Bactéries en aquarium marin et récifal

Bactéries en aquarium marin et récifal
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La stabilité d’un aquarium récifal dépend de l’équilibre biologique entre les poissons, coraux, invertébrés, et surtout les micro-organismes. Les bactéries s’avèrent essentielles pour y maintenir la qualité de l’eau et la santé du vivant. Les interactions et les enjeux sont si nombreux, qu’il est important pour l’aquariophile de bien connaitre le rôle du microbiote récifal, les types de bactéries, bénéfiques et pathogènes, les sources des souches, leur gestion dans l’aquarium, quand et comment les introduire et les entretenir. Autant de sujets abordés dans cet article.

1. Les bactéries

Les bactéries font partie des premières formes de vie sur Terre. Omniprésentes dans presque tous les environnements, de l’air à la terre, en passant par l’eau douce et marine, et même à l’intérieur des organismes vivants, elles ont une importance considérable dans les cycles biogéochimiques comme le cycle du carbone et la fixation de l’azote de l’atmosphère.

1.1. Description

Figure 1 : Schéma d’une bactérie.

Ces micro-organismes (figure 1), de l’ordre de 0,1 à 50 micromètres, unicellulaires, appartiennent au règne des procaryotes, donc sans noyau défini ni organites membraneux, ce qui les distingue de tous les autres organismes.

Les cellules se présentent sous plusieurs formes : sphérique, les coques ou cocci (cyanobactéries Synechococcus, Prochlorococcus) ; allongée ou en bâtonnet, les bacilles (Bacillus, Nitrosomas, Vibrio) ; spiralée, les spirilles ou spirochètes (Oceanospirillum, Helicobacter). Une membrane plasmique entoure la cellule et régule les échanges avec l’extérieur. Comme pour les cellules végétales, la membrane est parfois enveloppée d’une capsule protectrice plus ou moins épaisse dont la structure permet de différencier les bactéries Gram positif (à paroi épaisse) des bactéries Gram négatif (à paroi fine). A l’intérieur de la cellule flotte le matériel génétique, formé par un seul chromosome (molécule) d’ADN libre, enchevêtré en cercle, et refermé sur lui-même, ainsi que diverses molécules vitales.

Formes des bactéries.
Bacilles : allongés, en batônnets (Pseudomonas).
Coques ou cocci : de formes sphériques.
Spirilles : en forme de spirale ou hélicoide.

1.2. Particularités

Figure 2 : Source d’énergie et nutrition des bactéries.
  • Mobilité : parfois immobiles, certaines espèces disposent de flagelles, de longs filaments fins dépassant de la surface cellulaire, qui permettent leur locomotion. On observe aussi des structures filamenteuses courtes, les fimbriae, utilisées pour l’adhérence aux surfaces ou pour l’échange de matériel génétique entre bactéries.
  • Nutrition : Les bactéries interviennent dans divers processus et, selon les situations et les espèces, peuvent exploiter des nutriments organiques (déchets, nourriture), des composés azotés (ammoniac, nitrites, nitrates, voire directement l’azote dissout), des composés carbonés (sucres, acides organiques : AA, acides gras), CO2, O2, des sulfates, des composés inorganiques (carbonates, phosphates…), des oligoéléments et même des métaux lourds.
    Leurs modes de nutrition variés contribuent au brassage continuel de la matière entre les sol, leur milieu et les autres êtres vivants.
  • Sources d’énergie (figure 2) : certaines bactéries phototrophes, captent l’énergie lumineuse, d’autres chimiotrophesutilisent celle contenue dans des substances minérales ou des molécules organiques issues d’êtres vivants.
  • Oxygène : on caractérise les bactéries selon leurs besoins en oxygène pour vivre et se multiplier. Elles sont dites aérobies strictes lorsqu’il leur est indispensable, et anaérobies strictes quand elles n’en ont pas besoin ou ne supportent pas sa présence. D’autres sont aéro-anaérobies facultatives lorsqu’elles vivent et se multiplient avec ou sans oxygène.
  • Résistance : Il s’agit de la forme de vie la plus résistante que l’on connaisse. Les bactéries résistent à des températures de 100 °C, à certains désinfectants, aux rayonnements ultraviolets et plutôt bien aux UV-C, mais sont détruites par les rayonnements ionisants. Lorsque les conditions environnementales sont difficiles (sécheresse excessive, manque de nutriments…), certaines espèces entrent en dormance et produisent des spores, une forme naturelle, inactive. Chaque spore germe en une bactérie active lorsque les conditions redeviennent favorables.
  • Communautés : Elles vivent en communautés, adhérant le plus souvent à des surfaces au sein d’un gel muqueux, le biofilm.
  • Reproduction : Les bactéries se reproduisent rapidement principalement de manière asexuée, par scissiparité, un processus simple dans lequel une cellule se divise en deux cellules filles identiques. La division peut avoir lieu toutes les 20 minutes. C’est à dire potentiellement 500 000 nouvelles cellules après 6 h. Un tel rythme explique la fulgurance des maladies bactériennes. Elles peuvent également échanger du matériel génétique (conjugaison) pour brasser leurs gènes.
  • Nombreuses : Le nombre d’espèces dans les océans dépasse très probablement le million. On compte environ 10 millions de bactéries par millilitre d’eau de mer dans les zones côtières. Si le bactérioplancton joue un rôle crucial dans les océans, tout autant que le phytoplancton et de manière complémentaire, on sous estime probablement son impact dans la nutrition de nombreux organismes marins.
  • Nocivité : La plupart des bactéries n’attaquent que la matière organique morte et sont inoffensives voire bénéfiques pour les organismes. Un petit nombre d’espèces est pathogène, à l’origine de maladies infectieuses.
Terminologie
Hôte
: organisme qui héberge un parasite, partenaire mutuel ou commensal, nécessaire à son cycle de vie.
Symbiose
: association intime, durable entre deux organismes. Elle est bénéfique aux deux (mutualisme), bénéfique à l’un et nuisible à l’autre (parasitaire) ou bénéfique à l’un et neutre sur l’autre (commensalisme). Microbe : Organisme vivant visible qu’au microscope (bactéries, microchampignons, protistes).
Microbiote
 : ou "microflore", ensemble des microbes d’une communauté relative à un hôte animal.
Microbiome : ensemble regroupant le microbiote, son domaine d’activité (ex. un individu) et son environnement.
Holobionte : ensemble formé par les espèces hôtes et les autres espèces plus petites (micro-organismes) vivant à l’intérieur, dessus ou à proximité.

2. Rôles des bactéries en aquarium

Un aquarium sain et stable pour les poissons, les coraux, et les autres habitants contient probablement des bactéries variées et en quantité suffisante pour assurer leurs fonctions. Voyons leurs différents rôles :

2.1. Rôles relatifs à la maintenance de l’aquarium

Cycle de l’azote : (figure 3) les bactéries réalisent une filtration biologique essentielle à l’équilibre de l’aquarium marin.

Figure 3 : Le cycle de l’azote.
  • Les bactéries nitrifiantes : durant la nitrosation Nitrosomonas, NitrosococcusNitrosocystisNitrosospiraNitrosogle transforment l’ammoniac (NH3), très toxique pour les poissons, en nitrites (NO₂⁻), également toxiques mais moins dangereux.
    Ensuite, durant la nitratation, les bactéries Nitrobacter NitrocystisBactodermaMicroderma, Nitrospira, etc., convertissent les nitrites (NO₂⁻) en nitrates (NO₃⁻), bien moins toxiques, qui pourront être absorbés par les plantes ou éliminés lors des changements d’eau.
  • Les bactéries dénitrifiantes : telles que Pseudomonas, Flavobacterium, Alcaligenes, Achromobacter, Escherichia, Micrococcus, Aerobacter, Bacillus, Thiobacillus, Azotobacter … se développent dans des zones pauvres en oxygène (anaérobies) : dans les substrats ou au sein de certaines roches vivantes. Elles transforment les nitrates (NO₃⁻) en diazote gazeux (N2), relâché dans l’atmosphère. La réduction du niveau de nitrates, prévient l’accumulation de substances nocives pour les habitants marins.

Cycle du phosphore : comme exposé dans l’article Phosphore, phosphates, lors de la dégradation des matières organiques (fèces, déchets, sédiments…), les bactéries solubilisatrices de PO4 (PSB) et accumulatrices de PO4 (PAB) extraient les phosphates dissous dans l’eau, pour leur propre métabolisme. A leur mort ces phosphates piégés dans leur biomasse sont éliminés par la filtration et l’écumeur. Par ailleurs, durant la dégradation de composés organiques phosphorés, elles sécrètent des enzymes assurant la minéralisation du phosphore organique en phosphate inorganique, un nutriment essentiel pour les coraux et les algues. La régulation du phosphore est un levier pour limiter la prolifération d’algues indésirables.

Cycle du soufre : dans les aquariums marins, notamment ceux comportant des zones anoxiques peu oxygénées, des "bactéries pourpres" pratiquent la photosynthèse anoxygénique (sans production d’oxygène). Les bactéries pourpres sulfureuses (PSB) des gama-Protéobactéries), essentiellement des Chromatiaceae, transforment le sulfure d’hydrogène (H2S) toxique en soufre ou en sulfates beaucoup moins nocifs pour l’écosystème. Elles interviennet dans le cycle du soufre.

Cycle du carbone : des bactéries dégradent la matière organique dissoute, convertissant les substances organiques en dioxyde de carbone et d’autres nutriments assimilables par les coraux et les autres habitants de l’aquarium. Certaines espèces fixent le carbone organique dans le mucus et rendent cette source d’énergie directement disponible pour le corail.

Décomposition de la matière organique : les bactéries hétérotrophes décomposent les déchets organiques (nourriture, excréments, plantes mortes…), en substances plus simples à éliminer, évitant ainsi l’accumulation de matière organique, le risque de pics d’ammoniac toxique et celui d’autres polluants.
Plus particulièrement, les bactéries pourpres non-sulfureuses (PNSB), des alpha-Protéobactéries telles que les Rhodospirillaceae et Rhodobacteraceae, pratiquent la photosynthèse anoxygénique comme les PSB, mais utilisent des composés organiques (acides gras, alcools, glucides) ou des composés inorganiques pauvres en soufre (fer) comme source d’électrons pour la photosynthèse. Si elles n’entrent pas dans le cycle du soufre, elles contribuent au cycle de l’azote, plus spécifiquement dans les zones hypoxiques, pauvres en oxygène, centrées sur la dégradation de la matière organique et la gestion des nutriments. Ce faisant elles sont performantes dans le traitement du mulm sédimenté sur et dans les substrats : sables et roches vivantes.

