En aquariophilie récifale, l’équilibre chimique de l’eau est fondamental pour la santé des organismes, notamment des coraux. Les macroéléments constituent la base de l’eau de mer, tandis que les oligoéléments, bien que présents en infimes quantités, sont essentiels aux processus biologiques (croissance, calcification, reproduction).
Les produits commerciaux, souvent multi composants, ne répondent pas toujours aux besoins spécifiques de l’aquariophile. Cet article propose de comprendre l’impact des composants, leur choix, pourquoi les utiliser, comprendre la chélation, les conditions d’un apport efficace et propose une méthode pratique pour réaliser ses solutions et contrôler les apports.
1. Macroéléments et oligoéléments
L’eau de mer est une solution complexe contenant une grande variété d’éléments dissous. Le tableau périodique (figure 1) les classe d’un point de vue chimique dans plusieurs groupes et familles, depuis les métaux alcalins, de transition, pauvres, les non métaux, métalloïdes et halogènes. On peut aussi les distinguer selon leur concentration, leurs rôles ou le niveau de consommation biologique… la liste qui suit n’est qu’informative :
- Les macro-éléments, présents en concentrations élevées (mg/l), responsables de la salinité S35, de l’équilibre ionique, de l’effet tampon (KH) ainsi que de la calcification des coraux et autres organismes. Il s’agit des chlorures (Cl), sodium (Na), sulfates (SO4), magnésium (Mg), calcium (Ca), potassium (K), carbonates (CO3, HCO3), brome (Br), bore (B), strontium (Sr), fluor (F).
- Les oligo-éléments, sont présents en très faibles concentrations (µg/l) mais essentiels au métabolisme des organismes et au bon fonctionnement de l’aquarium : chrome (Cr), cobalt (Co), cuivre (Cu), fer (Fe), manganèse (Mn), molybdène (Mo), nickel (Ni), vanadium (V), zinc (Zn), sélénium (Se), silicium (Si), iode (I), fluor (F), lithium (Li)…
Parmi ces derniers, certains métaux (Cu, Zn, Cr, V, Ag) sont à la fois des oligo-éléments bénéfiques à faible dose mais potentiellement toxiques selon la concentration. Ils méritent une grande attention lors du dosage. - Les nutriments : essentiels à la croissance des organismes en quantité moindre que les macro-éléments : azote (N), phosphore (P), carbone (C).
- Les métaux lourds, toxiques qui n’ont aucune fonction biologique et que l’on ne supplémente jamais : mercure (Hg), plomb (Pb), cadmium (Cd), thallium (Tl), arsenic (As), béryllium (Be)…
Le protocole de supplémentation se soucie guère de la concentration. Par simplification, des macro éléments tels que brome (Br), bore (B), strontium (Sr), fluor (F) à faible concentration dans l’eau de mer (1 à 65 mg/l) pourront être traités ici comme des oligoéléments.

2. Sources d'(oligo)éléments pour les organismes marins
Les oligo-éléments peuvent être assimilés selon deux voies principales : via la nourriture sous forme particulaire et par absorption directe depuis l’eau sous forme dissoute.
2.1. Capture de nourriture particulaire
C’est le mode d’apport nourricier à privilégier dans notre aquarium. Les organismes de l’aquarium : coraux et autres invertébrés filtreurs ou non, tirent leurs oligo-éléments essentiellement à partir de leur nourriture. En effet, ils assimilent mieux certains métaux quand ils sont incorporés dans des composés organiques (enzymes, protéines, microalgues, bactéries, etc.). Par exemple les poissons et coraux absorbent mieux le fer lorsqu’il est intégré dans des cellules vivantes (phytoplancton, zooplancton).
L’article Alimentation des poissons marins en aquarium traite largement de ce sujet et le Calculateur Nourriture des poissons marins d’aquarium permet d’évaluer les apports pour chaque ingrédient. On y verra que poissons, céphalopodes, crustacés, planctons et algues proposent de nombreux oligoéléments biodisponibles, de manière équilibrée, selon le cas : Ca, Cu, Fe, I, K, Mg, Mn, P, Se, Zn et bien d’autres encore. Les coraux peuvent bénéficier des mêmes avantages directement à partir de nourritures similaires finement broyées, ou indirectement comme maillon de la chaine alimentaire.
2.1. Absorption de composés dissous
Les organismes marins ont à leur disposition des nourritures équilibrées. Il n’en est pas de même avec les aliments aquariophiles aux compositions parfois mystérieuses. Les préparations plus équilibrées constituées de produits marins (fruits de mer, algues…) présentent de meilleures garanties. Cependant il existe le risque de proposer insuffisamment un constituant particulier pouvant conduire à une carence. Aussi on aura intérêt à proposer les oligoéléments assimilés par absorption.
