes benthiques. Cela confirme l’importance des matières sédimentaires remises en suspension. Le même type d’analyse prolongée, sur la comatule Antedon bifida dans les eaux irlandaises, détermine une grande proportion de matières issues du fond, remises en suspension dont 65 % de détritus organiques (principalement d’origine fécale), 17 % de limon et frustules fragmentées de diatomée et 18 % de diatomées ou dinoflagellés.
Cependant, il s’agit là probablement d’une image incomplète de ce qui fournit en fait la nourriture. Il semblerait cependant que les particules ingérées, peuvent transiter rapidement dans l’intestin, et une heure après l’ingestion, s’accumuler plus loin au niveau du rectum où l’essentiel de la digestion a lieu apparemment, et ainsi disparaitre des analyses. La rapidité du transit semble en relation avec la densité de particules alimentaires. En effet, des mesures en laboratoire déterminent qu’en cas de suralimentation, les particules sont comme poussées vers la sortie par les cils vibratiles et les contractions intestinales, sans pour autant pouvoir en expliquer tout le mécanisme. Durant ce transit rapide, la digestion n’a pas lieu ou reste très incomplète au point de détecter des nauplii d’artémia vivants dans les matières fécales. On peut en conclure qu’une trop forte densité de particules peut nuire au métabolisme, au point d’affaiblir l’animal lorsqu’il est répété.
Les excréments contiennent souvent et en grande proportion, des particules clairement indigestes comme des grains de sédiments et des spicules d’éponge, ce qui suppose que la capture des particules est non-sélective et peut ne pas refléter ce qui est digéré. Par ailleurs, il est difficile de distinguer la part de produits détritiques capturés des matières fécales produites. Les Crinoïdes peuvent également capturer du plancton (tel que des ciliés libres), qui peut être éliminé par digestion ou rendu non identifiable dans les fèces.
On peut supposer que le carbone organique particulaire (POC), faiblement concentré dans l’environnement récifal, peut représenter une composante importante de l’alimentation des crinoïdes qui peuvent s’en nourrir abondamment durant de brefs épisodes, par exemple lors de la ponte d’autres invertébrés. Par ailleurs, les études ont montré qu’A. bifida était incapable de digérer la plupart des diatomées et dinoflagellés trouvés dans l’intestin. On estime que les populations microbiennes dans les détritus organiques pourraient représenter l’essentiel de l’alimentation des comatules, mais leur contribution reste à quantifier.
L’absorption de nutriments dissous (acides aminés, carbohydrates, glucose…) a été documentée. On sait que la comatule Leptrometra phalangium est en mesure de d’absorber de telles matières organiques dissoutes par les bras, mais aussi par les cirres qui seraient en mesure de prélever des taux plus importants au niveau du sol. Ce serait le mode principal de nutrition au stade larvaire. Cependant la contribution des MOD à la nutrition des comatules reste inconnue.
Les composants alimentaires identifiables varient considérablement selon les espèces de crinoïdes, jusqu’à un rapport de 1 à 2 sur certains composants. Ces différences peuvent refléter la disponibilité variable (saisonnalité, localité et rythmes d’activité), la profondeur (les espèces vivant plus profond étant moins sélectives et se nourrissant plus souvent de détritus, la morphologie (podion et espacement et la largeur de la rainure ambulacraire). Ceci dit, on a pu constater que la composition fécale pouvait également varier de manière non négligeable pour deux individus de la même espèce et issus du même lieu.
La taille des particules alimentaires varie selon les espèces. La largeur de la rainure ambulacraire permet d’évaluer la dimension des particules assimilables, étant entendu que ce n’est pas une règle absolue, que la longueur peut être plus importante que la largeur acceptable et que certaines espèces transfèrent leur nourriture directement à partir de leur pinnules, sans passer par la gorge brachiale.
Plus rare, certaines espèces très particulières, notamment de la famille des Holopodidae (en forme de « poing »), pourraient être capables de piéger des poissons ou d’autres animaux macroscopiques actifs.
2.2.8. Locomotion
Les crinoïdes sont tous des animaux aux mœurs fondamentalement sédentaires. Ils sont benthiques et vivent sur le fond, posés ou fixés à un support. Mais certaines espèces ont su développer leur mobilité de plusieurs manières.
Locomotion des lys de mer
On a longtemps supposé que tous les lys de mer disposant d’un pédoncule étaient fixés à une sous-couche de substrat dur et, de fait, étaient forcément sessiles. Leur déplacement ayant lieu fortuitement lors de la rupture de la tige, la relocation, après régénération du système d’accrochage.
Des observations in situ en bathyscaphe ont maintenant prouvé que, pour se soustraire à un prédateur, les espèces appartenant à la famille Isocrinidae, qui représentent près de 90% des espèces vivantes, sont fixées dans les sols meubles par enfouissement de leurs cirres ou sur substrat par accrochage, mais sont en mesure de s’extraire du sol ou de se décrocher et de se déplacer, de manière maitrisée, à la même vitesse qu’une comatule, en rampant avec leurs bras, la tige trainant en arrière (Vidéo).
Locomotion des comatules
Les comatules sont vagiles, capables de se déplacer mais à la différence des autres échinodermes elles n’utilisent pas leurs cils ambulacraires pour se déplacer.
Sur de très courtes distances, elles peuvent se déplacer, par exemple pour s’abriter ou pour trouver une meilleure orientation dans le courant. Elles marchent alors de manière très lente en se servant de leurs cirres qu’elles décrochent du support et déplacent de manière ordonnée.
Lors de déplacements sur des distances plus importantes, de quelques mètres, par exemple pour trouver un meilleur site de nourrissage, elles se déplacent parfois au niveau du sol, en prenant appui sur leurs bras (Vidéo).
Lors des déplacements rapides, pour échapper à un prédateur ou un plongeur Homo sapiens irrespectueux, les comatules peuvent également nager en eau libre (Vidéo), même à contre-courant : Certaines espèces de colobometridés, antedonidés, atelecrinidés et thalassometridés nagent spontanément pour se déplacer, bien que cette méthode soit rarement utilisée. De manière particulièrement gracieuse, elles évoluent la face orale en avant, les bras articulés s’élèvent et s’abaissent alternativement de façon synchronisée, bras pairs et impairs en opposition. Comme on l’a vu précédemment, les muscles et tendons dont la rigidité est mutable, permettent de maintenir le squelette rigide dans le courant, ou l’assouplir pour permettre le mouvement.
Pour se poser sur un nouveau support, la comatule relève alors tous ses bras simultanément ce qui la fait descendre en quelques brasses, et atterrir sur la pointe des cirres. Ces mouvements ont l’air parfaitement délibérés dans son environnement, ce qui laisse penser que la comatule dispose de capteurs visuels, les saccules que l’on a évoqué plus haut, pour détecter l’approche du prédateur et pour se diriger vers une cible.
2.2.9. Autotomie et régénération
2.2.9.1. Autotomie
L’autotomie est une auto amputation volontaire d’une partie du corps. C’est un phénomène courant et même naturel. Par exemple, la comatule O. japonicus augmente le nombre de ses bras au cours de sa croissance par l’autotomie d’un bras qui est suivie de la régénération de deux nouveaux bras.
Régénération morphallactique : chez des organismes simples, des tissus restants sont remaniés et permettent le processus de régénération.
Régénération épimorphique : chez des organismes plus complexes, une prolifération cellulaire forme un bourgeon (blastème de régénération), début de la régénération. Cela implique un renouvellement coordonné de nombreux types cellulaires à partir d’un petit groupe de cellules. Interviennent des cellules souches, appelées ainsi pour leur propriété fondamentale d’auto-renouvèlement. Ces dernières sont dites aussi « différenciées », car elles ne sont pas spécialisées : elles peuvent produire de la peau, du muscle, etc. Ces cellules souches migrent au niveau de l’amputation et prolifèrent pour former un amas de cellules à partir duquel se reformera la partie manquante. Elles peuvent être totipotentes (aptes à engendrer n’importe quel type de tissu), ou pluripotentes (quelques-uns).