Clarification de l’eau : En fixant les particules en suspension et en absorbant les substances dissoutes, les bactéries clarifient l’eau, améliorant ainsi la qualité visuelle et la santé générale de l’aquarium.

Biofilm protecteur : les bactéries forment également un biofilm sur les surfaces (roches, substrat, parois de l’aquarium..) empêchant les bactéries pathogènes de coloniser ces surfaces. Le biofilm agit également comme un réservoir de nutriments pour les microorganismes et, bien entendu, participe à la filtration biologique.

2.2. Rôles relatifs aux organismes marins

Dans un aquarium récifal, les interactions entre les bactéries et les organismes vertébrés et invertébrés sont nombreuses, complexes et indispensables au maintien de son équilibre écologique. Elles incluent notamment la nourriture et la protection contre les maladies :

Figure 4 : Tunicier Polycarpa aurata, un bactério-planctonophage..
  • Réduction des toxines : Les bactéries du cycle de l’azote et du soufre réduisent les risques toxiques. D’autre bactéries probiotiques telles que Bacillus, Rhodopseudomonas, contribuent à neutraliser différentes toxines comme, par exemple, des toxines cyanobactériennes produites par les algues. Dans une moindre mesure, certaines bactéries (Pseudomonas, Bacillus, Shewanella) peuvent bioaccumuler des métaux lourds, les précipiter sous forme de sels insolubles ou les réduire (Desulfovibrio), voire les chélater en composés moins toxiques. Certaines espèces de poissons (poissons-anges) et d’invertébrés (crevettes, étoiles de mer) sont extrêmement sensibles à des dérives d’ammoniac et nitrites.
  • Source de nourriture pour les invertébrés : de nombreux invertébrés suspensivores microphages actifs ou passifs, zooxanthellés ou azooxanthellés, se nourrissent de bactérioplancton. Les coraux (octocoralliaires et dans une moindre mesure les scléractiniaires SPS et LPS), les éponges, les tuniciers (figure 4), les bivalves (moules, bénitiers, huitres), les vers tubicoles, les échinodermes filtreurs (comatules, holothuries…), piègent les bactéries en suspension et s’en nourrissent. Les psammivores comme les holothuries (concombres de mer), étoiles de mer fouisseuses, gobies… et les détritivores (copépodes, amphipodes…) ingèrent les bactéries sédimentées dans le mulm au sein du sable et des roches.
  • Symbiose bactérienne : Les bactéries symbiotiques occupent le mucus des coraux, assurant une prédigestion des proies, et le système digestif de nombreux organismes (poissons, coraux) pour décomposer les aliments et absorber les nutriments. De même elles contribuent à métaboliser des composés chimiques (soufre, azote…) au sein des invertébrés (nématodes, vers tubicoles, bivalves…) en les transformant en nutriments assimilables.
  • Fixation directe d’azote : certaines bactéries fixatrices d’azote captent directement l’azote dissous issu de l’atmosphère ou de la décomposition de la MO. Associées aux coraux, elles convertissent via des enzymes le N2 dissout en ammonium (NH4+) et d’autres formes d’azote biologiquement disponibles pour le corail. Il s’agit là du quatrième mode de nutrition des coraux, indépendamment de la photosynthèse, de la capture ou de l’adsorption cellulaire de matière dissoutes.
  • Prophylaxie : certaines bactéries probiotiques comme Lactobacillus, occupent des niches écologiques et contiennent la prolifération de bactéries pathogènes. Elles préviennent les infections et maintiennent le système immunitaire des poissons et invertébrés, dont les coraux.
  • Production de substances antimicrobiennes : les bactéries de certains probiotiques sécrètent des substances antibiotiques naturelles qui inhibent la croissance des agents pathogènes, réduisant ainsi le risque d’infections chez les poissons (maladie des points blancs) et les coraux (nécroses tissulaires).
  • Réduction des algues et cyanobactéries : les bactéries entrent en compétition avec les algues pour l’utilisation des nutriments (N, P), réduisant ainsi leur prolifération.
  • Stimulant de ponte : certaines bactéries peuvent libérer des composés stimulant la reproduction chez les invertébrés.

3. Microbiote de l’aquarium récifal

Les bactéries occupent tous les compartiments de l’aquarium, depuis les biofilms des supports rocheux ou sableux, en suspension dans la colonne d’eau et au sein des coraux eux-mêmes.

3.1. Biofilms et mulms superficiels

3.1.1. Biofilms

Les biofilms sont des communautés de micro-organismes (bactéries, algues, champignons et parfois des protozoaires) qui adhèrent à une surface pour former une matrice composée principalement de substances polymériques extracellulaires (EPS) constituée de polysaccharides, de protéines, d’ADN extracellulaire et d’autres composants. Cette matrice protectrice leur permet de résister aux stress environnementaux (chocs thermiques, produits chimiques, agents antimicrobiens, etc.) et de conserver l’humidité dans certaines conditions, par exemple lors de l’exondation des coraux à marée basse.

Le développement des biofilms dans des environnements humides ou aquatiques procède en plusieurs étapes. Les bactéries libres (planctoniques) dans l’eau adhèrent aux surfaces immergées (adhésion primaire) de toutes sortes (roches vivantes, substrat, verre de l’aquarium, coraux, équipements), puis se multiplient (colonisation). Elles produisent des EPS, formant une matrice gluante qui consolide l’adhésion et protège les bactéries des conditions extérieures. Le biofilm développe une structure plus complexe avec des canaux pour l’échange de nutriments et l’évacuation des déchets (maturation). Sa structure est multicouche avec moins d’oxygène et plus de déchets organiques en profondeur. Les bactéries communiquent entre elles (quorum sensing) pouvant ainsi coordonner leur activité, se protéger ou déclencher la production de certaines substances en réponse aux changements environnementaux. Plus tard, certaines cellules ou portions du biofilm sont libérées (détachement) et colonisent de nouvelles surfaces (figure 5).

Une prolifération excessive du biofilm peut poser des problèmes. Par exemple, un biofilm trop épais réduit la lumière nécessaire organismes symbiotiques. Sa régulation impose une bonne gestion des bactéries (contrôle des nutriments, réacteur biologique, éclairage…) comme on le verra, et parfois le nettoyage des équipements encrassés (pompes, crépines, tuyaux…).

3.1.2. Mulms

Les mulms sont des accumulations de débris organiques en décomposition (déchets alimentaires, excréments…) et inorganiques (sable, boues) déposées au fond de l’aquarium ou dans les zones calmes. Contrairement à ce que l’on nomme les sédiments, les mulms contiennent une grande proportion de matières organiques. Ils hébergent une quantité de bactéries décomposeuses ainsi que d’autres micro-organismes et des particules non vivantes.

Les effets du mulm sont ceux des bactéries, déjà évoqué, notamment dans la décomposition de la matière organique et la libération des nutriments (nitrates, phosphates). C’est une source de nutriments pour les algues. Il contient une grande concentration de bactéries et d’autres micro-organismes, et sert de réservoir biologique pour d’autres bactéries bénéfiques.
Cependant, s’il n’est pas contrôlé il peut contribuer à une pollution avec de hauts niveaux de nitrates et phosphates, favorisant ainsi la croissance indésirable d’algues et de cyanobactéries.

Gérer le mulm par différents moyens : siphonner régulièrement le substrat (figure 6) pour éviter son accumulation excessive, assurer un brassage dans les zones d’accumulation, le maintenir sous contrôle avec une équipe de détritivores (invertébrés et poissons fouisseurs, crevettes, escargots, poissons limivores) pour remuer le substrat et consommer les matières organiques.

Biofilm et mulm en aquarium marin
Figure 5 : Portion d’un biofilm détaché.
Figure 6 : Siphonage du mulm déposé sur le sable.

3.2. Bactéries de la colonne d’eau : bactérioplancton

Les bactéries sont moins présentes dans la colonne d’eau que dans les biofilms recouvrant les surfaces. Issues de la libération des biofilms et des échanges avec les substrats, leur action est similaire. A l’instar des océans, la population bactérienne de la colonne d’eau constitue le bactérioplancton de l’aquarium.

3.2.1. Actions du bactérioplancton

Indépendamment des rôles attribués généralement aux bactéries, en suspension elles ont des effets plus spécifiques :

  • Clarification de l’eau : L’effet est quasi immédiat. Les bactéries éliminent les particules organiques fines et décomposent les matières dissoutes. L’eau devient limpide et stable, favorisant la pénétration de la lumière et contribuant à la bonne santé de tous les organismes photosynthétiques.
  • Echanges bactériens : transporté par le brassage, le bactérioplancton se disperse en tous points de l’aquarium, assurant des apports bactériens jusqu’aux substrats, et les échanges constants entre les bactéries en suspension, les surfaces, les mucus coralliens et tous les organismes.
  • Bactérioplancton nourricier : De nombreux invertébrés suspensivores microphages (filtreurs), se nourrissent de plancton. Coraux, bivalves, vers à panaches, éponges, tuniciers, comatules… piègent les bactéries dans leur mucus ou les capturent avec leurs cils vibratiles. C’est d’ailleurs chez les octocoralliaires une source d’alimentation bien plus importante que le phytoplancton, et vitale pour certains invertébrés tels que les tuniciers et les comatules.
  • Risque d’anoxie : un excès de matières organiques dans l’eau peut toutefois entraîner une prolifération bactérienne subite, non contrôlée, souvent visible sous forme d’eau trouble : bloom bactérien. Les bactéries consomment alors de grandes quantités d’oxygène dissous, mettant en danger les autres organismes, comme on l’évoquera plus tard. Il est donc essentiel de surveiller et limiter la charge organique dans la colonne d’eau.

3.2.2. Espèces bactériennes en suspension

Il existe toujours des échanges entre l’eau et les supports, et des biofilms se détachent dans la colonne d’eau. Même si la concentration des espèces du bactérioplancton est différente de celle des biofilms superficiels, une analyse de la colonne d’eau permet d’obtenir une cartographie approximative des bactéries présentes dans l’aquarium. Ainsi les analyses du microbiome telles que celles récemment proposées par le laboratoire Aquabiomics sont une avancée dans la compréhension de nos systèmes captifs.

Les analyse ADN de ce laboratoire révèlent un mélange complexe dans l’eau des aquariums testés, avec une moyenne de 400 espèces différentes par installation. Aquabiomics identifie 19 familles de bactéries représentant l’essentiel des communautés présentes dans l’eau des aquariums récifaux sains, c’est à dire dans lesquels invertébrés et poissons s’épanouissent (figure 7).

Il existe aussi une grande disparité du spectre des populations entre différents aquariums, variant dans un rapport un à sept pour les populations les plus diversifiées. Dans son étude How aquarium microbiomes differ, Aquabiomics a ainsi pu observer quatre groupes de spectres bactériens présents dans des aquariums globalement sains (figure 8).