En effet, de nombreux invertébrés absorbent des oligo-éléments sous forme dissoute dans l’eau. Par exemple les coraux durs et les mollusques à coquille y puisent Ca, Sr, Mg, Mn… pour la calcification de leur squelette ou coquille. L’absorption de certains éléments se déroule au travers des parois cellulaires externes mais plus généralement par absorption interne après ingestion de l’eau. C’est en partie le cas des coraux.
Si certains éléments sous forme ionique simple (Ca²⁺, Mg²⁺, Sr²⁺, Mn2+, Zn²⁺, Cu²⁺…) sont facilement absorbés, ce n’est pas le cas de ceux qui se présentent sous des formes peu biodisponibles pour des raisons diverses (Fe³⁺, Mn³⁺, MnO2…). Le fer étant le plus difficilement disponible et d’ailleurs souvent carencé en aquarium. Ces derniers, indispensables au métabolisme, peuvent toutefois être absorbés quand ils sont naturellement complexés avec des anions présents dans l’eau de mer : les ligands, tels que les acides aminés et les acides organiques.
Les éléments dissous sont également, et plus facilement, absorbés par les microorganismes tels que les bactéries, protozoaires, planctons… constituant la nourriture des coraux. Ces derniers bénéficient ainsi indirectement des oligoéléments disponibles dans l’eau.
En aquarium on aura donc intérêt à proposer les oligoéléments dissous en quantité suffisante et sous formes assimilables liées à des composants organiques.
3. Pourquoi utiliser des solutions d'(oligo)éléments
L’aquarium est le siège de nombreuses réactions chimiques ou biochimiques telles que les transformations de l’azote, les changements d’états du carbone inorganique, les précipitations, les réactions d’oxydoréduction, la photosynthèse des algues, la respiration des organismes, la dismutation de l’iode…. La qualité de l’eau est ainsi en constante évolution.
Ses constituants et leur concentration, nous l’avons abordé, jouent un rôle souvent important sur les processus métaboliques des organismes. Le récifaliste doit donc surveiller régulièrement la présence des oligoéléments en quantité nécessaire. L’article Traitements de l’eau récifale définit, pour les principaux éléments mesurés, le taux normal et l’impact d’une carence ou d’un excès sur les coraux. Le récifaliste accorde un intérêt particulier aux coraux que l’on sait sensibles aux dérives. Ce faisant c’est l’ensemble des habitants (invertébrés et poissons), et plus globalement l’équilibre de l’aquarium qui en bénéficient.
Les fluctuations de la qualité de l’eau se traduisent à l’équilibre par un bilan de consommation des différents constituant que révèlent les analyses chimiques ICP au moment du prélèvement. Le récifaliste est donc en mesure de corriger les carences observées au cas par cas avec complémentation ponctuelle. S’il exploite différentes analyses ICP sur une période il peut en déduire les consommations journalières en microgrammes d’élément par litre d’aquarium (µg/l/j) et les anticiper par des supplémentations régulières.
Ces ajouts se réalisent au moyen de solutions contenant les éléments (majeurs ou à l’état de traces) visés. Il dispose de produits commerciaux et, s’il le juge pertinent, de solutions qu’il peut lui-même préparer.
3.1. Produits commerciaux
Le commerce propose de nombreux produits. Ils ne sont malheureusement pas toujours adaptés à une supplémentation ciblée, soit que le produit est composé de différents oligoéléments non identifiés, ni quantifiés, soit que la gamme proposée est incomplète (ex. limitée à l’iode).
On le constate sur les réseaux sociaux, la supplémentation axée sur les seuls éléments en carence convainc de plus en plus d’aquariophiles lassés par les dérives inéluctablement engendrées par des produits multiéléments. Quelques enseignes proposent heureusement des oligoéléments individuels, tels que les produits Tridacna, les gammes ATI Trace Elements, Fauna Marin Elementals, et plus récemment d’autres enseignent ont emboité la démarche.
Plus récemment on peut saluer l’offre de la société Turtle System qui propose une gamme très complète de solutions concentrées et de composition connue, en kits économiquement attractifs. L’aquariophile peut enfin savoir ce qu’il introduit et combien. Cette société a mis en place un protocole No water change (NWC) réduisant à l’extrême les changements d’eau. Son soutien personnalisé démocratise une aquariophilie récifale réfléchie et maitrisée.
Selon les fiches techniques, on peut regretter que de nombreux oligoéléments ne soient pas chélatés. Ce traitement parait pourtant essentiel avec certains métaux, dans le contexte récifal, comme on le verra. Il pourrait expliquer une certaine instabilité et le fait qu’ils ne sont jamais détectables à l’ICP malgré des apports quotidiens parfois importants.