L’autotomie a lieu quand l’organe est soumis à une excitation très forte ; la coupure a lieu au niveau d’une zone de moindre résistance. Concernant le bras, elle est produite par balancement de ce dernier au niveau d’articulations spécifiques, les syzygies, où les ligaments sont très courts. Le sectionnement peut être provoqué de manière subite, lors d’une prédation par exemple. Les tissus collagènes mutables (MCT) entre les brachiales (ligaments, muscles…) permettent à l’organisme de changer rapidement leurs propriétés mécaniques sous une stimulation nerveuse. La diminution drastique de leur résistance à la traction permet à l’animal à de sectionner son bras avec un minimum d’effort. Il s’ensuit la régénération de la partie perdue qui est alors plus rapide que lorsque la rupture a lieu sur un autre type d’articulation.
2.2.9.2. Régénération
La régénération est un phénomène biologique habituel chez de nombreux animaux, d’autant plus que leur organisation est simple. Les échinodermes sont connus pour leur pouvoir de régénération, mais les crinoïdes ainsi que les ophiures, possèdent un potentiel particulièrement élevé puisqu’ils sont capables de régénérer la plupart de leurs organes et, pour certaines espèces, jusqu’à la reconstitution totale de la couronne, nerfs et viscères inclus.
Cette régénération complète des structures perdues peut se produire rapidement après une blessure, une prédation ou l’autotomie. Elle implique différents types de cellules et, chez les crinoïdes, les processus sont nombreux (morphallactique et épimorphique, avec ou sans blastème) et les plus variés parmi les échinodermes. Les processus de régénération du système nerveux, des pédoncules des lys de mer et plus fréquent, celui des bras… intéressent les chercheurs depuis longtemps. Ces derniers ont mis récemment en évidence l’augmentation de neurotransmetteurs dopamine et sérotonin lors du processus de régénération des bras. Détaillons le cas de ce dernier.
On distingue trois phases principales de régénération : la réparation, le début de régénération et la régénération avancée mettant en œuvre différentes cellules.
- Phase de réparation : durant les 24 premières heures après l’amputation, le tissu superficiel (épithelium) se forme rapidement sur le moignon. Différentes cellules (phagocytes, amibocytes et granulaires) mobiles migrent depuis le cortex du nerf brachial, via ce dernier, vers le tissu cicatriciel. En même temps, un matériau fibreux, le blastème, formé de substances amorphes dérivées des amibocytes, s’épandent entre les éléments ou à la surface des tissus. Les cellules cœlomocytes quant à elles, se propagent via les canaux cœlomiques vers les tissus blessés des cœlomes, espaces vitaux multifonctionnels.
- Phase de régénération précoce : entre 24 et 72 h après l’amputation ces cellules régénératrices prolifèrent. Multipotentes, elles peuvent se transformer en d’autres cellules régénérées. Apparaissent alors des cellules nerveuses, et on observe un petit bourgeon signe du début de croissance.
- Phase de régénération avancée : de 72 h à 4 semaines après l’amputation, le bras prend sa forme, les tissus se développent, nerfs et muscles se régénèrent jusque dans les ramifications. Après 3 semaines, un petit bras s’est formé, fonctionnel.
Bien entendu, la recherche se penche de plus en plus sur l’analyse et l’identification de ces cellules souches, propres à régénérer de nombreux tissus qui pourraient bien intéresser l’Homme. Ces études sont entreprises notamment sur des spécimens d’Oxycomanthus japonicus, maintenant reproduits et élevés à grande échelle.
2.2.10. Reproduction
Les crinoïdes peuvent se multiplier par voie asexuée et sexuée.
Reproduction asexuée : autotomie et régénération
Le processus de reproduction asexué met en jeu l’autotomie et la régénération développées ci-dessus. Dans ce cas, la section d’une partie du corps est engagée en relation avec des signes extérieurs tels qu’une dégradation des conditions du milieu ambiant. La multiplication des tissus et la régénération d’un clone en un autre lieu, répond au besoin de survie de l’individu.
Reproduction sexuée
La reproduction sexuée répond au besoin de survie de l’espèce. Comme tous les échinodermes, les crinoïdes sont essentiellement gonochoriques (dioïques), bien qu’on ait noté quelques cas d’hermaphrodisme synchrone. Leurs sexes sont donc séparés ; ils sont soit mâles, soit femelles, mais il n’y a pas de dimorphisme sexuel, il est en effet impossible de distinguer leur sexe extérieurement.
Les crinoïdes sont ovipares. Il s’agit donc pour les femelles, de pondre des œufs fécondés ou non, dont la croissance embryonnaire se termine hors de leur organisme. Cette stratégie de reproduction sexuée implique l’utilisation d’organes de reproduction : les gonades (testicules et ovaires), où a lieu la production (gamétogénèse) de cellules sexuées : les gamètes (spermatozoïdes ou ovules). Les gamètes mâle et femelle se rencontrent pour fertiliser (fécondation) et former un œuf (zygote) duquel, après plusieurs divisions cellulaires, éclora une larve qui se métamorphosera en crinoïde juvénile (Fig. 9).
Organes de reproduction
Il s’agit d’un système de cordons (cordons génitaux) composé de cellules à gros noyau nucléolé (qui contient les données génétiques). Les cordons partent d’un anneau central autour de l’œsophage
Depuis l’anneau central, les cordons parcourent l’une des cavités cœlomiques, la lacune génitale, qui se ramifie vers les bras en suivant les rainures ambulacraires ou chaque cordon émet une branche latérale jusqu’aux pinnules génitales.
On compte plusieurs paires de pinnules génitales, celles-ci se situent après les pinnules orales. Elles n’ont pas architecture particulière sauf qu’elles portent les gonades.
A la base de chacune de ces pinnules, le cordon génital latéral se termine pour former une gonade. Les gonades (ovaires el testicules) sont des glandes de forme ovoïde allongée, qui gonflent considérablement les pinnules au moment de la maturité sexuelle. Elles remplissent alors toute la cavité cœlomique aborale du bras à ce niveau. (Photo)
Gamétogénèse
Les cellules sexuelles se différencient à partir de l’anneau central. Elles se multiplient et se déplacent le long des cordons génitaux. Il est très probable qu’elles n’arrivent à maturité qu’en fin de parcours, au niveau des pinnules génitales pour devenir les cellules mères (ovules ou spermatozoïdes).
Fécondation
La maturité sexuelle est atteinte après environ 2 ans. Cette durée reste approximative comme toutes les durées qui suivent dans ce chapitre, du fait du peu d’informations et du nombre important de facteurs. Il n’y a pas d’accouplement chez les crinoïdes. En période de reproduction les individus mobiles se rassemblent en période de reproduction. Le regroupement augmente les chances de fécondation. La dispersion des gamètes est précédée par un important développement des gonades. Mâles et femelles évacuent simultanément leurs produits génitaux. Le sperme est toutefois expulsé dans un premier temps dans l’eau ce qui stimule, grâce à un signal phéromonal, la décharge des ovules.
Selon les espèces, les ovules sont expulsés dans l’eau ou, plus fréquemment semble-t-il, comme chez Antedon, ils restent attachés par une sécrétion visqueuse sur la pinnule ; ainsi les œufs de certaines espèces quitteraient les pinnules une fois fécondés. La fécondation externe, par les spermatozoïdes, se produit rapidement dès l’expulsion. Cette fusion ovocyte – spermatozoïde donne l’œuf fécondé (zygote).
L’œuf dispose d’une membrane vitelline transparente et renferme une certaine quantité de vitellus, réserve énergétique utile pour le développement ultérieur de la larve qui ne se nourrira pas. Au premier stade embryonnaire, il contient une cellule unique qui se divise durant les premières 48 heures.
Ponte
Les œufs développés provoquent la rupture de la mince paroi pinnulaire en un ou plusieurs points de moindre résistance et sortent par ces orifices artificiels.
La ponte a lieu à une période déterminée différente, même pour des espèces identiques, selon les mers et les fluctuations de température qui influent également sur la vitesse de maturation sexuelle. Chez Antedon bifida, par exemple, elle se produit vers juin-juillet sur la côte ouest européenne, et avril-mai en Méditerranée. Ainsi, dans les mers tropicales tempérées, les pontes s’échelonnent de mars à octobre. Des espèces différentes d’un même lieu pouvant pondre à des périodes différentes. Selon les espèces, elle peut se produire en une seule fois, ou en plusieurs à quelques jours d’intervalle et s’étendre sur 1 à 2 mois.
Après la ponte, Le volume des gonades régresse ; les œufs non évacués sont résorbés à l’intérieur des gonades et leurs constituants récupérés.