Analyses des bactéries en aquariums récifaux.
Figure 7 : Familles de bactéries des aquariums récifaux
Figure 8 : Groupes de spectres bactériens observés en aquariums récifaux.

3.3. Bactéries et coraux

Figure 9 : Espèces bactériennes du mucus d’Acropora palmata et de son environnement.

3.3.1. Le microbiote du corail

Le corail forme avec les microorganismes qu’il héberge (microbiote) un ensemble biologiquement cohérent (l’holobionte) à l’intérieur duquel s’opèrent de relations symbiotiques vitales.

Depuis les premières apparitions de maladies coralliennes à grande échelle, dans les Caraïbes, les chercheurs analysent le microbiote inféodé aux coraux. En effet, il impacte la vie du corail à plusieurs niveaux : notamment lors de la prédigestion, ainsi que pour ses défenses immunitaires puisque des pools bactériens sont en mesure de produire des antibiotiques contre les bactéries pathogènes.

3.3.2. Bactéries du microbiote corallien

Un immense panel d’espèces bactériennes peut être inféodé aux coraux. Pour autant leur spectre est limité et spécifique à chaque espèce de corail. Les bactéries ont  des fonctions différentes selon leur localisation (tissus, cavité gastrique, mucus, squelette). Rappelons que les bactéries ne sont pas les seuls microbiotes du corail. D’autres microorganismes hôtes du corail, contribuent également à sa santé : archées, eucaryotes unicellulaires (dinoflagellés), champignons…

Le microbiote du corail n’est pas exactement le reflet du panel bactérien observé dans la masse d’eau ou les surfaces. Par exemple, en milieu naturel, Kim B. Ritchie a observé la répartition des différentes espèces bactérienne relatives à Acropora palmata des Caraïbes : celles inféodée au mucus du corail (symbiotes), celle des visiteurs  pathogènes opportunistes, responsables de blanchiments dans l’étude, et celle présente dans l’eau de mer environnante (figure 9). Il s’avère qu’elles sont ici assez différentes.

L’équilibre bactérien du microbiote corallien est cependant très dépendant des conditions environnementales. Des différences dans la composition du mucus peuvent contribuer à réduire la capacité du corail à résister aux différents facteurs de stress au point de le rendre vulnérable face aux organismes pathogènes. Aussi, l’aquariophile doit tout mettre en œuvre pour conserver cet équilibre.

4. Espèces bactériennes marines

Toutes les bactéries, en suspension, sur les substrats, en biofilms, ou sur les animaux, contribuent de manière bénéfique ou maléfique sur la santé générale de l’aquarium et ses occupants. L’aquariophile se pose donc légitimement la question de savoir lesquelles son bonnes (bénéfiques), ou pas (pathogènes). La réponse à cette question ne lui permet malheureusement pas d’avancer beaucoup aujourd’hui, mais viendra le temps où les cartographies biologiques seront aussi courantes que les analyses chimique ICP.

4.1. Bactéries bénéfiques, probiotiques

Bactéries bénéfiques, "bonnes bactéries"

Ce sont celles qui contribuent globalement à la prospérité de l’aquarium : la qualité de l’eau, la croissance saine des organismes vivants, l’absence de maladies, l’équilibre biologique… Par exemple :

Figure 10 : Bactérie Nitrosomas.
  • Des espèces agissant dans le cycle de l’azote et pour certaines, du phosphore :
    • celles oxydant l’ammoniac en nitrite : Nitrosomonadaceae : Nitrosomonas (figure 10), Nitrosococcus (environ 1,5 % du microbiome).
    • celles oxydant les nitrites en nitrates (Nitrobacter, Nitrospiraceae), 11 fois moins abondantes.
      Il s’agit ici de concentrations mesurées dans la colonne d’eau, donc non représentatives et plus faibles que ce que peuvent abriter les substrats.
    • celles dénitrifiant les nitrates en azote comme Pseudomonas, Paracoccus.
  • Des espèces omniprésentes dans les milieux marins, participant aux processus de dégradation de plusieurs manières. Citons Thiobacillus denitrificans, une bactérie chimioautotrophe, anaérobie oxydant le soufre en sulfates par exemple dans les dénitrateurs au soufre ou les DSB.
  • Des bactéries pourpres sulfureuses, anaérobies; oxydant le soufre en sulfates dans les couches profondes : Chromatium, Thiocapsa, Thiospirillum, Thiopedia, Lamprocystis, Marichromatium, Allochromatium) .
  • Des bactéries pourpres non-sulfureuses contribuant à la dégradation des zones hypoxiques (sédiments, sable et substrats) : Rhodopseudomonas (figure 11), Rhodobacter, Rhodovulum, Roseobacter, Rhodospira, Erythrobacter, Oceanibulbus. N’intervenant pas particulièrement, ni directement, dans le cycle de l’azote, elles sont complémentaires, polyvalentes et efficaces dans la dégradation des MO sur un terrain qui leur est propre. Par exemple Rhodopseudomonas palustris (4), une espèce pas spécifiquement marine, peut basculer entre quatre types différents de métabolismes et s’avère intéressante dans de nombreux domaines dont l’aquariophilie marine.
  • Des bactéries du traitement des phosphates. Selon leur rôle on trouve les bactéries solubilisatrices de phosphates (PSB) telles que Rhodobacter, Pseudomonas, Bacillus, Halomonas, Marinobacter, Alteromonas, Planococcus, Serratia, Acinetobacter, Klebsiella, Rhodobacter, Paracoccus, Thiothrix… et/ou accumulatrices de polyhosphates (PAB) Acinetobacter, Klebsiella, Burkholderia, Enterobacter, Bacillus, Synechococcus, Thiothrix
  • Des cyanobactéries : capables de fixer l’azote atmosphérique, fournissant ainsi une source de nutriments importante pour d’autres organismes dans l’aquarium, ingérées par les coraux et d’autres invertébrés, produisant de l’oxygène bénéfique aux organismes ou formant des biofilms, habitat de micro-organismes bénéfiques et nourriture pour les filtreurs.
  • Des bactéries du mucus des coraux : par exemple des souches de Vibrio non pathogènes jouent un rôle protecteur contre des agents pathogènes potentiels.

Bactéries probiotiques, bonnes pour la santé

Figure 11 : Rhodopseudomonas palustris s’assemble en étoiles puis forme un réseau de biofilm

Une partie des bactéries bénéfiques est dite probiotique.Ce sont des souches sélectionnées et isolées pour leurs caractéristiques spécifiques, aux effets ciblés, plus facilement mesurables. Il s’agit plus particulièrement de celles nécessaires à la santé des hôtes (poisson, coraux et autres invertébrés) lesquelles, par exemple, impactent le métabolisme ou réduisent la prolifération des pathogènes. Par extension, l’aquariophilie y inclut les bactéries qui améliorent la santé générale de l’aquarium, notamment celles agissant sur le cycle de l’azote. La différence est ténue et finalement sans importance tant les interdépendances entre les microorganismes, sont nombreuses, parfois méconnues, mais toutes impliquées dans le même objectif de prospérité.

Les bactéries probiotiques appartiennent à différentes espèces parmi les genres  :

  • Bacillus (B. subtilis, B. licheniformis) : favorisent la dégradation des déchets organiques et aident à stabiliser le cycle de l’azote,
  • Lactobacillus (L. plantarum, L. rhamnosus) : bactéries lactiques contribuant à la fermentation de matières organiques et à la suppression de pathogènes.
  • Enterobacter (E. cloacae) : participent à la décomposition des matières organiques et à la réduction des pathogènes.
  • Rhizobium (R. leguminosarum) : aident à la fixation de l’azote et améliorent la qualité du substrat.
  • Corynebacterium (C. glutamicum), Rhodopseudomonas : contribuent à dégrader les déchets organiques
  • Pseudomonas (P. fluorescens) : dégradent des polluants.
  • Nitrosomonas et Nitrobacter : essentielles au cycle de l’azote.
  • Pseudoalteromonas, Alteromonas, Halomonas, Ruegeria, Rhodopseudomonas palustris, Bacillus… : production d’antibiotiques dans le mucus corallien, contre des pathogènes.

4.2. Mauvaises bactéries et pathogènes

Les bactéries dites "mauvaises bactéries" regroupent les espèces aux effets indésirables. Certaines sont pathogènes quand elles causent la maladie, ou opportunistes quand elles deviennent nocives dans certaines conditions, ou simplement nuisibles si elles déséquilibrent l’écosystème.

Parmi les espèces pathogènes au-delà d’une certaine concentration.

  • Pathogènes de poissons : Mycobacterium, Photobacterium damselae, Piscirickettsia salmonis, voire Pseudomonas et Aeromonas qui peuvent provoquer des infections cutanées chez les poissons et des nécroses. Les concentrations détectées dans des aquarium sains n’affectent pas leur santé.
  • Pathogènes des coraux :
    • des espèces hôtes naturels de coraux (Vibrionaceae ex. Vibrio corallilyticus, V. shiloi, V. vulnificus) à une concentration normale n’affectant pas leur santé, mais potentiellement causes de blanchiment, et nécrose tissulaire.
    • des espèces non détectées dans les aquariums sains, introduites, impliquées dans les maladies des coraux (nécroses, gelées brunes…). Par exemple Serriata marcescens, Thalassomonas loyana (bande blanche),
  • Pathogènes d’autres invertébrés. Parmi celles-ci Mycobacterium ou Aquarickettsia rohweri détecté sur des anémones, éponges. On sait cependant peu de leur présence en aquarium.

4.3. Bactéries marines diverses

Le tableau 1 propose un inventaire, bien entendu non exhaustif, de bactéries observées en milieu marin dans différents habitats, avec leurs rôles et fonctions dans l’écosystème.