3.2. Solutions d’oligoéléments DIY
En France, l’offre proposée récemment par la société Turtle System présente tant d’avantages qu’on peut légitimement s’interroger sur l’intérêt de réaliser soi-même ses solutions. En effet, il faut trouver les fournisseurs au détail, choisir parmi les nombreuses molécules celles qui sont acceptables, avec le niveau de pureté adéquat et garanti, disponibles en petite quantité, à coût abordable… certains composés étant difficile à trouver. Il est nécessaire de conserver les produits sans altération, peser avec du matériel de précision, homogénéiser avec rigueur, procéder à des couplages chimiques, approvisionner des récipients adaptés, conditionner sans contamination… le tout en considérant le caractère dangereux, voire toxique, de cetains produits chimiques. De quoi investir dans du matériel et pourvoir malgré soi, et inutilement, à 20 ans de supplémentation. Ce qui suit montrera que réaliser ses propres solutions s’avère une démarche chronophage finalement plus coûteuse que certaines solutions prêtes à l’emploi.
La majorité des aquariophiles pourra donc arrêter ici sa lecture, sauf à titre documentaire. Cet article s’adresse à la petite minorité de ceux qui ne trouveraient pas satisfaction dans l’offre professionnelle, que les volumes à traiter ne soient pas adaptés, le budget très serré, que l’on soit un irréductible adepte du DIY ou simplement comme moi, qui ont besoin d’expérimenter pour comprendre.
4. Choix des éléments
Les éléments ne sont pas administrés sous leur forme pure, soit parce qu’ils sont insolubles et donc non biodisponibles (Fe, Mn, V), soit qu’ils sont hautement réactifs et pour certains, explosifs au contact de l’eau et de l’oxygène (Na, K), inflammables (Mg), toxiques à l’état pur (Cu, I2) ou qu’ils ne sont tout simplement pas assimilables (fer ferrique Fe³⁺).
Le processus d’absorption des organismes marins nécessite des formes dissoutes et parfois complexes (liés à d’autres ions ou molécules, inorganiques ou organiques) pour qu’ils soient biodisponibles et exploitables. Plusieurs critères influencent le choix des composés.
4.1. Critères de choix des composés
Il importe de sélectionner les composés les plus adaptés selon plusieurs critères :

- Biodisponibilité : Une forme chimique d’un oligoélément peut être mieux absorbée par les organismes marins que d’autres. Par exemple un fer chélaté est mieux absorbé par les coraux.
- Stabilité chimique : Une molécule stable assure que l’oligoélément reste disponible sur une longue période, sans se dégrader par des précipitations ou des réactions chimiques indésirables au pH de l’eau de mer.
- Compatibilité avec les autres composants de l’eau : Certaines molécules peuvent réagir avec des éléments de l’eau et conduire à des précipitations et une perte de l’oligoélément. Les sulfates de fer ou de manganèse sont relativement stables et n’interfèrent pas avec les autres ions majeurs de l’eau de mer (calcium, magnésium, sodium…).
- Toxicité pour les animaux : Certains éléments sont toxiques pour les coraux et d’autres organismes marins, même en faible quantité. Les formes chélatées de zinc ou de cuivre sont moins toxiques que leur formes ioniques (Zn2+, Cu2+).
- Dangerosité pour l’homme : certaines molécules présentent des risques importants pour l’homme. On pourra privilégier les moins agressives pour un même métal.
- Solubilité dans l’eau osmosée : Les oligoéléments préparés à des concentrations très faibles doivent pouvoir se diluer facilement. Par exemple, l’iode devient rapidement toxique à faible concentration. La solubilité de certains produits est parfois si faible que leur forme n’est pas envisageable. On préfère utiliser les sels des métaux (chlorures, sulfates..) et les formes hydratées pour leur meilleure solubilité en eau osmosée et marine.
- Solubilité dans l’eau de mer : Les molécules doivent également être suffisamment solubles au pH de l’eau de mer pour que l’oligoélément reste dissous et disponible pour les organismes marins. Les sulfates ou les complexes chélatés sont plus solubles dans l’eau que d’autres.
- Offre commerciale : Certaines molécules sont peu disponibles pour un achat en petite quantité par un particulier amateur.
- Coût : Les conditionnements et le niveau de pureté peuvent être si importants que le produit devient prohibitif. Les sulfates et chlorures sont généralement plus accessibles.
4.2. Niveaux de pureté
Faire soi-même ne signifie pas introduire n’importe quoi. De nombreuses normes déterminent les taux de pureté exigés pour les produits chimiques. Les normes nationales ne sont cependant pas toujours harmonisées, et les règlements ne précisent des limites acceptables que pour un secteur d’activités. Ainsi le niveau de pureté des produits chimiques dépend essentiellement du domaine d’utilisation et peut varier de manière importante de l’un à l’autre. Le tableau 1 propose une évaluation globale des niveaux de pureté selon le cas.
Domaine | Pureté typique | Cas d’utilisation |
---|---|---|
Industriel | 70-95 % | Usages non critiques |
Alimentaire | 95 – 98 % | Additifs, aliments |
Pharmaceutique | ≥ 99 % | Médicaments |
Analytique | ≥ 99 % | Laboratoires, analyses chimiques |
HPLC | > 99,9 % | Chromatographie |
Ultrapur | > 99,99 % | Spectroscopie, recherche avancée, étalonnages |
Dans le cadre de la supplémentation on visera les produits de pureté de 98 à 99 % destinés à un usage pharmaceutique ou alimentaire. Leurs normes strictes limitent la concentration de contaminants tels que l’arsenic et le plomb, à des niveaux extrêmement faibles (ex. ≤ 1-2 ppm). Leur impact sera alors indétectable par ICP compte tenu des faibles dosages introduits.