Dans les œufs fécondés (encore attachés aux pinnules chez Antedon ), le développement embryonnaire aboutit après quelques heures, à une larve de type auricularia (de même forme que la larve d’holothurie). Cette dernière a alors atteint sa morphologie bilatérale et un sac entérique, futur intestin est formé.
Développement larvaire
Environ 2 à 5 jours après fécondation, la larve a évolué à un stade doliolaria parfois appelé vitellaria. Elle est devenue cylindrique et s’est allongée en forme de tonnelet (fig. xx) ; une touffe de cils s’est formée à l’un des pôles (touffe apicale) ; ainsi qu’une dépression (fosse adhésive) qui servira à la fixation ; des pièces calcaires commencent à apparaitre dans les tissus et surtout, elle est pourvue de quatre ou cinq bandes ciliées qui permettent de nager dans le plancton.
Elle est devenue pélagique et rompt alors la membrane de l’œuf avec une sécrétion enzymatique. Elle ne se nourrit pas et nage activement dans le plancton, ce qui permet une bonne dispersion de l’espèce. Les cils battent vigoureusement, la touffe apicale dans la direction du déplacement tout en réalisant un mouvement de rotation autour de son axe.
Durant la phase doliolaria, de nombreux changements internes se poursuivent et les ossicules précurseurs de l’endosquelette prennent forme (fig. 34). La nage ralentit au fur et à mesure du développement. Après 2 à 10 jours, la larve coule finalement comme une feuille et, avant d’atteindre le fond, réalise une rotation pour se positionner, le lobe préoral adhésif (fossette de fixation) dirigé vers le fond.
Elle forme un disque de fixation adhérant au substrat au moyen d’un ciment secrété au niveau de la fosse adhésive. Le corps est relativement couché sur le substrat. La fixation marque le début d’une nouvelle phase sédentaire dite cystidéenne, (exempte de bras). La surface orale présente une bouche centrale entourée de cils, puis de 5 tentacules et de 5 saccules identiques à ceux de l’adulte ; l’anneau ambulacraire ne porte qu’un seul tube aquifère qui s’ouvre au dehors dans l’inter-rayon anal. Les bandes ciliées disparaissent rapidement ; les cavités cœlomiques et entériques ont fortement évolué et se sont réorganisées ; il se produit une rotation des organes internes à 90°. La partie supérieure renflée deviendra le disque, la partie inférieure la tige. Les plaques orales s’atrophient et disparaissent à mesure que les brachiales prennent plus d’importance, et la rosette du calice finit par se constituer. L’enveloppe en forme de tonnelet est résorbée et disparaît ; l’animal se présente alors sous l’apparence d’un crinoïde pédonculé mais dépourvu de bras.
Trois à six semaines après fixation, débute la phase dite pentacrinoïde, une nouvelle forme larvaire à symétrie pentamère. La larve mesure environ 3 mm ; le pédoncule a grandi et le corps s’est redressé verticalement encore balancé par le courant ; les bras se développent sur cinq plaques radiales, prolongements creux du disque, qui bifurquent pour donner les bourgeons brachiaux ; ceux-ci se développent et se divisent encore pour donner les pinnules.
Peu après ce stade, s’il s’agit d’une comatule, la larve développe des cirres sur la centrodorsale puis, environ 2 mois après la fécondation, les juvéniles abandonnent leur pédoncule et commencent leur nouvelle vie de crinoïde libre. Les bras mesurent environ 1 cm ; le développement est à peu près de 1 cm par mois et ralentit après 15 cm de longueur. À ce stade, les juvéniles de crinoïdes n’ont que 5 bras, les autres se développeront par autotomie et régénération de deux bras à sa place, comme on l’a vu précédemment, pour atteindre en un an et demi le nombre de bras définitif.
2.2.11. Élevage
Les études des pontes et du développement des larves de comatules notamment d’Anneissia japonica (ex. Oxycomanthus japonicus) permettent aujourd’hui d’en élever en milieu naturel en quantité importante, suffisante pour alimenter les centres de recherche en embryons, larves, juvéniles jusqu’à des adultes matures. L’élevage nécessite de placer les paniers dans le courant et de nettoyer fréquemment les algues et parasites. Le milieu naturel permet seul, actuellement, de répondre aux besoins des juvéniles en planctons divers.
3. Écologie
3.1. Répartition géographique
Les crinoïdes occupent toutes les eaux : tropicales, tempérées ou polaires, même s’ils abondent plus dans les récifs coralliens de l’Indopacifique tropical et dans une moindre mesure dans les Caraïbes.
Les lys de mer, sauf quelques espèces observées à des profondeurs de 60 à 150 m, vivent en eaux profondes. Ils occupent trois grands domaines de biodiversité : le Pacifique sud tropical où trois membres de l’ordre Isocrinida prédominent : les pentacrinidés de 200 à 600 m et les bathycrinidés et Hyocrinidés de1500 à 3000 m ; l’Atlantique ouest tropical, à des profondeurs moindres et le nord-est de l’Atlantique, essentiellement en eaux plus profondes.
Les comatules, non pédonculés, habitent toutes les mers ouvertes à l’exception de la mer Noire et de la mer Baltique. Les espèces actuelles occupent principalement les mers tropicales ; elles abondent aux Philippines et en Indonésie. Il existe quelques espèces d’eaux tempérées voire froides : deux espèces en Méditerranée, Antedon mediterranea et Leptometra phalangium, et une espèce Antedon bifida, dans l’Atlantique nord, depuis le Portugal jusqu’en Norvège.
3.2. Habitat
Comme tous les échinodermes, les crinoïdes sont strictement marins. On ne connaît pas à ce jour d’espèce, même fossile, fluviale ou lacustre. Leur répartition en profondeur est très étendue, depuis les zones supérieures subtidales, c’est-à-dire en deçà du niveau des plus basses mers, donc toujours immergés, jusqu’à des profondeurs extrêmes.
Les crinoïdes vivants pédonculés, sauf de rares espèces observées autour de 100 m, vivent majoritairement en eaux profondes, dans la zone bathyale, entre 200 et 1000 m (famille Pentacrinidae). Certaines espèces (famille Hyocrinidae) vivent plus profond entre 1500 et 3000 m ; dans les fosses océaniques du Pacifique nord, des espèces de la famille Bathycrinidae ont été observées bien au-delà, dans la zone hadale, jusqu’à 9000 m de profondeur. Leur diversité et densité est variable, elle dépend de leur résistance à l’hydrodynamique régnant au fond et bien entendu, à l’abondance des particules de nourriture pouvant atteindre le fond. Dans de bonnes conditions, ils forment des « prairies » importantes.
Les comatules, mobiles, occupent des zones moins profondes, de 10 à 80 mètres en Méditerranée, et jusqu’à 100 mètres dans les eaux tropicales, bien que l’on observe certaines espèces au-delà de 300 mètres.
Les comatules vivent essentiellement sur des substrats durs, dans les récifs coralliens accidentés, dans les anfractuosités où se cacher, et sur les reliefs (roches, coraux, éponges ou algues) sur lesquels s’accrocher avec leurs cirres, exposées dans le courant nourricier. Dans la mesure où la nourriture est abondante, on observe cependant de vastes populations sur tous types de terrains, y compris des sols meubles, vaseux, sableux ou des prairies d’algues. Il semble que la diversité de la population dépend plutôt de la complexité du terrain, indépendamment du débit d’eau : un relief accidenté abrite une communauté à haute diversité, tandis qu’un substrat homogène rassemble peu d’espèces, parfois en grande quantité.
3.3. Postures de nourrissage
On a longtemps cru que les Crinoïdes étendaient leurs bras en bol renversé et, dans un balancement rythmé, se nourrissaient de la lente pluie de détritus qui tombait dessus. Cependant toutes les espèces, depuis celles rhéophiles qui recherchent les courants forts, jusqu’aux rhéophobes et même abyssales qui préfèrent les environnements calmes, semblent dépendre, pour la nourriture, plutôt des flux horizontaux que des pluies de particules détritiques.
Les crinoïdes, pédonculés ou pas, capturent pourtant des particules plus petites que les espaces entre les podia. Les chercheurs expliquent une certaine biomécanique d’alimentation et le comportement des crinoïdes, notamment la modification de la structure et le fonctionnement des filtres en fibres adhésives, par la « théorie des aérosols ». Cette théorie explique comment les différents réseaux de filtres peuvent fonctionner de manière optimale sous plusieurs régimes d’écoulement.