Tableau 1 : Quelques bactéries du milieu marin
Famille Genre Habitat Fonction Rôle
Acaryochloridaceae Acaryochloris Zones benthiques, biofilms Cyanobactérie photosynthétique, utilisation de la chlorophylle d pour la photosynthèse Bénéfique
Alteromonadaceae Alteromonas Eau, substrat, biofilms, sédiments Dégradation MO pollution marine et hydrocarbures. BSP Bénéfique
Bacillaceae Bacillus, Paenibacillus, Geobacillus Eau, substrats, sédiments, biofilms Dégradation des matières organiques, réduction des déchets. Cycle N et P. Probiotique. BSP, BAP. Bénéfique
Bacteriovoracaceae Bacteriovorax, Peredibacter Sédiments, biofilms Contrôle par prédation d’autres bactéries Gram-négatives Bénéfique
Beggiatoaceae Beggiatoa Sédiments, substrat riche en soufre Oxydation des sulfures, neutralisation de H2S dans les environnements anoxiques Bénéfique
Bradyrhizobiaceae Nitrobacter Eau, substrat Oxydation des nitrites (NO₂⁻) en nitrates (NO₃⁻) Bénéfique
Burkholderiaceae Burkholderia Sédiments BAP Bénéfique
Cenarchaeaceae Cenarchaeum, Nitrosopumilus Eau, sédiments, substrats Archées. Oxydation de l’ammoniac. Résistantes, elles contribuent à la résilience dusystème. Bénéfique
Chromatiaceae Nitrosococcus Colonne d’eau, substrat Oxydation de l’ammoniac (NH3) en nitrites (NO₂⁻) dans les environnements marins Bénéfique
Comamonadaceae Comamonas, Acidovorax, Delftia, Hydrogenophaga, Polaromonas, Variovorax Sédiments, substrats, biofilms Dégradation de matière organique, contribution au cycle de l’azote et de l’hydrogène. Bénéfique
Cryomorphaceae Cryomorpha Eau Dégradation des glucides (environnements marins froids) Bénéfique
Desulfovibrionaceae Desulfovibrio Sédiments, zones anaérobies Réduction des sulfates, formation de sulfures métalliques Bénéfique
Enterobacteriaceae Enterobacter,
Klebsiellia,
Serratia
Eau, substrat Dégradation MO, Cycle N et P. BAP, BSP Bénéfique
Flammeovirgaceae Flammeovirga, Lutibacter, Flexithrix Eau, sédiments, biofilms Dégradation de matière organique, formation de biofilms. Bénéfique
Flavobacteriaceae Flavobacterium Eau, substrat, mucus des coraux Peut devenir pathogène chez les poissons stressés, sinon décomposition de matière organique Opportuniste
Fusobacteriaceae Fusobacterium Sédiments, zones anaérobies, systèmes digestifs Dégradation de matière organique, production d’acides organiques, causes d’infections Pathogène
Halomonadaceae Halomonas Sédiments Dégradation sédiments. BSP. Bénéfique
Hyphomicrobiaceae

Hyphomicrobium, Methylobacterium, Filomicrobium.

Eau, substrats, biofilms. Acteur du cycle du carbone. Dégradation de matière organique, ixation de l’azote. Bénéfique
Leptospirillaceae Leptospirillum Sédiments, substrat Oxydation du fer, rôle dans le cycle du fer Bénéfique
Mycobacteriaceae Mycobacterium Sédiments, eau, substrat, biofilms Dégradation de matière organique, Pathogène d’organismes marins, coraux et poissons (mycobactériose) Bénéfique et Pathogène
Marinicelaceae Marinicella, Marinilactibacillus Sédiments, substrat, biofilms Dégradation de matière organique. Production de métabolites (antimicrobes). Equilibre des biofilms Bénéfique
Marinobacteraceae Marinobacter Sédiments BSP Bénéfique
Moraxellaceae Acinetobacter Eau, substrat, sédiments Opportuniste, rôle dans la dégradation MO, possible résistance aux antibiotiques. BAP, BSP. Opportuniste
Nitrosomonadaceae Nitrosomonas, Nitrosococcus Eau (colonne d’eau), substrat Oxydation de l’ammoniac (NH₃) en nitrites (NO₂⁻) Bénéfique
Oceanospirillaceae Oceanospirillum Eau, biofilms, zones côtières Dégradation des hydrocarbures, résilience face à la pollution Bénéfique
Oceanospirillaceae Thalassomonas Eau, substrat, biofilms Dégradation des hydrocarbures, rôle dans la résilience face à la pollution marine Bénéfique
Pelagibacteraceae Pelagibacter Colonne d’eau Bactérie abondante dans les océans, rôle majeur dans la dégradation de composés organiques simples Bénéfique
Phormidiaceae Phormidium Eau, substrat, zones benthiques Cyanobactérie, production primaire par photosynthèse, peut former des tapis benthiques Bénéfique
Piscirickettsiaceae Piscirickettsia Sédiments, zones polluées Pathogène de poissons. Sans interêt écologique Pathogène
Planctomycetaceae Planctomycetes Biofilms, substrat Dénitrification anaérobie de l’ammoniac (Anammox) Bénéfique
Planococcaceae Planococcus Sédiments BSP Bénéfique
Pseudanabaenaceae Pseudanabaena Colonne d’eau, substrat Cyanobactérie filamenteuse, joue un rôle dans la fixation de l’azote et la production primaire Bénéfique
Pseudomonadaceae Pseudomonas Eau, substrat, biofilm, sédiments Dégradation de la matière organique complexe, participation au cycle du soufre. BSP. Bénéfique
Pseudoalteromonadaceae Pseudoalteromonas sédiments, eau, substrat, mucus corallien. Dégradation de matière organique, Probiotique, symbiote de coraux, protection contre pathogènes, production d’antimicrobiens Bénéfique
Rhodobacteraceae Roseobacter
Rhodobacter
Mucus corallien, biofilm, sédiments Symbiote des coraux, protection contre pathogènes et production de composés antimicrobiens. Dégradation sédiments. PSB. Bénéfique
Rhodobacteraceae Rhodopseudomonas Eau, substrat, sédiments Bactérie photosynthétique, dégradation MO, toxines. BPNS. BSP Bénéfique
Rickettsiaceae Aquarickettsia Mucus corallien Symbiote ou pathogène potentiel des coraux, peut être impliqué dans la perte de tissu corallien Opportuniste ou Pathogène
Rhizobiaceae Paracoccus Sédiments BSP Bénéfique
Saprospiraceae Saprospira, Lewinella, Haliscomenobacter. Eau, sédiments, biofilms, substrats. Dégradation de la matière organique complexe, décomposition des algues mortes, création facile de biofilms Bénéfique
Synechococcaceae Synechococcus Colonne d’eau, substra, sédiments Cyanobactérie, production primaire, rôle clé dans la photosynthèse marine. BAP. Bénéfique
Synechococcaceae Prochlorococcus Colonne d’eau Cyanobactérie photosynthétique, production primaire Bénéfique
Thiobacillaceae Thiobacillus Sédiments, zones anoxiques Oxydation des composés soufrés, cycle du soufre Bénéfique
Thiotrichaceae Thiothrix Sédiments BSP, BAP. Bénéfique
Vibrionaceae Vibrio coralliilyticus, V. shiloi, V. harveyi,V. vulnificus, V. Owensii. Mucus des coraux Pathogène des coraux, cause le blanchiment et la nécrose des tissus coralliens Pathogène
Vibrionaceae Photobacterium Eau, sédiments Bioluminescence, symbiose avec certains poissons, dégradation des matières organiques Bénéfique
Xenococcaceae Xenococcus Colonne d’eau, substrat, biofilms Cyanobactérie, peut former des symbioses avec des éponges et autres invertébrés Bénéfique
BSP, BAP : bactérie solubilisatrice ou accumulatrice de phosphates. BPS, BPNS : bactérie pourpre sulfureuse et non-sulfureuse.

5. Effets des bactéries indésirables

Un déséquilibre du spectre bactérien risque de libérer de l’espace pour le développement de bactéries indésirables, parfois pathogènes, contenue jusque-là et sans effet notable. L’action des indésirables dans l’aquarium peut se traduire de plusieurs façons :

5.1. Déséquilibre de l’aquarium

  • Perturbation du cycle de l’azote : les bactéries pathogènes interférent avec les bactéries bénéfiques du cycle de l’azote entraînant des pics d’ammoniac et de nitrites, toxiques pour les poissons et autres habitants.
  • Déséquilibre microbien : leur prolifération conduire au déséquilibre dans la communauté microbienne de l’aquarium perturbant les interactions entre les différentes espèces de micro-organismes, une réduction de la biodiversité microbienne et la résilience de l’écosystème.
  • Production de toxines : Certaines bactéries produisent des toxines affectant la santé des poissons et des coraux.

5.2. Impact sur les occupants

  • Stress, maladies des poissons : Les bactéries pathogènes sont sources de stress chez les poissons. Leur système immunitaire affaibli, ils sont plus sujets aux infections : maladie des points blancs (Cryptocaryon), ou de velours (Oodinium), pourriture des nageoires, infections cutanées… jusqu’à la mort des poissons.
  • Maladies des coraux : les infections bactériennes se traduisent par des nécroses tissulaires lentes (STN Small Tissues Necrosis) et ouvrent la porte à certains parasites opportunistes responsables de dégradations rapides (RTN : Rapid Tissues Necrosis, gelées brunes…).
  • Compétition pour les ressources : les pathogènes entrent en compétition avec les communautés de bonnes bactéries pour les nutriments et l’espace, entravant leur croissance et leur santé.
  • Impact sur les invertébrés : crevettes, bivalves… peuvent être affectés par des infections entraînant des maladies et une mortalité.

6. Surveiller la qualité biologique de l’eau

Les moyens à notre disposition ne sont pas nombreux. L’identification nécessite du matériel et une expertise hors de portée de l’aquariophile moyen. Mais la haute technologie lui devient progressivement accessible. On peut toutefois rechercher quelques indices biologiques visuels..

6.1 Observation visuelle, bioindicateurs

La connaissance de notre aquarium et le comportement de nos protégés révèlent parfois quelques indications biologiques susceptibles de nous alerter :

  • Comportements anormaux des poissons : une nage erratique, des frottements intempestifs, une décoloration, un faible appétit, l’isolement, une moindre dynamique et bien sûr des lésions cutanées, des ulcères… sont parfois des signes d’infection.
  • Santé des coraux : des coraux avec polypes rétractés, des desquamations, de la gelée brune, des blanchiments… peuvent être le signe que des infections sont là et ont parfois déjà ouvert la porte à des parasites opportunistes.
  • Cyanobactéries, dinoflagellés : ces organismes se développent lors de la dérive de paramètres chimiques, et bien souvent à la faveur de l’espace laissé vacant par les bactéries bénéfiques concurrentes.
  • Film gras superficiel : il peut être révélateur d’une surcharge organique non prise en charge par les bactéries.
  • Accumulation de mulm : bien souvent d’origine organique, l’activité bactérienne et les autres permet plus leur dégradation régulière.
  • Prolifération d’algues : consommatrices de phosphates et nitrates, les algues ne sont pas assez concurrencées par les bactéries.
  • Effluent d’écumeur : l’essentiel des protéines écumées est issu de la dégradation des bactéries. L’odeur des matières en décomposition est alors très forte, similaire à celle dégagée par une fosse septique. L’absence d’odeur, si elle n’est pas due à l’inefficacité de l’appareil, révèle très probablement une faible activité bactérienne, potentiellement insuffisante.
  • Eau cristalline : c’est un signe d’une bonne activité bactérienne.