Contrairement à des éléments comme le nitrate ou le phosphate, les produits toxiques ne sont toutefois pas toujours facilement éliminés par les processus biologiques. Il peut se produire une bioaccumulation des métaux lourds dans les organismes (poissons et invertébrés). Cependant, celle-ci a peu de risque de devenir critique à long terme aux très faibles concentrations utilisées. Pour s’en assurer il convient de réaliser au minimum une analyse ICP annuelle permettant de détecter une éventuelle dérive.
5. Risques associés aux produits chimiques
5.1. Risques sanitaires
Certains composés sont irritants en contact cutané ou des yeux, toxiques voire cancérogènes en cas d’ingestion ou inhalation, ou toxiques pour la reproduction. Ils affectent alors la capacité à concevoir ou nuisent au développement du fœtus chez l’humain ou d’autres espèces. En présence de risques potentiels pour la santé, la règlementation limite parfois la vente à de faibles concentrations (acide borique) ou aux professionnels.
Le tableau 2 situe les niveaux de risques. Il convient de consulter et respecter les fiches de données de sécurité spécifiques à chaque composé.
Composé | Irritant | Toxique | Cancer | Repro |
---|---|---|---|---|
Acide borique | x | x | x | x |
Chlorure de baryum dihydraté | x | x | ||
Bromure de sodium | x | |||
Chlorure de calcium dihydraté | x | . | ||
Chlorure de cobalt (II) hexahydraté | x | x | x | |
Chlorure de chrome (III) hexahydraté | x | |||
Sulfate de cuivre pentahydraté | x | x | ||
Fluorure de sodium hydraté | x | x. | ||
Sulfate de fer (II) heptahydraté | x | |||
Iodure de potassium | x | |||
Chlorure de potassium | x | |||
Chlorure de lithium hydraté | x | x | ||
Chlorure de magnésium hexahydraté | x | . | ||
Sulfate de manganèse (II) monohydraté | x | x. | ||
Molybdate de sodium dihydraté | x | |||
Chlorure de sodium | x | |||
Nitrate de calcium ou de potassium | . | |||
Sulfate de nickel hexahydraté | x | x | x | |
Sélénite de sodium | x | x | ||
Chlorure de strontium hexahydraté | x | |||
Orthovanadate de sodium | x | x | ||
Sulfate de zinc heptahydraté | x | x |
5.2. Précautions d’utilisation
En présence de risques potentiels pour la santé humaine et animale les produits chimiques doivent toujours être manipulés avec soin, sans risque de contact avec les muqueuses, d’inhalation ou d’ingestion. Consulter les notices techniques et les fiches de données de sécurité et respecter les instructions spécifiques à chaque composé. Plus globalement :
- Stocker dans des conditions sûres, dans des contenants étiquetés et hors de portée des enfants et des adultes non autorisés.
- Stocker à une température modérée à l’abri de la lumière. Indépendamment de leur dégradation certains composés (nitrate de calcium ou sodium) deviennent explosifs à haute dose en présence de chaleur.
- Œuvrer dans un espace ventilé, hors courants d’airs.
- Éviter toute exposition directe.
- Manipuler avec des équipements de protection adaptés (gants, lunettes, masques).
- Respecter les doses recommandées.
- Éviter les déversements dans l’environnement.
6. La chélation
6.1. Chélation d’un métal
Un métal est dit chélaté (Fe chélaté) quand il est lié à une autre molécule, le chélateur, dont la structure entoure l’élément métallique (figure 2), l’empêchant ainsi de se dissocier en ions libres, avec de nombreux effets bénéfiques.

L’eau de mer contient de nombreux métaux (Al, Ba, Co, Cu, Fe, Li, Mn, Mo, Ni, Ru, Sr, V, Zn…). Son caractère ionique facilite la dissolution de composés divers. Mais ce n’est pas le cas de l’eau pure utilisée pour préparer les solutions, dans laquelle des composés métalliques s’y dissolvent sous leur forme élémentaire. C’est le cas des ions Fe, Mn, Zn, Cu, Ni, Co et V. Pour cette raison on privilégie leurs formes de sels (chlorures, sulfates, nitrates, etc.) qui améliorent grandement leur taux de solubilité dans l’eau douce (osmosée) à 25°C comme le montre le tableau 3.
Cependant d’autres aspects rendent la chélation conseillée et parfois indispensable : pour conserver leur état dissous et leur stabilité au pH de l’eau de mer, ou bien lors d’associations multiéléments (ex. Fe + Mn + Zn…).