C’est ainsi que, loin d’attendre passivement le passage des particules en suspension, les crinoïdes sont en mesure d’adopter les meilleures postures, selon leur environnement du moment et d’adapter la longueur, l’espacement et la position des podias primaires, des pinnules et bras pour créer des courants de convection et ajuster leur vitesse en fonction du type et de la vitesse d’écoulement pour capter le plancton le plus efficacement possible et avec la moindre énergie. Non, le crinoïde, même s’il ne génère pas son propre courant, n’est pas franchement un filtreur passif !
A l’instar des polypes des gorgones, ils orientent leur rainure ambulacraire vers l’aval du courant, à l’abri d’un impact direct, ce qui permet de la maintenir ouverte, créant ainsi des micro-turbulences favorables à la capture. Les bras et pinnules des crinoïdes représentent une grande partie de la structure de l’animal. D’ailleurs, la morphologie squelettique de l’animal est déjà un indicateur de la vitesse du courant acceptée et donc de son biotope. Les formes graciles supportent mieux les courants faibles, les plus robustes acceptant des vitesses de l’ordre de 50 à 100 cm/s. Outil essentiel pour la capture de nourriture, les différentes postures et les stratégies d’alimentation adoptées par ces animaux ont fait l’objet de nombreuses études écologiques. Il existe cependant des spécificités dans les espèces au point que les attitudes aident aussi à leur identification, notamment dans l’Indo-Ouest Pacifique où un même récif peut réunir des dizaines d’espèces.
3.3.1. Postures des lys de mer
La plupart des crinoïdes pédonculés qui occupent des eaux cal mes, profondes, adoptent une posture caractéristique : la tige est arquée au-dessus de la surface orale telle un méridien (posture méridienne). Le panache orienté vers l’aval, les bras recourbé paraboliquement dans le courant et organisent leurs pinnules suivant deux ou plusieurs plans le long de chaque bras.
Les lys de mer asterometridés Pterometra venusta et Pontiometra andersoni ont une posture méridienne inversée, leurs bras courbés vers la face aborale, une posture à peu près semblable à celle d’isocrinidés digités dans des conditions similaires. Cependant, dans un environnement calme, P. andersoni boucle ses bras vers la face orale en plusieurs boules denses. Certains petits crinoïdes pédonculés, d’eaux profondes répartissent leur bras en rayon, dans un seul plan.
3.3.2. Postures des comatules
Malgré la variété des postures selon les courants, plusieurs formes sont reconnaissables inventoriées par Charles Messing suivant différents modèles de panaches. Dans les quatre premiers, les pinnules s’orientent dans un seul plan perpendiculaire à l’écoulement le long de chaque bras, comme les barbes d’une plume.
Postures arquées
Dans la posture arquée, les bras sont alignés sur deux plans perpendiculaires à l’écoulement (Fig. 12a).
Dans les courants unidirectionnels, les bras en aval pivotent de sorte que la rainure ambulacraire soit dirigée vers l’aval. Cette posture est typique des mariametridés sciaphiles (Lamprometra, Liparometra, Stephanometra) munis de nombreux bras (20 à 50), qui s’accrochent à des promontoires exposés : rochers ou colonies coralliennes. Parfois, les bras s’incurvent régulièrement paraboliquement pour former un éventail qui s’évase en entonnoir (Fig.12b) ou en bol (Fig. 12c).
Chez la comatule Oxycomanthus bennetti, fournie de plus de bras, jusqu’à 60 bras, l’éventail est plus épais, touffu et les bras s’intercalent en des plans successifs inférieurs.
Posture rayonnée
Dans cette posture, les bras rayonnent sur un seul plan, la surface orale se situe vers l’aval, présentant habituellement une légère concavité vers l’amont du courant. Cette disposition présente au courant un réseau de pinnules espacées. Elle est typique chez les colobometridés, asterometridés et himerometridés (Amphimetra) qui s’accrochent aux cnidaires arborescents, aux gorgones ou aux éponges, au-dessus du fond. Les Mariametridés (Stephanometra echinus) forment parfois de telles postures, ou des bols peu profonds, non obligatoirement orientés perpendiculairement à l’écoulement. Certaines espèces accrochées, en particulier les comasteridés (Capillaster multiradiatus et colobometrid Cenometra bella), interrompent souvent cet agencement en rayons avec plusieurs bras répartis irrégulièrement ou frisés.
Postures paraboliques
Dans cette posture, les bras sont perpendiculaires au courant; les rainures ambulacraires toujours orientées vers l’aval du courant (sauf, bien sûr, lorsque le flux est bidirectionnel). Les bras s’incurvent en forme de parabole, la face convexe aborale vers l’amont, formant aux extrémités une légère concavité (Fig. 14a). Cette disposition permet de présenter dans le courant un réseau plus séré de pinnules que dans le modèle d’éventail rayonné.
Dans les courants forts, les bras sont ouverts (Fig. 14a) mais se referment (Fig. 14b) d’autant plus que la force du courant augmente. Certaines comatules adoptent cette posture, soit en se cramponnant sur des perchoirs peu élevés comme le font les thalassometridés (Stylometra spinifera), ou par l’intermédiaire de cirres extrêmement longs comme les colobometridés (Pontiometra andersoni) et zygometridés (Zygometra microdiscus).
Quand les courants sont moyens, réguliers, laminaires et horizontaux, la posture parabolique évolue comme celle caractéristique des lys de mer : la parabole s’inverse, la face orale convexe et donc, les rainures ambulacraires, est orientée vers l’aval (Fig. 14c). En présence de courants faibles ou inexistants, quand les pluies de particules deviennent la principale source de nourriture en suspension, les bras peuvent se déployer horizontalement (Fig. 14d).
Posture en bras d’éventail
Certains comasteridés (Comactinia echinoptera, Alloeocomatella pectinifera) et tropiometridés (Tropiometra), s’insinuent dans des fentes ou sous des rebords et étendent leurs bras individuellement ou en petits groupes épars, la surface de filtration étant discontinue.
Postures multicouches
Cet arrangement est caractéristique des comasteridés comportant de nombreux bras, environ 80. Le panache forme une masse épaisse, broussailleuse plus ou moins complètement touffue, certains bras contribuant à l’ancrage.
En présence de courants faibles, on peut observer une posture où les bras prennent une organisation méridienne en plusieurs plans parallèles, les bras arqués vers la face orale. (Fig. 16a), ou en masse enchevêtrée, les extrémités recourbées vers l’intérieur et se chevauchant (Fig. 16b). Cette posture est fréquente chez Comanthus alternans ou comme sur la photo à droite, chez Comaster audax dont certains bras sont levés en éventail, sur plusieurs couches et d’autres enroulés en boule.
Dans des courants forts, unidirectionnels, les bras en amont du courant peuvent former un éventail multicouche régulier (photo à gauche), tandis que les bras en aval effectuent une torsion orientant la rainure ambulacraire vers l’aval (Fig. 16c). On parle alors d’arrangement multidirectionnel. Certaines espèces orientent leurs bras et pinnules au hasard, selon plusieurs directions et espacent plus leurs podias que lorsqu’ils sont plus exposés. Cette posture multidirectionnelle,désordonnée, est caractéristique des comasteridés récifaux semi-cryptiques tels que Comanthus parvicirrus, C. gisleni, Phanogenia gracilis, Davidaster spp. et les antedonidés cryptiques tels que Ctenantedon et parfois les Antedon.
En présence de courants très importants, l’ancrage par les bras permet de résister aux efforts exercés sur la surface de la comatule (Fig. 16d).
Variantes de postures
Les postures ne sont pas une règle pour une situation ou une espèce. Par exemple, les comasteridés de 40 à 60 bras comme Comanthus mirabilis et Comatella stelligera peuvent avoir un arrangement multidirectionnel (photo de gauche) en situation semi-cryptique puis adopter une posture en bols multicouches ou en buissons irréguliers lorsqu’ils s’exposent à la lumière.
A l’instar des lys de mer, on observe parfois une variation de la posture multicouche sur les substrats meubles, adoptée par les comatules possédant moins de bras mais disposant de peu ou pas de cirres comme Comatula rotalaria. Le crinoïde se maintient alors au-dessus du fond en appui sur quelques bras extérieurs recourbés (Fig. 16a). Ses bras intérieurs nettement plus longs s’organisent en une touffe centrale dressée (photo à droite).