6.2. Microscopie optique

Culture bactérienne

L’observation peut nécessiter de réaliser une culture préalable. Pour ce on utilise un milieu de culture (géloses nutritives ou spécifiques), déposé dans une boite de Pétri. Le prélèvement est étalé sur le milieu de culture. On laisse incuber la culture dans la boite, dans un incubateur réglé à la température optimale pour les bactéries. Après quelques jours, des colonies bactériennes apparaissent, visibles à l’œil nu. On peut alors prélever ces colonies pour les observer au microscope. Malheureusement, la culture n’est pas le reflet de la population puisqu’une petite partie des bactéries présentes peut être cultivée.

Observation au microscope optique

Observer des bactéries de l’ordre de 1 µm demande un matériel spécifique et une certaine préparation.

  • Matériel : Il faut disposer d’un microscope doté d’une optique d’excellente qualité, de grossissement au moins 1000x, muni d’un objectif à immersion dans l’huile pour une meilleure résolution, avec lames et lamelles de verre.
  • Préparation :
    prélever (pipette…) un échantillon de l’environnement (eau, sol, biofilm, mucus, etc.), déposer une goutte sur la lame de verre et la couvrir d’une lamelle.
  • Observation : les différents réglages (mise au point, éclairage, contraste) nécessitent un certain apprentissage. Les bactéries étant souvent transparentes, il est conseillé d’utiliser une coloration comme le Gram pour mieux les distinguer : Gram positif, les bactéries sont colorées en violet et Gram négatif, les bactéries sont colorées en rose.

Le Gram permet une classification des bactéries selon l’épaisseur de leur paroi cellulaire pour en évaluer leur degré de résistance (antibiotiques, agents chimiques), leur capacité à survivre dans des environnements hostiles, et leur potentiel effet infectieux. La densité et la diversité d’une population peut être évaluée par comptage ou avec des techniques plus sophistiquées. Dans l’impossibilité de les identifie, ces informations ne sont cependant pas d’un grand intérêt en aquariophilie marine.

6.3. Microscopie électronique

Plutôt que la lumière, cette technologie utilise des électrons d’où une plus grande résolution. Elle nécessite un microscope électronique à balayage (SEM) ou à transmission (TEM) qui permet d’observer le détail des structures internes et superficielles jusqu’à l’échelle nanométrique. L’échantillon est préparé selon des techniques spécifiques comme la fixation et la déshydratation avant l’observation.

Si le microscope électronique est un moyen d’analyser la morphologie des bactéries, leurs structures, leurs interactions avec l’environnement, ou l’adaptation de pathogènes dans le milieu, il ne permet pas de compter facilement les cellules ni d’identifier les espèces. C’est un instrument couteux exploité dans la recherche, mais inutile pour l’aquariophilie récifale.

6.4. Méthodes génétiques

Fig. 12 : Séquenceur Illumina.

Bien que les bactéries ne soient pas observées directement, les méthodes génétiques comme la PCR (réaction en chaîne par polymérase), PCR en temps réel, séquençage de l’ADN), sont parmi les plus précises et efficaces pour identifier et analyser les bactéries. Elles se basent sur l’analyse de l’ADN ou de l’ARN des bactéries, permettant une identification précise même pour des espèces non cultivables en laboratoire.

Avant l’année 2023, ce paragraphe aurait pu être uniquement documentaire pour nous simples amateurs aquariophiles. Ce n’est plus le cas. Une technologie de pointe : le séquençage de nouvelle génération, est aujourd’hui accessible aux aquariophiles marins.

Le séquençage de nouvelle génération (NGS, Next-Generation Sequencing) est une technologie de séquençage qui permet de lire rapidement des millions de fragments d’ADN ou d’ARN, contrairement aux autres techniques beaucoup plus lentes. Il nécessite des plateformes spécialisées : séquenceur NGS (figure 12), préparation et réactifs spécifiques, stockage et analyse informatique. Le NGS permet notamment le séquençage de génomes entiers (génomes humains, végétaux, animaux, etc.), lanalyse de l’ADN ou de l’ARN pour profiler l’expression des gènes, et la métagénomique.
A l’instar de l’analyse ICP qui détermine la cartographie des composants chimiques de l’eau, le NGS établit celle des microorganismes. Une nouvelle porte pour une meilleure compréhension des systèmes de maintenance aquariophile.

Figure 13 : Elément du rapport Aquabiomics de l’analyse du micobiote d’un aquarium.

La métagénomique consiste à analyser de manière non ciblée des échantillons contenant l’ADN de communautés microbiennes complexes (bactéries, virus, champignons et autres micro-organismes). Elle permet d’obtenir des informations taxonomiques (identifier et caractériser la diversité microbienne) et d’analyser les fonctions génétiques présentes, afin de comprendre les interactions entre les micro-organismes dans leur environnement.

Ainsi, dans le cadre de l’aquariophilie récifale, le laboratoire Aquabiomics exploite depuis peu les équipements de séquençage de nouvelle génération (NGS) et l’approche métagénomique. Pour une centaine d’euros et un délai de plusieurs semaines, le laboratoire identifie les bactéries présentes dans l’eau de l’aquarium et leur concentration relative (figure 13) , il détermine sa normalité et propose des stratégies à engager. De plus, il est en mesure de séquencer l’ADN environnemental de l’aquarium pour analyser la communauté eucaryote (non bactérienne), y compris les parasites, notamment ceux impliqués dans les maladies des poissons et des coraux (RTN, STN).

7. Maintenir la population bactérienne

Indépendamment des caractéristiques de maintenance optimales (environnementales, chimiques, répartition spatiale, disponibilité des nutriments…), la qualité de l’activité bactérienne dépend de princiopes essentiel :

  • Eviter le déséquilibre bactérien
  • Diversité de la population bactérienne : les souches doivent être variées et complémentaires pour répondre à leurs différentes fonctions (dégradation de matières organiques, prophylaxie, cycles de N,P,C…).
  • Densité de la population : pour que l’accomplissement de ces misions soit à la hauteur des nécessités (niveau de pollutions, de la prophylaxie…).

7.1. Eviter le déséquilibre bactérien

Les bactéries indésirables peuvent avoir des effets dévastateurs sur l’équilibre de l’écosystème de l’aquarium et sur la santé de ses habitants. Bien évidemment, la meilleure façon d’éviter les dérives est d’anticiper nos actions et de suivre quelques règles élémentaires :

  • Maintenir la qualité chimique de l’eau : dans des conditions d’eau optimales avec des paramètres stables, à tous les niveaux (ammoniac, nitrites, nitrates, O2) et en stabilisant les facteurs environnementaux (température, oxygène, pH, salinité…) aux rôles cruciaux dans la croissance et l’activité des bactéries. Tous les principes de maintenance sont bons, parmi lesquels :
    • Filtrations et traitements : Les systèmes mécaniques (micron filtres, papier…), physiques (écumeur, UV, ozone…), biologiques (réacteurs à bactéries, refuges algaux..) peuvent contribuer à maintenir une population bactérienne stable dans l’eau et sur les surfaces.
    • Qualité chimique : que ce soit par des changements d’eau ou une supplémentation régulière des composants.
    • Brassage : il contribue à la bonne dissolution des gaz (oxygène, gaz carbonique) et la distribution des nutriments en tous points, jusqu’aux bactéries
    • Alimentation raisonnée : un excédent non consommé entraîne une surcharge organique, des déchets, favorisant la prolifération bactérienne incontrôlée.
  • Assurer l’hygiène biologique
    • Mains ou gants propres : les laver, les rincer voire les stériliser avant leurs manipulations dans l’eau.
    • Introduction de poissons et coraux sains : éviter l’apport de maladies et parasites (observations, quarantaine, traitements antiparasites, acclimatation, introductions maitrisées).

7.2. Maintenir l’activité bactérienne : des bactéries

En maintenance de routine

Un aquarium sain, équilibré, dont tous les habitants vivent et pospèrent de manière satisfaisante contient assurément toutes les bactéries nécessaires à son équilibre. Toutes les espèces indispensables son présentes, il est inutile d’en rajouter inconsidérément. Pour autant, bien que de nature plutôt résistantes et adaptables, certaines espèces peuvent régresser plus rapidement que d’autres en fonction de facteurs environnementaux (nutriments, compétion interspécifiques, prédation de protozaires, disponibilité en oxygène ou en zone anaérobies…).

Aquabiomics a mesuré une diversité bactérienne rapidement importante. Deux semaines après le démarrage avec des pierres vivantes, le niveau de diversité atteint 400 espèces bactériennes, comme dans un bac mature. Cette diversité devient cependant plus disparate après 1 à 2 ans, on mesure alors du meilleur au moins bien, pour se stabiliser autour de 150-200 espèces dans des bacs vieillissants. D’où l’intérêt de soutenir préventivement cette diversité. Une distribution de bactéries 2 à 3 fois par an suffit et plus souvent selon des évènements particuliers.

Après des évènements

Un certain nombre de situations de nature à déséquilibrer le spectre bactérien peuvent nécéssiter, au moins à titre préventif, de réintroduire ponctuellement des souches bactériennes selon les préconisations du fabricant.

  • Mise en route de l’aquarium (cyclage) : Lors de la mise en place initiale de l’aquarium récifal, pour établir le cycle de l’azote.
  • Changements majeurs dans la filtration : après remplacement ou nettoyage important des systèmes de filtration biologique (pierres vivantes, filtres).
  • Ajout de pierres vivantes : elles peuvent introduire des bactéries bénéfiques mais aussi relarguer des matières organiques.
  • Traitement médicamenteux : Certains traitements, en particulier les antibiotiques, peuvent tuer une partie des bactéries bénéfiques.
  • Traitements oxydants : les UV, l’ozone… détruisent une partie de la population bactérienne et plutôt certaines souches selon la localisation des traitements.
  • Introduction de poissons : l’augmentation de charge biologique peut nécessiter un soutien bactérien.
  • Soupçons de pathogènes : l’observation visuelle énumérée ci-dessus permet d’envisager un rééquilibrage des espèces.
  • Mortalité importante de la population : la décomposition rapide des matières organiques des poissons, coraux ou des autres invertébré décédés, peut provoquer une montée subite de l’ammoniaque et des nitrites.
  • Nettoyage intensif ou changement d’eau massif : une partie de la population bactérienne peut être perturbée.
  • Perturbation du sable vivant : ce qui libère des matières organiques et déstabilise les colonies bactériennes établies.
  • Biocontrôle des pathogènes et parasites : l’invasion de microorganismes (dinoflagellés, cyanobactérie…) laisse penser à une déficience de certaines souches indispensables. En effet :
    • Les bactéries bénéfiques entrent en compétition directe pour les nutriments et l’espace avec les bactéries pathogènes et d’autres microrganismes indésirables. Elles agissent sur la dégradation des matières organiques dissoutes disponibles occupant leurs niches écologiques.
    • Certaines souches sont aussi en mesure de sécréter des substances antimicrobiennes naturelles (bactériocines, enzymes) inhibant la croissance de bactéries pathogènes comme Vibrio spp. ainsi que des parasites (dinoflagellés…).