Le principe de la chélation est ainsi exploité dans de nombreux domaines tels que la médecine : détoxication des métaux lourds ; l’agriculture : apport de micronutriments ; l’alimentaire : pour éviter l’oxydation des huiles et boissons…
En aquariophilie des conditionneurs d’eau neutralisent les métaux lourds présents dans l’eau de l’aquarium ou du robinet, diminuent la toxicité de l’ammoniac et des nitrites. La chélation permet aussi de détoxifier les métaux lourds et divers polluants accumulés en aquarium (ex. Turtle System Heavy Metal REMOVER). Ses effets sont en bien des points positifs dans les solutions d’oligo-éléments.
6.2. Effets de la chélation
Bien qu’il soit possible de combiner des solutions non chélatées de métaux à de très faibles concentrations, dans certains cas cela présente des risques accrus de précipitation, d’oxydation, de non biodisponibilité, de biodisponibilité éphémère et de toxicité. L’utilisation de chélateurs est alors fortement recommandée. Elle présente plusieurs avantages qui peuvent la rendre utile, voire incontournable lorsqu’il s’agit de combiner plusieurs métaux :
Avantages de la chélation
- Solubilité : la chélation améliore la solubilité des ions métalliques lorsque les conditions s’écartent de l’optimum.
- Stabilité : Réduction des risques de précipitation à pH élevé
- Réduction des risques de précipitation :
Même à très faible concentration, la probabilité qu’un ion métallique rencontre des ions compétiteurs en très grande concentration dans l’eau de mer, est élevée. Ainsi, les solutions non chélatées de métaux peuvent précipiter sous forme de sels métalliques insolubles en présence d’ions chlorures, sulfates, carbonates voire phosphates. Par exemple, le fer (Fe²⁺ et Fe³⁺), le cuivre (Cu²⁺), précipitent sous forme d’hydroxydes ou d’oxydes avec l’augmentation du pH, de même que le zinc, le manganèse et le nickel ou le chrome qui peut se convertir en hydroxydes, se complexer avec des carbonates, phosphates ou coprécipiter en présence d’autres métaux (Fe, Mn…) sous des formes insolubles. - Stabilité du chélateur à pH élevé : Les chélateurs sont donc choisis pour assurer la stabilité du composé au pH d’utilisation de l’eau de mer jusqu’à pH 8,5.
- Réduction des risques de précipitation :
- Prévention de l’oxydation : Certains chélateurs protègent les métaux contre l’oxydation rapide, les conservant sous forme soluble, sur une période plus longue. Ils évitent l’utilisation de stabilisants (acide citrique…) dont l’effet antioxydant s’amenuise à pH élevé marin.
- Biodisponibilité : Les métaux maintenus sous une forme soluble et stable améliore leur disponibilité pour les organismes marins, sur une plus longue période.
- Assimilation : nous avons vu que les complexes de métaux et de molécules organiques sont plus facilement assimilés par les organismes. Il en est ainsi avec les chélateurs que l’on choisira organiques (naturels ou synthétiques).
- Réduction du risque de toxicité : L’amélioration de la solubilité et de la stabilité prévient les concentrations excessives du métal à taux toxiques (ex. Cu).
- Prévention des carences : le métal chélaté, disponible plus longtemps et consommé progressivement, réduit le risque de carences.
- Compatibilités multiéléments : Les très faibles concentrations, en deçà de la limite de solution du composé, contribuent à obtenir sa dissolution complète dans l’eau osmosée. Cependant, en l’absence de chélation certaines combinaisons de métaux peuvent réagir entre-elles. C’est le cas du fer ou du cuivre qui peuvent s’oxyder ou interagir avec des ions compétiteurs, formant des complexes qui ne sont pas nécessaires ou souhaitables, ou pouvant se dégrader et devenir moins disponibles, voire inactifs ou toxiques. Si ce n’est pas immédiat, cela peut se produire dans la durée, en attente de distribution.
Ainsi la chélation des métaux sensibles est fortement conseillée (tableau 2) pour les solutions d’éléments multiples destinées à la supplémentation par microdosage,
Cependant, ces avantages ne valent que si les chélateurs sont dosés au juste nécessaire. En effet un surdosage peut renforcer les liaisons du complexe réduisant ainsi sa solubilité et sa disponibilité à moyen terme.
Risques liés à la non chélation
- Le métal peut s’accumuler sans être détectable : Le paragraphe précédent a déjà évoqué de nombreux risques. Plus spécifiquement en aquariophilie récifale le métal non chélaté (quand il est nécessaire ou conseillé) peut s’accumuler sur les substrats après sa précipitation au pH de l’eau de mer. Il n’est alors que partiellement consommé par les organismes. C’est ainsi que l’oligoélément peut devenir rapidement indétectable par l’analyse ICP, et qu’en toute bonne foi l’aquariophile supplémente inconsidérément, sans pour autant noter d’impact négatif sur l’équilibre de l’aquarium et de ses habitants.