En présence de courants importants, certaines comatules prennent des formes plus ou moins arquées ou en entonnoirs (Clarkcomanthus littoralis, Comanthus wahlbergii). Certains himerometridés (Himerometra spp.) forment également des bols multicouches, des éventails et des boules. À quelques exceptions où l’alignement des pinnules est monoplan (Oxycomanthus bennetti, Nemaster grandis et Himerometra spp.), les pinnules successifs le long des bras en panaches multicouches, sont décalées d’environ 30° dans les conditions de haute énergie des crêtes récifales et jusqu’à 90° dans les eaux plus calmes plus profondes ou protégées.
Dans des conditions d’eaux calmes, les bras des comatules s’orientent de façons variées. Antedon et Florometra adoptent une posture conique. Cependant, on a observé que Florometra serratissima ouvre ses bras en éventail partiel quand le courant est moyen (photo).
3.4. Comportements
Filtreurs dynamiques, on imagine bien que l’essentiel de la vie des crinoïdes consiste à capter leur nourriture, pour leur métabolisme ou pour accumuler des réserves.
Les lys de mer sont souvent regroupés en grand nombre. Inféodés à un lieu ; leur comportement se limite donc aux postures de nourrissage telles qu’elles ont été abordées plus haut.
Les comatules quant à elles, disposent de moyens de locomotion qui étendent leur champ d’actions au-delà des postures de nourrissage.
3.4.1. Positions dans le courant
Les comatules forment des éventails bidirectionnels en réponse à des mouvements oscillants de l’eau. Autre exemple de réorientation passive, elles adoptent une posture où certains sillons ambulacraires font face à une direction tandis que d’autres sont à l’opposé. Il n’y a pas de pivotement du bras à 180°. L’orientation vers l’aval, caractéristique des sillons ambulacraires pinnulaires est néanmoins maintenue, parce que les pinnules avec leurs podia étendus pivotent passivement près de la base, comme des girouettes miniatures, de sorte que les rainures ambulacraires sont toujours à l’abri. C’est le cas chez les Antedon où on a pu observer des pinnules suivant différents degrés de torsion basale.
Les postures des bras et des pinnules adoptées par les crinoïdes dans les courants faibles ont déjà été discutées, mais certains crinoïdes, préfèrent des micro-habitats exposés à des flux multidirectionnels entretenus. C’est le cas des comatules semi-cryptiques Comaster vivant dans les récifs et des antedonidés tels que le cryptique Ctenantedon et Antedon qui occupe des micro-habitats turbulents. Les comasteridés semi-cryptiques étendent leurs bras au hasard sans former d’éventail et maintiennent leurs pinnules fixes en deux ou plusieurs plans le long de chaque bras. Le basculement des pinnules est également possible. Les antedonidés sont capables de modifier l’arrangement de leurs pinnules en fonction des conditions d’écoulement. Ces postures maximisent probablement l’exposition des réseaux de podia.
Dans certaines situations, une comatule peut utiliser une combinaison de postures de filtration en éventail et multidirectionnelle. Par exemple, la majeure partie des bras dans un courant linéaire, peut former un éventail arqué et les bras proches du substrat peuvent agencer leurs pinnules en quatre rangs, en réponse aux turbulences qui s’y trouvent. Ainsi, chez Antedon, dans un courant léger, les pinnules des bras situés en aval peuvent s’aligner dans un arrangement triplan en réponse aux turbulences générées sous le flux des bras en éventail positionnés en amont.
3.4.2. Rythme nycthéméral
Cryptique : qui habite les grottes, vit caché, dissimulé.
Nocturne : qui s’active la nuit.
Diurne : qui s’active le jour.
Sciaphile : qui apprécie l’ombre, les zones cryptiques.
Photophile : qui apprécie les zones éclairées.
Nycthémère : cycle sur 24 h incluant une nuit et un jour.
On ne connait pas d’espèce sciaphile, vivant exclusivement dans l’obscurité. Les comatules ont une activité plus ou moins variable selon le niveau de luminosité quotidien.
Certaines diurnes préfèrent la quête de nourriture en pleine lumière mais peuvent tout aussi bien se nourrir la nuit lors des remontées de plancton. D’autres, nocturnes, préfèrent la faible luminosité d’une anfractuosité le jour ; ces espèces semi-cryptiques commencent à s’activer à la tombée de la nuit. Les unes comme les autres adaptent leurs déplacements quotidiens selon le rythme nycthéméral lié à luminosité.
Comatules nocturnes
Il n’est pas facile de connaitre l’emploi du temps de tels animaux. Cependant, Meyer qui a suivi durant plusieurs mois une dizaine de spécimens de la famille Mariametridae nous fait part de ses observations.
Les comatules de la famille Mariametridae qui habitent les récifs coralliens tropicaux peu profonds de l’Indopacifique ouest, semblent être strictement nocturnes ??????? en dépit d’autres observations sur Stephanometra spp de la même famille. De ce fait, semble-t-il, elles sont plus mobiles que beaucoup d’autres espèces diurnes. Normalement fixées au substrat par leurs cirres et/ou leurs bras, elles rampent le plus souvent en utilisant leur bras mais nagent parfois sur de courtes distances. Sciaphiles, pendant la journée elles se cachent dans les crevasses du récif, et le crépuscule venu elles se dirigent vers des promontoires exposés aux apports nourriciers : sous un surplomb, sur une éponge ou bloc de corail…. Bien que ces crinoïdes soient dotés d’organes sensoriels, on ne sait pas les raisons exactes qui poussent les mariametridés observés à quitter leur lieu de nourrissage nocturne la lumière du jour venue.
Les spécimens étudiés n’ont pas suivi chaque fois les mêmes itinéraires pour rejoindre, une heure avant le coucher du soleil, leurs promontoires nocturnes pour un trajet évalué de 15 à 35 minutes, ni pour le quitter. L’analyse a pu déterminer une certaine fidélisation à leur site pour 80 % des individus. Sur les 13 spécimens suivis durant plusieurs mois, certains ont quitté les lieux, définitivement ou pour revenir après 3 semaines, puis disparaitre et revenir encore, chaque fois sans raison déterminée, sans relation avec les cycles lunaires ou de marées.
Comatules diurnes
Bien souvent, les crinoïdes diurnes paraissent actifs tout au long du cycle nycthéméral. Leurs postures d’alimentation semblent dépendre plutôt de leur régime alimentaire du moment, qu’aux cycles jour-nuit. Ils ne se déplacent pas vers des perchoirs spécifiques de nourrissage et peuvent rester sur le même promontoire durant de longues périodes. Les comatules diurnes seraient inféodées au même lieu puisqu’on a relevé une fidélité de 6 mois à 5 ans sans aucune mortalité observable.
3.4.3. Vie sociale
Les lieux de vie sont variés, depuis le sommet de roches exposées ou sous les surplombs jusqu’aux éponges ou les coraux branchus, scléractiniaires ou gorgones, de nature à les élever dans le courant. Selon le courant et la densité de nourriture véhiculée, les comatules ne recherchent pas systématiquement des promontoires hautement surélevés ; elles peuvent se satisfaire de zones rocheuses pourvu qu’elles soient suffisamment exposées. Diurnes ou nocturnes, les comatules peuvent partager les espaces entre plusieurs espèces.
On observe souvent des groupements de plusieurs comatules conspécifiques entrelacées. Il semble que cette pratique soit plus fréquente chez les petits spécimens, les individus de grande taille étant plus solitaires. On a supposé que ces agrégations améliorent la capture des particules en densifiant le réseau formé par les bras et en augmentant les turbulences de nature à mieux capter et à retenir les proies. Mais l’hypothèse d’une lutte intraspécfique n’est pas exclue, selon des observations sur la comatule Florometra serratissima de la famille Antedonidae que l’on a vu repousser un autre spécimen de la même espèce. Si le motif de l’espace ne peut être retenu pour les espèces diurnes moins exigeantes, il est plus probable pour les mariametridés nocturnes qui doivent rivaliser pour l’occupation du promontoire au début de chaque nuit.