Comment introduire des bactéries dans l’aquarium

L’introduction de bactéries en petit voume très concentré doit leur donner toutes les chances de se développer, sans perte.

  1. Retirer toutes formes de filtration (mécanique, écumeur)
  2. Stopper ou désactiver les traitements (UV, O3…).
  3. Introduire les bactéries. Agiter les contenants. Le cas échéant, rincer l’ampoule dans l’eau de l’aquarium.
  4. Stopper la circulation d’eau, si posible.
  5. Laisser se déposer et se fixer les souches sur les substrats durant 1 heure.
  6. Remettre en route.

7.3. Maintenir la densité bactérienne : du carbone

Les cellules des bactéries utilisent les nutriments pour se développer, parmi lesquels essentiellement azote (N), phosphore (P), et carbone (C) dans des ratios spécifiques. Il suffit que l’un d’entre eux soit carencé (facteur limitant) pour que la population décline au point de ne plus répondre à ses missions. Un spectre bactérien complet et équilibré n’y fait rien.

D’une manière générale, dans un bac non oligotrophe, l’eau contient suffisamment d’azote et de phosphore pour répondre aux besoins. Le carbone fournit l’énergie nécessaire aux bactéries hétérotrophes pour leur croissance et leur activité métabolique. C’est alors la disponibilité de ce dernier qui dicte la densité bactérienne.

En aquarium, le carbone est disponible sous les deux formes :

  • Carbone organique : les molécules organiques (restes de nourriture, excréments, microalgues et phytoplancton en décomposition, et composés organiques dissous), toutes formées autour d’une structure de carbone, sont utilisées par les bactéries hétérotrophes comme source d’énergie pour leur métabolisme.
  • Carbone inorganique CO2 : Le CO2 dissout est issu de la respiration cellulaire des organismes, de l’absorption du CO2 issu des échanges avec l’air atmosphérique, de la minéralisation (décomposition) des matières organiques par les bactéries elles-mêmes, éventuellement d’un réacteur à calcaire. Les bactéries autotrophes fixent le CO2 dissout.

Le carbone s’avère parfois insuffisant et devient le facteur limitant. Il convient de le maintenir à niveau nécessaire, éventuellement par ajouts, comme nous l’aborderons. Cependant tout ajout de carbone doit être mesuré et maitrisé. En effet l’ajout de carbone présente des risques non négligeables : le carbone doit être introduit de manière progressive et surveillée d’une part avec les tests de nutriments NO3 et PO4 de manière à tendre vers un système stable, et d’autre part avec l’observation attentive de la santé des coraux. Tout surdosage peut provoquer une prolifération bactérienne excessive à l’origine de blooms bactériens dangereux suivis d’une anoxie générale du milieu, mortelle.

7.3.1. En fonctionnement équilibré : pas d’apport de carbone

Un aquarium sain et prospère contient la quantité de bactéries nécessaires. Dans cette situation les sources de carbone répondent aux besoins il est alors inutile d’augmenter la population bactérienne par de quelconques ajouts.

7.3.2. Population bactérienne insuffisante : supports et nutriments carbone

Les effets énumérés plus haut d’une insuffisance de l’activité bactérienne, lorsqu’ils deviennent chroniques, imposent de revoir la stratégie de la maintenance selon plusieurs axes :

  • Augmenter les supports bactériens.
  • Piloter la production dans un réacteur biologique.
  • Entretenir la production par ajout de carbone.
Supports bactériens

Lorsque l’azote et le phosphore sont disponibles aux taux normalement admis en récifal (NO3 de 5 à 10 mg/l et PO4 de 0,04 à 0,10 mg/l), l’ajout de supports poreux augmente la surface colonisable par les bactéries et donc, la densité de la population active, principalement pour réduire les nitrates et phosphates. Les matériaux sont variés, tels que :

  • Substrats : sable et gravier : Les colonies se développent selon la granulométrie et l’épaisseur de la couche de sables.
  • Roches : naturelles ou synthétiques, leur microporosité doit être suffisante pour assurer les conditions aérobie et anaérobie. La porosité détermine également la surface colonisable.
  • Médias de filtration : les bactéries colonisent les médias (sable, mousses, céramique, granulats de charbon, zéolithe…) à grande surface spécifique, dans des filtres statiques ou des réacteurs biologiques.
    Les bioballes, boules généralement creuses avec une surface perforée ou nervurées s’avèrent d’utilisation pratique et facile. Cependant leur surface spécifique ne rivalise pas avec les médias poreux. Elles peuvent être chargées en bactéries qui se libèrent progressivement à l’usage. Utilisées en usage passif (dans un filet), dans un réacteur biologique et le plus souvent dans des filtres à ruissellement destinés à la nitrification.
Ajout de nutriments carbone

En présence de supports suffisants, si les bioindicateurs révèlent une activité bactérienne douteuse, il devient nécessaire d’augmenter la production par ajouts de sources de carbone que nous détaillerons plus loin. Ces ajouts peuvent se réaliser dans l’aquarium ou par injection dans l’aquarium en amont de la pompe de remontée, ou à l’entrée d’un réacteur biologique.

Réacteurs biologiques

Chargés des supports bactériens, ils permettent de mieux maitriser la production bactérienne à l’extérieur de l’aquarium, selon les besoins. La pompe de circulation interne et le réacteur sont dimensionnés afin d’obtenir un temps de contact eau/substrat supérieur à 20 secondes.

Différents types de réacteurs biologiques.
Réacteur à bactéries Aquaforest, adapté pour un substrat en granulés de charbon actif. L’injection de nutriment carboné se fait dans le tube d’entrée.
Réacteur à biopellets Grotech.
Réacteur à zéolithe Ultrareef. Avec manche pour de secouer le substrat.
Dénitrateur autotrophe au soufre Deltec
  • Réacteurs à bactérie (RAB), réacteur à zéolithe (RAZ)…) : Le substrat à grains friables (charbon) est soulevé légèrement en lit fluidisé, celui des granulats durs (zéolithe) est périodiquement secoué, de telle sorte que le biofilm se décolle régulièrement.
    La production bactérienne est soutenue par ajout régulier de sources de carbone telles que dans la méthode VSV (vodka, sucre, vinaigre), par microdosage.
  • Réacteur à biopellets : les biopellets sont des granulés, polymères dégradables, contennant des sources de carbone. Les bactéries se développent, dégradent progressivement les pellets à leur contact et absorbent carbone inclus. La méthode est facile à mettre en oeuvre. Cependant, elle ne permet pas un ajustement précis des nutriments selon le besoin.
  • Dénitrateurs autotrophe au soufre (DAS) : repose sur la dénitrification réalisée par des bactéries anaérobies (Thiobacillus), utilisant du soufre élémentaire comme source d’énergie et les nitrates pour produire de l’azote gazeux, libéré dans l’atmosphère, et des sous-produits moins nocifs comme les sulfates (SO42-). Le débit doit être maitrisé pour être efficace. Une seconde chambre contenant du calcaire (CaCO3) compense l’acidification produite par les sulfates en libérant des ions calcium (Ca²⁺) et des bicarbonates (HCO₃⁻), stabilisant ainsi le pH à la sortie du réacteur. Ce système est le plus souvent utilisé en présence d’aquariums pollués par une densité importante de poissons.

Réacteur à bactéries

Le RAB, garni d’un support bactérien (charbon, biopellets…), peut avoir deux objectifs distincts :
– entretenir une colonie bactérienne en mesure de consommer phosphore et azote pour maintenir des taux de PO4 et NO3 satisfaisants dans l’aquarium ;
– produire un bactérioplancton en quantité, destiné à l’alimentation des invertébrés bactério-planctonivores.

Dans le cas d’utilisation de charbon, la chambre de réaction est garnie d’un charbon actif, garanti sans PO4, peu abrasif et de faible densité, suffisamment pour être mis en très légère suspension. Le volume de charbon d’environ 1 litre pour 1000 litres d’eau, occupe à peu près 1/3 de la hauteur de la chambre de réaction. Il est traversé de bas en haut par l’eau de l’aquarium. Le débit de l’eau est ajusté, au moyen d’une vanne, de telle sorte que le temps de contact avec le charbon soit d’au minimum 20 secondes. La sortie du RAB est orientée vers l’entrée de l’écumeur dans le premier objectif ou vers les spécimens à nourrir dans le second.

Le RAB est éventuellement ensemencé en bactéries régulièrement (au moins 3 fois par jour) alimentées en carbone. L’évolution du dosage de carbone doit être progressive, dans les 5 jours suivant le démarrage du RAB et ceux précédant son arrêt. Le dosage est ajusté selon l’évolution des paramètres NO3 et PO4 du bac. Les sources de C peuvent être variées (alcool : éthanol, méthanol ; sucre : glucose, saccharose ; acide carboxylique : acide acétique ; acides aminés…).

Une composition empirique type "Méthode VSV" (200 ml de Vodka à 40°, 20 g de sucre blanc et 50 ml de vinaigre à 7°) peut être utilisée comme base de départ. Débuter avec un dosage léger de 0,1 millilitres pour 100 litres par jour. Énergétiquement, 5 g de sucre valent 100 ml de vinaigre à 7° et 7.5 ml de vodka 40°. Le dosage de C ne doit jamais dépasser 1 gramme pour 1000 litres et par jour, c’est à dire environ 0.5 millilitres de vodka ou VSV pour 100 litres par jour. Le taux final, de même que le ratio entre les différentes sources de carbone, peuvent être ajustés selon les performances mesurées sur les NO3 ou PO4 et les effets visuels dans le bac (cyanobactéries, mulm bactériens…). Pour atteindre un faible taux de PO4, l’apport énergétique par le sucre est parfois renforcé dans certaines formules VSV, jusqu’à 50 g de sucre, en surveillant le développement des films et amas bactériens sur les vitres et supports.

8. Sources de bactéries

Peu de choix s’offrent à l’aquariophile et bien souvent nous ne savons pas exactement les bactéries que nous introduisons. Aussi, il peut être intéressant d’utiliser des sources différentes, de toutes sortes. Plusieurs options se présentent :

8.1. Bactéries commerciales

Bactéries vivantes

Elles sont introduites sous forme de solutions liquides contenant des souches actives. Elles sont immédiatement prêtes à agir dès leur introduction dans l’aquarium et colonisent rapidement le système. Cependant il y a un risque plus élevé de les contaminer accidentellement avec des pathogènes ou des micro-organismes indésirables, depuis leur production, conditionnement, stockage, jusqu’à l’utilisation. Elles doivent être conservées au frais et utilisées rapidement après leur achat.