- Re dissolution du métal accumulé à un niveau toxique : Les précipités en question sont heureusement généralement stables au pH normal d’un aquarium récifal. Cependant, outre leur inefficacité, leur accumulation présente un risque latent si des changements chimiques surviennent tels qu’une chute rapide ou locale du pH. L’élément accumulé peut se remettre en solution et voir son taux atteindre un niveau toxique.
Pour minimiser ces risques, il convient de maintenir une bonne stabilité chimique dans le bac, d’éviter l’accumulation de précipités et de surveiller les concentrations en oligoéléments. La chélation est un élément de cette stratégie. La logique conduit à chélater les métaux supplémentés dès lors qu’ils présentent un risque.
7. Les chélateurs dosages, usages
7.1. Chélateurs recommandés
Il existe de nombreux chélatants organiques (tableau 3). Ils se différencient selon le pH optimal de mise en solution, leur stabilité au pH de l’eau de mer, leur compatibilité et efficacité en présence de certains métaux, leur biodisponibilité et leur facilité d’assimilation… ce qui limite le champ des possibles dans le contexte de l’aquariophile récifale :
7.1.1 Gluconates
Le gluconate de sodium (C6H11NaO7), un dérivé de l’acide gluconique produit naturellement par certaines bactéries et champignons, est obtenu ici par synthèse. C’est un excellent choix pour une supplémentation douce et contrôlée. Il est cependant moins efficace en présence de métaux s’oxydant rapidement à pH alcalin supérieur à 8,0. Les gluconates étant très biodisponibles et facilement dégradés par les bactéries dans la durée, il est préférable de les doser en aquarium quotidiennement, en petites quantités.
7.1.2. Polygluconates
Les polygluconates de sodium ou de calcium sont stables au pH de l’aquarium, et également très biodisponibles pour les organismes algues, invertébrés, bactéries. Ils seraient le meilleur choix s’ils étaient disponibles dans le commerce pour les particuliers.
7.1.3. Citrate de sodium
Le citrate de sodium (ex. le citrate de sodium tribasique dihydraté C6H5Na3O7) offre des liaisons fortes, voire trop fortes avec de nombreux métaux qui ne seraient plus assimilables. Il est donc essentiel de ne pas le surdoser. Il est mieux adapté aux métaux facilement oxydables à pH 8 tels que Fe, Cu, Cr, V, les rendant plus stables au pH de l’aquarium marin et disponibles plus longtemps.
7.1.4. Association gluconate et citrate
Combinés dans un ratio d’environ 50/50, le gluconate de sodium et le citrate de sodium agissent indépendamment, proposant les avantages de chacun en synergie. Cette association revêt un intérêt en présence de métaux peu solubles ou facilement oxydables (Fe, Cu, Cr, V) que le citrate stabilise aux pH 8 à 8,5. Le complexe chélateur-métal reste alors fonctionnel et biodégradable plus longtemps.
7.1.5. Acides humiques

Ils sont constitués d’acide humique et d’acide fulvique, deux éléments de l’humus issu de la décomposition des débris végétaux. Acide humique et fulvique sont proposés seuls ou en association.
Pas facile à trouver en vente si l’on évite les produits à usage agricole ou phytothérapique qui contiennent de nombreuses substances inconnues. Certaines enseignes proposent des produits aquariophiles tels que Dennerle Humin Elixir, Prodibio Humic’water, mais sans mentionner la concentration, indispensable pour calculer le dosage. D’autres indiquent le taux humique (Terralba 16,6 %, Hufu 25%) sans toutefois préciser la neutralité des adjuvants (eau osmosée et autres). Dans le doute, privilégions les plus concentrés et ceux à caractère alimentaire bio.
Les acides humiques se présentent sous les formes :
- Solution garantie sans produits toxiques (bio) de concentration connue (≈ 25 %). Le risque de contamination de l’aquarium par les résidus est alors quasi nul à la concentration de quelques µg/l/j.
- Acide humique sec de composition garantie, de concentration connue (≈40 %). Si besoin, broyer le granulat trop grossier pour faciliter la solution. Durant 24 à 48 h tremper 1 kg de granulat dans 1 litre d’eau osmosée ramenée à pH 8-9, par exemple avec ≈ 1 g de bicarbonate de sodium, à environ 30°C, sous agitation légère ou régulière. Filtrer ensuite cette infusion (filtre à café) pour extraire 70 à 90 % des 40 % d’acides initiaux et obtenir une solution contenant 32 à 40 % d’acide humique et/ou fulvique.
Nota : il n’est pas conseillé de pousser les filtrations successives jusqu’à obtenir une eau très claire, ces dernières pouvant éliminer trop de composés moléculaires lourds, plus efficaces pour lier les métaux.
La chélation par les acides humiques offre de nombreux avantages. Les liaisons de l’acide humique étant plus fortes jusqu’à pH 8,5. L’acide fulvique quant à lui est plus soluble et stable jusqu’à pH 9. Il peut être judicieux de les combiner.