3.5. Dangers et prédation
Les crinoïdes sont sensibles à lumière mais ça ne semble pas être systématique pour toutes les espèces ; elles réagissent également au contact physique et aux stimuli chimiques. Ainsi, elles sont en mesure de réagir à des dangers (un plongeur indélicat), un prédateur, une évolution du milieu… suivant des mécanismes que l’on commence tout juste à comprendre.
3.5.1. Stratégies face à la prédation
Tout aussi fragiles semblent-ils, les crinoïdes disposent de moyens de protection lesquels, apparemment, ont contribué à la préservation des espèces dans les eaux peu profondes à la suite aux rayonnements xxx réchauffement xx de la fin du Mésozoïque, contre les prédateurs durophages. Ces moyens sont :
- La nage au moyen des bras qui permet un déplacement de plusieurs mètres et de se soustraire au risque ;
- l’autotomie : cette amputation volontaire, réflexe, d’une partie du bras permet de se libérer et de fuir ; l’animal régénère ensuite la partie manquante, comme on l’a vu.
- le pouvoir de régénération important : la masse viscérale de l’espèce tropicale Himerometra robustipinna peut se régénérer complètement dans les trois semaines qui suivent l’éviscération Florometra serratissima d’eaux froides tempérées régénère complètement en 9 mois, un bras de 200 mm de long ;
- l’isolement diurne : la plupart des poissons qui se nourrissent de proies calcaires sont actifs le jour ; les espèces cryptiques et semi cryptiques s’avèrent moins atteintes que les espèces diurnes ;
- les grandes pinnules qui se développent densément dans la zone orale agissent comme de véritables armes défensives protégeant les parties viscérales ;
- les composés repoussants ou toxiques inclus dans les tissus.
3.5.2. Prédation
Le squelette des crinoïdes est essentiellement constitué de calcite, un calcaire rigide qui a d’ailleurs permis la conservation des fossiles à travers les âges. Ce sont donc des animaux coriaces, qui n’ont pas vraiment d’ennemis intentionnels et qui attirent occasionnellement quelques prédateurs opportunistes durophages à la « mâchoire » solide, tels que crabes, homards, poulpes, balistes poisons globes. Il semble que bien des mutilations causées par les poissons sont plutôt des effets collatéraux de la capture des animaux qui se cachent à l’intérieur du panache.
La prédation n’est jamais létale car les dommages qu’ils causent aux bras et même à la partie viscérale sont réparés par régénération.
Parmi les poissons on retrouve surtout de gros spécimens : les familles Balistidae (Balistes) ; Balistoides conspicilum est un grand amateur de comatules, Lutjanidae (Vivaneaux), Ephippidae (Poissons-bêches), Chaetodontidae (poissons-papillons), Labridae (labres), Monacanthidae (poissons-limes), Tetraodontidae (Poissons-globes), Notacanthidae (Poissons-tapirs à épines) et Sparidae dont le Pagre Chrysophrys auratus qui se nourrit de nombreux comatules entières.
On compte aussi certains crabes comme le Crabe décorateur Oregonia gracilis et des étoiles de mer comme le genre Pycnopodia que l’on trouve sur la comatule Florometra serratissima d’eaux froides ainsi que des oursins.
3.6. Symbiose et parasites
3.6.1. Symbioses
Les crinoïdes, on l’a vu, attirent peu les prédateurs. Ils représentent d’autant plus un refuge idéal pour de nombreux petits animaux, qui se dissimulent parfois par mimétisme, entre leurs bras et pinnules. on ne sait s’il s’agit de symbiose ou de parasitisme. On y observe plusieurs espèces de crevettes nettoyeuses de la famille des Palaemonidae (notamment des genres Laomenes (L. cornutus) et Periclimenes (P. pilipes ou P. ceratophthalmus), dont la couleur mime généralement celle de l’hôte. Des galathées (Galathea inflata, G. amboinensis), comme la Galathée élégante des crinoïdes (Allogalathea elegans) vivent également en symbiose avec les crinoïdes, qu’elles débarrassent des parasites en échange d’un abri entre les bras ; certains Gobies du genre Discotrema (D. crinophilum) s’y retrouvent également, notamment les juvéniles, ainsi que le poisson-fantôme arlequin, dont le corps imite les pinnules des comatules.
3.6.2. Parasites
Les crinoïdes peuvent aussi être victimes de parasites, notamment de la part de vers marins comme Myzostoma fuscomaculatum[16].
Dans la couronne de pratiquement chaque lys de mer se trouvent un à deux myzostomes. Ce sont des vers annélidés de 1 à 2 mm de diamètre qui ont une dizaine de petits « crochets » sur leur ventre qui leur permettent de s’accrocher au bras de la comatule, juste au-dessus du sillon ambulacraire. Cela leur permet d’aspirer les particules alimentaires qui se trouvent dans le mucus. Ces vers ont longtemps été considérées comme parasites mais il a été constaté qu’ils ne semblent pas nuire à leur hôte. Il apparaît plutôt qu’il s’agit de symbiose mais l’avantage que retire le lys de mer n’est pas encore établi.
Le ver Fallocohospes inchoatus parasite les intestins de la comatule Florometra serratissima
Parmi les parasites les plus gênants, il y a les petits escargots de la famille Eulimidae des genres Stilifer, Stylina, Sabinella et Melanella. Ils s’installent sur leur hôte et de leur trompe, forent les parties dures du squelette à travers le calice, les brachiales et les pinnulaires ou les cirrales, pour atteindre lles tissus qu’ils dévorent.
Comme pour de nombreux organismes, on note la présence de copépodes à la surface du corps ou dans le tube digestif de certaines comatules.
4. Maintenance
La maintenance de ces animaux indéniablement difficiles est un sujet qui fait débat sur les forums récifalistes. La recommandation première est de laisser ces animaux sauvages où ils sont et de ne pas les acquérir afin de ne pas entretenir la chaine d’importation.
Il faut reconnaitre que les témoignages de réussites dépassant l’année, sont extrêmement rares si l’on excepte ceux des récifalistes enthousiastes à l’acquisition et muets quelques semaines plus tard. La maintenance semble possible dans un grand volume mais dont la proximité du littoral permet d’introduire de l’eau de mer naturelle avec ses composants chimiques et planctoniques.
Tout cela ne contribue pas à progresser dans la maigre connaissance de ces animaux, et les incertitudes restent nombreuses. Dans ce contexte, évoquer la maintenance des crinoïdes peut sembler périlleux, voire prétentieux. Il faut plutôt considérer ce chapitre comme une simple réflexion, sans parti pris, en considérant les quelques informations collectées dans le monde amateur et celui de la recherche.
Les crinoïdes étant des suspensivores microphages, Il ne sera pas inutile de consulter les principes de maintenance évoqués dans l’article Octocoralliaires 4 – Maintenance (zoox et azooxanthellés) qui vaut pour tous les organismes filtreurs.
4.1. Qualité de l’eau
Les valeurs de carbone organique particulaire (POC) mesurées dans les zones d’habitat des comatules sont faibles, de l’ordre de 50 à 70 µg/l. Bien que parfois soumises à des épisodes de charge organique comme la ponte simultanée des coraux, les eaux y sont le plus souvent oligotrophes.
La qualité de l’eau est primordiale et donc un prérequis avant toute tentative d’introduction d’une comatule. Les paramètres doivent être bien sûr du niveau récifal et équilibrés mais surtout stables dans la durée, notamment les PO4, la salinité et le pH. La stabilité suppose que l’aquarium est mature, les micro-organismes qui s’y sont développés et leurs larves contribuant à l’alimentation des individus, et que toute évolution, notamment les changements d’eau, doit être progressive. Compte tenu des fluctuations quotidiennes de charge organique dues à la nutrition, le traitement de l’eau doit être imaginé en conséquence : écumeur, adsorbeurs de PO4, réacteur à bactérie, filtres à algues…sans compter les changements d’eau. De plus, on peut éventuellement prévoir un simple filtre interne destiné à collecter rapidement les plus grosses particules (algues en suspension…) de nature à s’accrocher sur les invertébrés qui se déploient dans le courant. Certains modes de maintenance innovants semblent donner des résultats encourageants parmi lesquels le système DyMiCo qui autorégule quelques paramètres et préserve les microorganismes, citons aussi la méthode DSR (Dutch Synthetic Reefing), développée par Glenn Fong, dans laquelle l’absence de changement d’eau est compensée par la gestion rigoureuse d’une quinzaine de composants (sans réacteur à hydroxyde ou carbonates). Nous manquons toutefois de sérieuses informations quant à la durée des réussites et aux modes d’alimentation.