Bactéries en dormance

La dormance est un état naturel durant lequel les bactéries suspendent leurs activités métaboliques, lorsque les conditions ne sont pas adéquates. Elles restent vivantes et viables plusieurs années, supportant de fortes variations des conditions environnementales (température, lumière…). La mise en dormance des souches aquariophiles se fait est en général par lyophilisation (séchage par congélation), ou introduction dans des liquides isolants, protecteurs et conservateurs.

  • Forme lyophilisée, sèche : . Les bactéries sont congelées puis sublimées à l’état gazeux pour perdent 98% de leur humidité puis totalement séchées. La déshydratation les mets en état de dormance permettant de les préserver en une forme stable et sèche
    Elles sont proposées sous forme de poudre ou de granulés facile à doser selon les besoins. Elles peuvent être stockées de longues périodes plusieurs années, à température ambiante, sans perte d’efficacité, ce qui les rend plus pratiques à conserver et finalement d’un coût plus abordable. Le processus de déshydratation élimine les organismes indésirables et sont moins facilement contaminables.
    Après introduction dans l’aquarium elles mettent un certain temps, de l’ordre quelques heures, pour se réhydrater et sortir de leur dormance pour retrouver leur activité métabolique et commencer à se reproduire puis coloniser.
  • Forme liquide en ampoule de verre : les bactéries sont mises en dormance dans un milieu aqueux avec des substances protectrices (sucres, agents cryoprotecteurs) préservant l’intégrité des cellules bactériennes. Durant le processus de conditionnement les bactéries sont conservées sous argon dans l’impossibilité de contamination ni contact avec un oxydant, jusqu’au scellement de l’ampoule de verre par fusion. Ce qui garantit la parfaite intégrité du produit durant quelques années de conservations. Les ampoules sont pré-dosées. Déjà hydratées les bactéries sont rapidement active en une heure.
  • Formes gel : les cellules bactériennes sont stabilisées par ajout de stabilisant pour renforcer leur résistance aux traitements ultérieurs. Elles sont ensuite encapsulées ou immobilisées dans un fluide gélatineux protecteur tel que l’alginate issu d’algues brunes. Le gel préserve les bactéries de l’environnement extérieur et les maintenant en dormance jusqu’à leur utilisation. Le fluide gélatineux est plus ou moins solidifié sous forme semi liquide, gel semi solide ou microcapsules, par un traitement spécifique (ex. ions calcium). Puis il est conditionné en tubes, sachets ou pots, normalement sous atmosphère contrôlée. Les gels sont d’utilisation facile et assurent une diffusion lente, et régulière dans l’aquarium.

Produits commerciaux

Le choix est vaste, des plus dilués aux plus concentrés, contenant le plus souvent des bactéries en dormance, sous plusieurs formes mais au contenu souvent mystérieux. Les fabricants proposent des produits polyvalents ou au contraire spécialisés pour une application donnée (démarrage rapide d’un aquarium, maintenance générale, dégradation des matières organiques, action sur le cycle de l’azote, clarification d’eau, traitement des sables ou probiotiques. Il s’agit de notions vagues qui laissent supposer que le produit contient des souches sélectionnées pour le travail en question.

Mon avis personnel est pourquoi limiter le spectre bactérien quand un produit composé de nombreuses souches permet une action globale et des actions diversifiées, d’autant plus que les souches sont souvent polyvalentes. Quoi qu’il en soit, les souches se développeront ou dépériront selon les conditions environnantes.

Quelques marques

Conformisme, comportement grégaire, effet de mode… certains produits sont plébiscités par des aquariophiles sans argument tangible. Il faut reconnaitre qu’une minorité de marques annonce la composition bactérienne. Contre l’obscurantisme et pour la compréhension de notre maintenance je privilégie ces dernières. Je serais heureux de citer celles que j’aurais omises. Parmi les communicants, citons :

  • Tropic Marin Nitribiotic qui contient la bactérie polyvalente Bacillus subtilis, Nitrobacter, la probiotique Lactobacillus, des anaérobies dites bactéries pourpres et des levures Saccharomyces.

Des analyses ADN ont récemment été initiées par des particuliers. Le forum Bottle bacteria result du site Humble.Fish regroupe des analyses du microbiome de quelques références commerciales. Certains résultats sont surprenants et parfois décevants pour des marques renommées. Retenons les produits comportant un spectre étendu de bactéries :

  • Prodibio Biodigest contient plus de 20 souches (confirmé par la société) ce qui rend le produit polyvalent avec tous les avantages conférés par le conditionnement stérile en ampoules de verre.
  • Tim’s One and Only (sensé ne contenir que des bactéries nitrifiantes).
  • Arka Microbe-Lift Special Blend contient plusieurs souches dont des bactéries pourpres non-sulfureusesRhodopseudomonas palustris, très polyvalentes et complémentaires, en de nombreux points bénéfiques, à forte odeur nauséabonde.
  • Hydrospace PNS ProBio, similaire au précédent.

La diversité de bactéries bénéfiques est toujours un atout. Il n’y a aucun risque à mélanger plusieurs sources commerciales, avec l’espoir que des souches complèteront celles présentes dans l’aquarium.

Quelques bactéries commerciales.

8.2. Prélèvement dans un bac sain

Prélever dans un aquarium mature et prospère permet d’obtenir avec assurance un spectre nécessaire et suffisant pour la maintenance. L’aquarium doit présenter certaines garanties : des animaux sains et en développement, de la biodiversité et une totale absence de maladies, parasites, nécroses.

Il suffit de prélever un peu d’eau, des algues, et mieux une roche que l’on plongera proche du décor dans son propre aquarium.

8.3. Prélèvement dans la mer

Prélever sur les côtes locales

Sauf à considérer des conditions extrêmes (zones polaires, abysses…) on retrouve de nombreuses espèces marines identiques dans tous les Océans. Bien que spécialisées pour certains environnements (Méditerranée, Mer Rouge, Pacifique…), leur plasticité métabolique permet d’ajuster leurs fonctions biologiques en fonction des nouvelles conditions environnementales, comme la température, la salinité ou la disponibilité des nutriments.

Ainsi, prélever sur nos côtes méditerranéennes ou atlantiques garantit de trouver un large panel de souches tropicales marines, viables en aquarium récifal.

Prélèvements et règlementation

La loi française n’interdit pas les prélèvements d’eau de mer en dessous d’une limite très large, bien au-delà du besoin d’un aquariophile. Sauf autorisations locales, la règlementation interdit de prélever des roches ou du sable vivant ou inerte, des roches, voire parfois des algues (le prélèvement des plantes posidonies est interdit) notamment dans les zones protégées. Il s’agit d’éviter le déséquilibre des écosystèmes dus à des prélèvements importants. Se renseigner auprès des mairies de la règlementation locale relative à un prélèvement occasionnel à des fins personnelles.

S’agissant de bactéries un prélèvement raisonnable d’eau, de sable vivant, de boue, de coquilles d’huitres, d’algues semble parfois permis.

Coloniser en mer un support inerte

Faute de prélever dans le milieu marin, on peut tout aussi bien lui demander de bien vouloir coloniser un support inerte qu’on lui aura confié.

  1. Choisir le substrat : inerte poreux (pierre morte, céramique, aragonite, médias de filtration…), ou une éponge naturelle ou synthétique
  2. Substrat propre : le nettoyer avant immersion.
  3. Proche des rochers : souvent riches en communautés microbiennes. L’eau de mer naturelle contient assez de nutriments pour favoriser la colonisation bactérienne.
  4. Emplacement à moyenne modérée : le brassage doit être suffisant pour assurer le flux de nutriments, mais non violent. Les cellules se fixeront plus facilement.
  5. Zones à moindre éclairement : pour ne pas favoriser les algues.
  6. Laisser coloniser : une durée variable selon l’objectif à atteindre, comme il est détaillé ci-après.
  7. Nettoyer légèrement le substrat : éventuellement s’il est colonisé de nuisibles, mais conserver leur population bactérienne naturelle, voire également la méiofaune, autant que possible.
  8. Récolter les bactéries : il n’est pas question ici de collecter spécifiquement telle souche mais plutôt l’ensemble de la colonie avec présente avec la biodiversité qui l’entoure. Introduire le substrat dans l’aquarium près des roches ou dans la cuve technique.

Durée de la colonisation

La stabulation varie selon l’objectif, de quelques jours si l’on souhaite juste réaliser un transfert de bactéries à 4 semaines pour une colonisation complète.

  • 24 heures : dès les premières heures après immersion des bactéries commencent à adhérer à la surface. La colonisation initiale se fait rapidement, surtout si l’eau est riche en matières organiques dissoutes ou en particules fines.
    • Pour seulement ensemencer l’aquarium de destination : après quelques jours le substrat pourrait déjà être transféré vers une cuve temporaire pour parfaire l’implantation, ou dans l’aquarium dans la mesure où les nutriments sont présents et suffisants.
    • Pour préparer des supports bactériens vivants, destinés au démarrage d’un nouvel aquarium, poursuivre l’implantation en mer.
  • 1 semaine : les premières communautés bactériennes sont bien établies. À ce stade, les bactéries aérobies dominent souvent, notamment celles qui participent à la dégradation de la matière organique et au cycle de l’azote.
  • 2 à 4 semaines : la colonisation bactérienne devient plus dense, et la diversité des espèces augmente. Les biofilms bactériens se forment, stabilisant les colonies bactériennes. Des bactéries anaérobies commencent à coloniser les zones plus profondes des substrats poreux, moins exposées à l’oxygène. Dans le cycle de l’azote, la nitrification devient plus active. Les bactéries convertissent l’ammoniaque en nitrite, puis en nitrate.
  • 4 à 8 semaines : La colonisation bactérienne atteint un équilibre stable. Les bactéries nitrifiantes et dénitrifiantes sont bien présentes dans les substrats poreux. La profondeur de colonisation anaérobie peut varier de moins de 1 millimètre à plus d’un centimètre selon la finesse de la porosité et l’épaisseur du biofilm captant l’oxygène présent. À ce stade, le substrat est souvent suffisamment colonisé pour servir de base au maintien du cycle de l’azote dans un aquarium récifal.
  • 2 à 3 mois : dans la mesure où la population est augmentée progressivement, avec ses polutions, en rapport avec le développement bactérien. L’activité atteint son plein potentiel pour une maintenance stable et durable.