Les acides humiques pourraient être de bons compromis pour la préparation de solutions d’oligoéléments. Même en présence de métaux difficiles (Fe, Mn, Zn). Malgré tous leurs avantages ils ont l’inconvénient d’être de concentration toujours incertaine et constitués d’une chaîne de molécules différentes en nombre variable. Dès lors il est impossible de déterminer le dosage nécessaire pour exploiter tous leurs sites réactifs. Par ailleurs leur forte couleur, même à faible concentration, rend impossible l’observation du contenu, par exemple pour déceler une précipitation. Ces raisons me font préférer les gluconates.
7.2. Chélateurs à éviter
Certains chélateurs synthétiques fréquemment cités ne s’avèrent pas adaptés à un usage en aquariophilie récifale.
- Acide diéthylène triamine penta acétique (DTPA) : Il offre des liaisons fortes, stables jusqu’à pH < 8,5. En contrepartie, elles limitent la biodisponibilité de nombreux métaux avec possible accumulation et interaction avec métaux lourds. Plus hydrophile et écumable que l’acide humique. Le DTPA trouve un intérêt avec les métaux oxydables, pouvant précipiter, tels que Fe, Mn, Zn. Les chélates d’EDTA supportent mieux l’exposition aux UU d’un filtre. Cependant, utilisé en aquaculture on n’a pas le recul suffisant pour estimer les effets d’une accumulation liée à sa grande stabilité dans un aquarium hébergeant des invertébrés.
- Acide éthylènediaminetétraacétique disodique (EDTA 2Na) : Il est peu stable au-dessus de pH 8.
- L’éthylène diamine di-hydroxyphénylacétique (EDDHA) : Il réalise des liaisons trop fortes et trop stables pour être suffisament biodisponible.
7.3. Caractéristiques des chélateurs
Le tableau 3 propose un résumé des propriétés particulières à chaque type de chélateur.
Chélateur | pH solution | Rap. mol. Mét/chél. |
Bio disponibilité | Stabilité en eau de mer | Eléments possibles | Observations |
---|---|---|---|---|---|---|
Polygluconates | 7-8 | 1:1 à 1:2 | Très bonne | Bonne pH < 8,5 | Co, Fe, Mn, Ni, Zn, Cr, Cu, Mo, Se, Sr, V. |
Polyvalent. Biodisponible. Relativement stable en eau de mer. |
Gluconate Na | 7-8 | 1:1 à 1:3 | Haute | Bonne pH <8 Moyenne pH <8,5 |
Co, Cu, Mn, Ni, Zn. | Biodégradable. Stable à pH ≈8. Stable pH ≈8,5 avec métaux peu solubles en association avec citrates. |
Citrate Na | 6-8 | 1:1 à 1:2 | Bonne | Bonne pH < 8,5 | Fe, Cu, Cr, V, Zn, Mn, Co, Ni. . | (trop) stable à pH < 8,5 avec métaux facilement solubles |
Gluconate Na + citrate Na | 7-8 | 1:1:1 à 1:1:3 | Très bonne | Bonne pH < 8,5 | Fe, Cu, Cr, V, Zn. | Équilibre entre stabilité jusqu’à ph 8,5 et biodisponibilité des métaux peu solubles en ratios Glu/cit 50/50 (Fe, Cu, Cr, V), voire 90/10 (Zn). |
AH, AF | 6-7 | 1:0,1 à 1:0,2 | Excellente | Très bonne > 8,5 | Co, Fe, Mn, Ni, Zn, Cr, Cu, Mo, Se, Sr, V. |
Polyvalent. Très biodisponible. Naturellement présent et stable en eau de mer. Bonne résistance à l’écumage. Forte couleur. |
DTPA | 6-7 | 1:1 à 1:2 | Très bonne | Bonne pH < 8,5 | Fe, Zn, Mn, Co, Cu, Ni. | Stable jusqu’à pH 8.5. Fortes liaisons avec métaux Fe, Zn, Mn. Possible accumulation et interaction avec métaux lourds. Supporte les UV. Difficile à acquérir |
EDTA 2Na | 7-8 | 1:1 à 1:1,5 | Bonne | Moyenne | Co, Cu, Mn, Ni, Zn, Fe, V. | Fe : moins efficace à pH >8 Autres métaux : OK pH <8,5 |
EDDHA | 7,5 – 12 | 1:1 à 1:1,2 | Faible | Trop élevée | Fe, Zn, Cu, Mn, Ni, Co. |
Forte stabilité en edm peut limiter la biodisponibilité. Résistant aux UV. |
7.4. Chélateurs possibles
Le tableau 4 énumère les produits compatibles avec divers composés d’oligoéléments parmi les plus utilisés.