4.2. Éclairage
Puisqu’il n’existe pas de comatule sciaphile vivant exclusivement dans l’obscurité, même en profondeur, un éclairage minimum semble nécessaire. Certaines espèces sont diurnes et s’activent le jour venu, qu’elles s’exposent en pleine eau ou se cachent partiellement (semi-cryptiques). D’autres, nocturnes, sortent de leurs caches de la journée (cryptiques ou semi-cryptiques) pour rejoindre les sites de nourrissage à la nuit tombante. Cela suppose de connaitre les mœurs de l’espèce pour proposer les éclairements adaptés; L’aquarium pourra offrir plusieurs niveau d’exposition à la lumière, mais la quantité maximum n’est pas nécessairement élevée. Les éclairages variés pourront être obtenus par spots et/ou en jouant avec les éléments du décor.
4.3. Température
On trouve des comatules dans des mers chaudes tropicales, parfois modérées et même froides, dans une gamme étendue de profondeurs et donc de températures. Les espèces tropicales évoluent depuis le bas des tombants jusqu’aux crêtes de récifs frangeants parfois exposés aux courants saisonniers chauds, à des températures avoisinant les 28° dans les premiers mètres. Ne connaissant pas l’habitat exact des spécimens concernés, la précaution impose de se situer en dessous des extrêmes, autour de 24 ou 25 degrés. Des informations sur le lieu et la profondeur du prélèvement seraient bien évidemment les bienvenues.
Plus qu’à la température nominale, les comatules s’avèrent sensibles à ses fluctuations. Une bonne régulation du chauffage et du refroidissement s’imposent.
4.4. Brassage
Les crinoïdes ne génèrent pas leur propre courant d’eau, ils sont soumis à celui qui circule dans leur environnement proche. Cette situation a conduit à affirmer un peu vite, qu’à l’instar de nombreux filtreurs passifs tels que les Octocoralliaires, ils ne peuvent capter les particules que dans une gamme réduite de vitesses. C’est sans compter sur leur mobilité pour trouver un emplacement plus approprié et surtout, comme on l’a vu plus haut, sur leur extraordinaire faculté à adapter leurs postures en fonction de la direction et du débit de l’eau. Face à un courant trop important, ils savent réorienter leurs bras et leurs pinnules pour réduire le débit et générer des micro-cavitations au niveau de leurs podia de capture. Aussi le flux d’eau dans l’aquarium n’est probablement pas aussi critique que ce qui a été supposé. Cependant, il existe des situations extrêmes en deçà et au-delà desquelles le taux de capture devient insuffisant. Une telle situation, si elle s’installe, risque de nuire à la santé de l’animal.
Les comatules semblent également avoir quelques préférences ; si certaines privilégient les flux laminaires d’une passe récifale, variant avec les marées, d’autre occupent des cavités rocheuses ou les flux sont plus turbulents multidirectionnels. L’organisation des bras variant en conséquence. Selon besoins de l’espèce, l’aquarium devra surement offrir plusieurs types d’exposition au courant et une variété de débits.
Un brassage laminaire général variant en direction et en intensité, comme le produisent les marées liées aux cycles lunaires, semble un bon choix. En effet, les affaiblissements permettent de générer un gradient de vitesses dont une part conviendra aux animaux, et de proposer des phases d’accalmies propices à la récupération. Le brassage laminaire peut être obtenu au moyen de pompes de type Gyre ; l’objectif peut être également atteint avec des pompes à large flux associé à un agencement réfléchi du décor. Si besoin, des zones de turbulences locales peuvent être également obtenues avec le décor. il existe aujourd’hui des automates permettant de varier le débit des pompes entre des valeurs maximum et minimum sur des périodes de 6 heures. Les particules alimentaires ayant rarement une flottabilité nulle, le brassage pourra lécher le fond et être légèrement ascendant pour les remettre en suspension. Bien entendu, il est préférable de synchroniser la délivrance de nourriture avec le cycle de brassage.
4.5. Décor
Compte tenu de ce qui précède, le décor joue un rôle important. En effet, il doit résoudre une équation relativement complexe dont les variables sont la lumière, le brassage et l’alimentation. Cette équation mérite une mûre réflexion et la connaissance, autant que possible, des besoins des espèces.
Il doit s’adapter au courant souhaité. Par exemple, être relativement centré dans la cuve si l’on souhaite reproduire un courant général laminaire, tournant sur un plan horizontal ; quelques obstacles plans, verticaux (failles) ou horizontaux (surplombs), permettront d’obtenir à leur passage une accélération locale de la vitesse ; de même quelques pierres isolées ou non peuvent générer des turbulences en aval.
Face à l’inconnue des flux réellement obtenus, on peut imaginer un décor facilement démontable que l’on peut réaménager, selon le besoin, avec des promontoires, des tombants, des surplombs…
Les plateaux horizontaux sont propices aux dépôts sédimentaires, ils seront donc évités dans les zones calmes. La question de la présence de sable de fond dépend, comme bien souvent, de son efficacité : il peut gêner la remise en suspension des particules alimentaires mais a contrario bien exploité, il peut contribuer au développement de la faune détritivore, à l’équilibre du bac et à l’assainissement de l’eau. C’est par ailleurs, un bon réservoir à bactéries que l’on peut remettre en suspension lors des périodes de nourrissage.
4.6. Nourrissage
C’est une évidence, le nourrissage est la clé de la réussite. Cependant les avis divergent sur la qualité de la nourriture et les modes d’administration. Ces avis devraient cependant prendre en compte les habitudes spécifiques des espèces hébergées. C’est bien là un problème : nous en savons peu sur les besoins des crinoïdes. En effet, les biologistes se sont penchés seulement ces dernières années, sur l’alimentation des comatules pour commencer à nous en délivrer les premiers témoignages.
Dans la pratique, et surtout dans l’inconnu, les aquariophiles proposent des aliments variés d’ailleurs pas toujours judicieux. Dans le chapitre Régimes alimentaires, nous avons vu qu’un mélange de phytoplancton, de zooplancton de taille 10 à 200 µm, semble être une bonne base. Les crinoïdes absorbant des matières particulaires variées, une forme lyophilisée doit pouvoir convenir à condition que leur valeur énergétique soit réelle. Bien évidemment, les produits frais, et si possible vivants, sont préférables.
Il ne faut pas négliger les apports bactériens liés aux particules détritiques. Aussi, tout système manuel ou automatique en mesure de libérer régulièrement des bactéries devrait être bénéfique. Remuer le sable occasionnellement est probablement un bon réflexe ; délivrer plusieurs fois par jour des bactéries au moyen d’un réacteur dédié, l’est surement.
Face à la difficulté de maintenance et au sentiment que ces animaux mourraient de faim, les récifalistes ont initialement privilégié l’idée qu’il était préférable de nourrir de temps en temps mais beaucoup, afin d’augmenter la probabilité de capture. Ce principe du « Qui peut le plus, peut le moins » a malheureusement de fâcheux effets sur la pollution de l’eau au point que l’on peut se demander si ses dommages collatéraux ne sont pas la vraie cause de mortalité. Les systèmes de dépollution étaient-ils prévus en conséquence ? Quoi qu’il en soit, on peut limiter la pollution et augmenter les chances de capture en favorisant la mise en suspension des particules alimentaires : en privilégiant les nourritures à flottabilité nulle, qui repasseront plus souvent au niveau des organes de capture ; en proscrivant celles à forte flottabilité qui ne seront pas exploitées ; en remettant en suspension les plus denses qui sédimentent, avec un brassage légèrement ascendant ; le reste étant pris en charge par les organismes détritivores d’un bac mature.
À la lecture des rapports scientifiques, les comatules sont en mesure de capter énormément de particules diverses, nutritives ou pas, et leur transit intestinal peut être extrêmement rapide, inférieur à une heure. Elles sont bien sûr en mesure d’exploiter le meilleur, mais il semble bien que la sélection interne nécessite du temps sans lequel tout est rapidement évacué, sans distinction. Autrement dit, s’il y a trop de nourriture et si le transit est trop rapide, la digestion est alors incomplète et l’animal dépérit. Suivant ces constats, il est préférable de nourrir peu mais souvent. L’expérience montre que ce peu et ce souvent restent à définir puisque les crinoïdes captifs meurent encore bien trop rapidement.