9. Sources de carbone

Des sources de carbone sont naturellement présentes dans l’aquarium ou ajoutées intentionnellement pour augmenter la population bactérienne :

9.1. Sources de carbone issues de l’aquarium

  • Matières organiques dissoutes (DOM) : les déchets organiques produits par les poissons, les invertébrés et les coraux (excréments, déchets alimentaires, mucus), se décomposent en carbone organique dissous dans l’eau.
  • Photosynthèse des algues : les algues (Chaetomorpha, Caulerpa) produisent des composés organiques (glucides…) constitués de carbone.

9.2. Sources de carbone ajoutées

Il existe un grand nombre de composés carbonés, les bactéries étant plus ou moins réceptives à certaines sources particulières. Le glucose semblerait plus efficace dans le dévelopement de bactéries fixant les phosphates. Des simulations en laboratoire ont révélé une prolifération de bactéries pathogènes en présence d’une forte augmentation de carbone organique. Bien évidemment, il n’est pas ici question de surdoser le carbone plus que nécessaire, mais seulement de retrouver un équilibre biologique. Dans la pratique le glucose et l’acétate sont souvent utilisés car facilement assimilables par une très grande variété de bactéries qui rencontrent régulièrement ces molécules issues de la lyse d’autres cellules vivantes. Voici quelques possibilités :

Tabl. 2 Energie de sources carbonées
Source C Energie kcal/g
Acide acétique 3,5
Vinaigre 7° 0,25
Sucre blanc 4,0
Glucose 3,8
Ethanol 7,0
Vodka 40° 2,8
AA non dilués 4,0
  • Alcools : la vodka (40 % éthanol) est facilement disponible et préférable ou sucre blanc à des alcools parfois dénaturés.
  • Sucres : les monosacharides (glucose, fructose), les disacharides (saccharose ou sucre blanc) et polysacharides (agar, alginates, amidon…) sont des sources potentielles.
  • Acides aminés : tous les AA contiennent du carbone. Privilégier les acides aminés essentiels (histidine, leucine, isoleucyne, lysine, méthionine, thréonine, valine) que les coraux ne synthétisent pas, ainsi que ceux utiles dans le métabolisme (arginine, glutamine, glycine, cystéine, tyrosine).
  • Acides organiques : acétique (vinaigre), maléique, lactique sont parfois utilisés.
  • Hydrolysats de protéines : ces produits dérivés de la décomposition des protéines sont riches en peptides et acides aminés offrant une source de carbone facilement assimilable par les bactéries et les coraux.
  • Produits commerciaux pré-mélangés : comme Red Sea NoPox, prêts à l’emploi, contiennent un mélange de différentes sources de carbone telles que des alcools et des acides organiques.

La composition d’une recette de sources de carbone (ex. méthode VSV) peut être modulée pour obtenir une valeur énergétique cible. Il faut alors tenir compte de la quantité du composant et de sa valeur énergétique (tableau 2). Par exemple un carré de sucre de 6 g est l’équivalent de 96 ml de vinaigre à 7° et à 8,5 ml de vodka à 40°.

10. Bloom bactérien causes, risques

Un bloom bactérien est une prolifération rapide et massive de bactéries dans l’eau, créant une apparence trouble ou blanchâtre. Ce phénomène est fréquent lorsque l’équilibre biologique est perturbé. Voyons ses causes et les risques associés en aquariophilie récifale :

10.1. Causes d’un bloom bactérien

  • Excès de nutriments nitrates, phosphates : Les bactéries se multiplient rapidement en présence d’une surabondance de nitrates et phosphates qui peuvent provenir de suralimentation, de décomposition des déchets (aliments non consommés, excréments, etc.), des matières organiques en décomposition, comme des poissons morts non retirés.
  • Excès de nutriment carbone : suite à un ajout volontaire de sources de carbone pour stimuler la croissance des bactéries (sucre, éthanol, acide acétique…), un excès de CO2 (réacteur à calcaire mal réglé, réduction du pH) ou dans un espace mal ventilé, notamment quand le milieu est riche en nutriments.
  • Ajout excessif de bactéries : quand il est massif, par exemple à partir d’une culture de bactéries.
  • Manque d’oxygène ou déséquilibre chimique : Les niveaux d’oxygène bas ou un déséquilibre des paramètres de l’eau (pH, KH, température) peuvent provoquer instabilité et une mortalité laissant le champ à d’autres bactéries se développant rapidement.
  • Perturbation du cycle de l’azote : dans aquarium nouvellement installé ou après une intervention majeure (changement d’eau massif, nettoyage des filtres biologiques, etc.).

10.2. Risques et effets associés à un fort dévelopement bactérien

Une augmentation rapide et importante de l’activité bactérienne, même sans relever de bloom prononcé, peut conduire aux effets suivants :

  • Trouble de l’eau : l’eau trouble diminue la pénétration de la lumière dans l’aquarium et affecte la photosynthèse des organismes photosynthétiques (algues, zooxanthelles).
  • Anoxie : Les bactéries consomment de l’oxygène pour se développer. Un bloom bactérien se traduit par la chute du redox. Il peut rapidement épuiser l’oxygène dissous (anoxie) dans l’eau et entrainer une asphyxie et la mort des poissons et des invertébrés, surtout la nuit quand les algues et les coraux n’en produisent pas.
    Dans un tel scénario, on devrait immédiatement augmenter le brassage, améliorer l’oxygénation (écumage) voire injecter des agents oxydants (oxygène, ozone, eau oxygénée) mais de manière réfléchie et maitrisée.
  • Déséquilibre du cycle de l’azote et phosphore : ce déséquilibre peut se traduire par une baisse drastique des nitrates, voire une inversion des taux de nitrates et phosphates, entrainant l’apparition de cyanobactéries avec les effets collatéraux. Une baisse des bactéries nitrifiantes responsables de la décomposition de l’ammoniac et des nitrites, élève rapidement les taux à un niveau toxique mortel. Par ailleurs, une carence en phosphore ne permet plus les métabolismes des organismes vivants.
  • Mort subite de bactéries : Si les conditions changent soudainement (par exemple, une diminution rapide des nutriments), une partie des bactéries peut mourir massivement, relâchant des matières organiques dans l’eau et augmentant les niveaux de toxines (ammoniac, nitrites) et de CO2 pouvant entrainer la mort des organismes présents.

Toutes les dispositions précédemment citées pour éviter le déséquilibre bactérien sont de nature à éviter un bloom.

11. Cultiver des bactéries massivement

11.1 Quand produire des bactéries en masse

La prolifération naturelle des bactéries dans un aquarium, avec les nutriments disponibles, de manière progressive et équilibrée, au rhytme des reproductions cellulaires, est préférable à toute autre méthode. On peut pourtant vouloir cultiver des bactéries en grande quantité en certaines occasions :

  • Ensemencer des pierres inertes ou du sable lors du démarrage d’un aquarium ou d’un ajout de pierres sans perturber l’équilibre installé.
  • Produire du bactérioplancton : pour nourrir certains invertébrés filtreurs, parfois azooxanthellés.
  • Lutter contre des microrganismes : distibuer de façon maitrisée des bactéries sélectionnées comme bénéfiques afin de réoccuper l’espace conquis par des organismes indésirables (bactéries pathogènes, cyanobactéries, dinoflagellés…).

L’intérêt de produire des bactéries dans un récipient hors aquarium est que les dosages de carbone, quels qu’ils soient, n’auront pas d’impact sur l’aquarium. On n’introduit dans ce dernier que des bactéries et non pas du carbone. Attention ! Pratiquée de manière inconsidérée, l’introduction massive de bactéries dans l’aquarium présente tous les risques précédemment cités. La première fois, il convien L’intérêt de procéder par étapes en introduisant au début peu de production. Il est impértif d’observer les effets à court terme sur le bac et les occupants (coraux…), de mesurer les taux de nitrates et phosphate, et de les maintenir à niveaux corrects. Dans ces conditions, cette méthode a contribué à éradiquer une forte invasion de dinoflagellés Prorocentrum pour retrouver quelques jours plus tard une situation gérable évoquée dans Eliminer les dinoflagellés en aquarium récifal..

11.2 Comment produire des bactéries en masse

Un protocole pour favoriser une croissance bactérienne importante tout en gardant un écosystème stable peut se dérouler ainsi :

  1. Remplir d’eau de l’aquarium un récipient en matériau inerte.
  2. Le placer à température de l’aquarium, dans la cuve technique ou chauffage individuel.
  3. Oxygéner avec un bulleur.
  4. Introduire des supports bactériens éventuellement : par exemple un produit que l’on pourra essorer tel qu’une mousse à cellules ouvertes, une éponge, un treillis en plastique compatible (PP, PS…).
  5. Ajouter une ou plusieurs compositions concentrées de bactéries du commerce ou prélevées par ailleurs.
  6. Ajouter quotidiennement des nutriments carbone pour multiplier les bactéries hétérotrophes
    1. Alcool : Une dose régulière d’alcool (vodka), 5 ml pour 5 litres d’eau.
    2. Acide acétique : une dose régulière de vinaigre blanc, 5 ml pour 5 litres d’eau.
    3. Sucre : 6 g de sucre blanc pour 5 litres
    4. Acides aminés : environ 5 ml pour 5 litres d’eau. Il s’agit d’une base approximative sans connaissance du contenu.
    5. Produits commerciaux contenant des sources de carbone, voire des enzymes (Bioptim, NoPox, UltraBack,
  7. Prélever 1/3 de la culture : à partir de 3 jours la population est suffisamment développée pour utilisation.
  8. Utiliser la culture : selon l’usage la culture peut être utilisée en totalité (ensemencement de pierres inertes) ou partiellement en dosant ou essorant l’éponge.
  9. Entrenir la culture et, si besoin, poursuivre les étapes.
  10. Remplacer par 1/3 d’eau de l’aquarium pour entretenir la population.
  11. Ajouter les nutriments quotidiennement :
    1. Sources de carbone : comme ci-dessus
    2. Sources de nitrates et de phosphates. Par exemple : remplacer 1/3 de l’eau par celle de l’aquarium, ajouter de petites quantités de nourriture, d’engrais spécifiques pour bactéries ou bien des adjuvants tels que Nitrate+ et Phosphate+.
  12. Surveiller la production : présence de biofilm sur les parois et supports, trouble de l’eau, agrégats bactériens flottant… La production étant dissociée de l’aquarium, il n’y a pas de risque en cas de surproduction.
  13. Ajuster les dosages de nutriments dans la culture en conséquence.
  14. Surveiller les effets dans l’aquarium : observer le comportement des occupants, l’état des décores. Mesurer régulièrementlesles taux de NO3 et PO4 et ajuster la quantité de bactéries en conséquence.
Culture de bactéries en bac annexe.
La culture se développe en bac annexe, indépendant, oxygéné.
Prélèvement après 3 jours, la culture est opaque et des agrégats flottent.

 

Sujet complexe et vaste, j’espère que ces microorganismes auront moins de secrets pour vous.

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