Cette fréquence de nourrissage, probablement grande, ne souffre pas l’oubli ou l’à-peu-près. Elle conduit à mettre en place un système de distribution automatique de nourriture en poudre ou liquide, tempérée ou fraiche, inerte ou vivante… l’imagination ne doit pas connaitre de limite pour ces animaux exigeants.
Toutes les incertitudes qui planent au-dessus du nourrissage des crinoïdes et les difficultés à mettre en place des moyens efficaces et fiables, imposent de ne pas se lancer dans la maintenance de ces animaux sans une farouche volonté de tout mettre en œuvre, qu’il s’agisse d’information, de moyens, d’argent et de temps.
Pour s’en convaincre et, si besoin, se décourager, l’exemple de Lukaczyn est révélateur de la difficulté et de la rigueur nécessaires pour maintenir des crinoïdes au-delà d’un an. Certains de ses spécimens ont vécu deux ans et demi. Dans un article A Journey in Crinoid Keeping paru dans le webzine Reefs magazine summer 2010, Lukaczyn expose le détail de sa maintenance et notamment le régime d’alimentation (planning et types de nourritures) pour une population de dix comatules. Le programme consiste en une douzaine de composants, des zooplanctons et phytoplanctons lyophilisés, du Cyclop-eeze, des additifs énergétiques (acides aminés, carbohydrates, acides gras insaturés, vitamines oligoéléments), des œufs d’huitres, des mysis, des rotifères et des bactéries. Il remue régulièrement le substrat du bac ainsi qu’un sac de zéolithe pour en libérer les détritus et du bactérioplancton. Le tout est administré en neuf distributions quotidiennes réparties de 6 h 30 à 20 heures. Par ailleurs, il maintient la qualité de l’eau par deux gros changements de 25 % par semaine, réalisés lentement à raison de 3 à 4 litres à chaque fois.
4.7. Manipulations
Les crinoïdes sont pourvus de podia fragiles et rapidement adhésifs. Ils sont en mesure d’adhérer à tout : aux vitres, au décor, aux mains… et de se détériorer dès lors que l’on tire un peu dessus. Leurs bras sont fragiles et le crinoïde s’automutilera à la moindre traction. De la même manière, ils se cramponnent vigoureusement à leur support avec leurs cirres qu’ils sectionneront si besoin. Depuis la collecte jusqu’à l’aquarium, les occasions de détériorer un animal sont nombreuses. Certes il est mesure de régénérer ses membres, mais l’expérience montre que le processus de régénération est plus rare en captivité.
Quelques précautions pour conserver l’intégrité de l’animal :
- Limiter les manipulations du crinoïde au strict nécessaire ;
- ne pas le prendre à pleine main mais provoquer son décrochement naturel, suivi d’une brève nage, par exemple avec un léger toucher ou de préférence, sans contact, par un mouvement de la main à proximité ;
- lui proposer un objet (branche de corail, gorgone…) sur lequel il pourra s’accrocher rapidement après s’être décroché ou mieux, lui offrir l’ouverture du sac ou du récipient de transport ;
- ne pas le sortir hors de l’eau ;
- le laisser s’évacuer librement du récipient de transport ;
- en attente du bac définitif, l’isoler dans un espace exempt d’aspérité et d’obstacle pour faciliter sa capture.
4.8. Signes de dépérissement
Il y a peu de symptômes de dépérissement ou de mal être. Une position trop longtemps recroquevillée n’est assurément pas bon signe pour un animal qui doit capter sa nourriture dans l’espace environnant. Trop de brassage, une eau de mauvaise qualité, des parasites… il faut s’en inquiéter.
Le signe le plus marquant est la perte progressive de morceaux plus ou moins importants des bras ; le bout du bras ne présente plus sa forme arrondie. La perte peut concerner des cirres quand ce n’est pas des bras entiers, sectionnés à leur base. Cette automutilation n’est alors pas due à une attaque passagère mais une réaction de survie face à une cause plus profonde. Malheureusement, les conditions de régénération n’étant pas réunies, à ce stade il y a peu de chance que l’animal s’en remette. Tous les bras se raccourcissent ou se sectionnent sur une période variable, de une à quelques semaines. L’animal ne peut plus capter la moindre nourriture et sa mort est proche.
4.9. Acquisition
S’il est un animal qui exclue l’achat compulsif, le crinoïde est dans la tête de liste. On en trouve aujourd’hui peu dans les commerces et c’est bien ainsi ; les vendeurs en approvisionnent rarement par crainte de voir dépérir ces animaux dans leurs installations inadaptées. C’est l’occasion d’acheter chez des vendeurs compétents, en mesure d’informer le client dès la réception. Il est préférable d’établir une relation de confiance avec le vendeur qui sera d’autant plus enclin à réaliser une commande spéciale, que le récifaliste l’aura convaincu du sérieux de sa démarche.
Parmi les points à respecter :
- Privilégier l’achat, là où l’on peut observer l’animal ;
- éviter tout animal qui présenterait des signes de faiblesse ;
- limiter le délai d’attente dans le magasin au strict minimum ;
- éviter les périodes de chaleur ou de froid ;
4.10. Acclimatation
L’introduction suppose que l’aquarium a été réfléchi en fonction des besoins de ces animaux (nous ne les connaissons malheureusement que trop peu). Le système doit être équilibré, stable et les paramètres de l’eau du niveau de ce que l’on attend d’un aquarium marin, quel que soit le biotope reconstitué d’eau tropicale ou tempérée.
Le bon sens impose d’introduire les animaux dans un espace calme sous une lumière atténuée durant plusieurs heures. L’animal pourra évoluer, s’il le souhaite, vers l’espace qui lui conviendra le mieux.
4.11. La maintenance des crinoïdes est-elle raisonnable ?
Les crinoïdes, espèces sauvages, ne sont pas en voie d’extinction et n’appartiennent pas non-plus spécifiquement à des listes de protection. Cependant, l’inventaire des risques pour eux, liés à leur maintenance difficile, conduit légitimement à se demander s’il est raisonnable de tenter encore de les héberger dans nos aquariums. Pourtant, cette même question se posait il y a 20 ans avec les scléractiniaires que l’on maintient facilement aujourd’hui. Entre l’arrêt de tout import et les acquisitions inconscientes qui conduiraient une quantité de spécimens à une mort certaine, il y a peut-être une moyenne mesure, ou plutôt des mesures de bon sens.
La première mesure serait de s’interdire toute acquisition qui ne serait pas longuement réfléchie et qui ne donnerait pas un seul espoir de survie. Les aquariophiles qui méconnaissent ces animaux, ne serait-ce que théoriquement, et qui ne sont pas rompus aux techniques de maintenances récifales ont bien souvent aujourd’hui, l’intelligence de s’intéresser à d’autres espèces qui comblent leurs satisfactions. Saluons en même temps, l’éthique de vendeurs de plus en plus nombreux qui se refusent à approvisionner inconsidérément ces animaux.
Les échecs antérieurs doivent-ils pour autant, anéantir tous les espoirs permis par l’amélioration des équipements, les méthodes innovantes et les nouveaux produits spécifiquement mis au point par les laboratoires des sociétés en relation avec des biologistes ? Ces dernières années, par exemple, sont apparus des aliments prometteurs, destinés aux coraux non zooxanthellés ou aux organismes filtreurs. Par ailleurs, si les amateurs sont friands des découvertes faites par les chercheurs, il n’est pas rare que les professionnels s’appuient sur les observations d’amateurs éclairés pour perfectionner leurs produits. Ainsi, il serait dommage de barrer la porte à cette voie d’amélioration. Pourquoi ne pas permettre à des amateurs expérimentés de tenter la maintenance des crinoïdes à condition qu’ils mettent tout en œuvre pour donner le maximum de chance aux animaux, notamment que leurs tentatives soient bâtie sur autre chose que ce qui a déjà été essayé et reconnu inefficace ? Ce serait la seconde mesure.
Si cet article permet de diminuer la maltraitance des fragiles crinoïdes et s’il contribue à quelques avancées dans leur maintenance, je ne regretterai pas de l’avoir dédié aux lecteurs de Cap récifal.
Références
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Article publié sur Cap récifal le 13 septembre 2016
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