Oligo. | Composé | Solubilité 25°C g/l |
Chélateurs |
---|---|---|---|
Co | Chlorure Co (II) hexahydraté | 600 | AHF, PG, DTPA, gluconate. |
Cr | Chlorure Cr (III) hexahydraté | 585 | AHF, PG, DTPA, gluconate + citrate. |
Cu | Sulfate Cu pentahydraté | 316 | DTPA, AHF, PG, gluconate + citrate. |
Fe | Sulfate Fe (II) heptahydraté | 250 | DTPA, AHF, PG, gluconate + citrate. |
Mn | Sulfate Mn (II) monohydraté | 520 | DTPA, AHF, PG, gluconate. |
Ni | Sulfate Ni hexahydraté | 760 | AHF, PG, DTPA, gluconate. |
Se | Sélénite Na | 85 | AHF, PG, DTPA, gluconate. |
Sr | Chlorure Sr hexahydraté | 538 | AHF, PG, DTPA, gluconate. |
V | Vanadates sous formes diverses | – | DTPA, PG, gluconate. |
Zn | Sulfate Zn heptahydraté | 960 | DTPA, AHF, PG, gluconate. |
7.4. Quantité de chélateur
La quantité de chélateur dépend des spécificités du métal, de ses interactions avec le chélateur et de l’objectif à atteindre. Dans le cadre d’une supplémentation en aquarium récifal, le complexe métal/chélateur doit être stable, mais pas trop pour rester facilement disponible. Un léger excès aurait pour inconvénient de retarder la biodisponibilité du métal. Bref il en faut mais pas trop.
La quantité de chélateur découle du rapport molaire (moles de chélateur par mole de métal) à adapter selon le composé métallique utilisé, le milieu (pH, présence d’autres ions concurrents, durée d’action), le chélateur (molécules, sites de liaisons) et le complexe métal-chélateur (constante de stabilité). Le tableau 5 propose une estimation théorique que l’expérimentation permettra d’afiner.
7.4.1. Ratios élément/chélateur
Respecter le ratio molaire élément métal/chélateur impose de calculer le nombre de moles de chacun pour le traduire en masse. Pas de panique, le Calculateur supplémentation monoélément s’en charge.
7.4.2. Exemple de ratios métal/gluconate/citrate
Le gluconate de sodium et son association avec le citrate de sodium s’avère un bon compromis pour certains métaux.
Métal | Ratio Molaire Métal:Glu:Cit |
---|---|
Baryum | 1 : 3 : 0 |
Cobalt | 1 : 2 : 0 |
Chrome | 1 : 1 : 1 |
Cuivre | 1 : 3 : 1 |
Fer | 1 : 3 : 2 |
Manganèse | 1 : 2 : 0 |
Nickel | 1 : 2 : 0 |
Strontium | 1 : 1 : 0 |
Vanadium | 1 : 2 : 0 |
Zinc | 1 : 3 : 0 |
7.5. Conserver les chélateurs
Conserver les chélateurs à température ambiante voire plutôt fraîche, dans des contenants hermétiques à l’abri de la lumière. Les formes sèches pourront être conservées 2 à 5 ans, et les solutions de 6 mois à 2 ans. Agiter le produit en solution avant utilisation.
7.6. Chélater un composé métallique
L’opération est relativement simple et consiste :
- Dans un premier temps dissoudre le chélateur dans de l’eau purifiée, osmosée. Il est alors prêt à complexer les ions métalliques dès leur introduction.
- Dans un second temps introduire et dissoudre le composé tout en respectant quelques points, comme on le verra dans le protocole de réalisation.
8. Quels composés chélater
8.1. Nutriments : pas de chélation
Les nutriments N, P peuvent faire l’objet d’ajouts ciblés, notamment :
- Azote N : Les nitrates (nitrate de calcium ou de potassium) ainsi que l’ammonium NH4 (chlorure, sulfate ou nitrate d’ammonium) sont très stable, sans risque de réaction ne se chélatent pas.
- Phosphore : sous forme de phosphates (ex. hydrogénophosphate de potassium) qui peut floculer voire précipiter au taux supérieur à 0,05 mg/l, au contact de l’eau de mer concentrée en Ca²⁺ et Mg²⁺. Leur administration diluée et lente ne nécessite pas de chélation.
8.2. Macroéléments : pas de chélation
Les macroéléments Na, Cl, Mg, SO4, Ca, K, HCO3/CO3 sont utilisés sous des formes complexes (chlorures, sulfates, carbonates….). Stables à forte concentration, ilsne sont jamais chélatés. On utilise en général les combinaisons suivantes en respectant les équilibres ioniques :
- Solution 1 calcium (Ca) : chlorure de calcium CaCl2 (on ne mélange jamais calcium et carbonates).
- Solution 2 carbonates (KH) : bicarbonates et carbonates sous formes diverses telles que bicarbonate de sodium NaHCO3, carbonate de sodium Na2CO3.
- Solution 3 magnésium (Mg) + autres : chlorure de magnésium MgCl2, sulfate de magnésium MgSO4, chlorure de potassium KCl ou sulfate de potassium K2SO4 etc.
Certaines méthodes (Balling light ou Tropic Marin) incluent aussi des microéléments chélatés dans la solution 3, mais elles ne sont pas dans l’esprit de cet article qui vise à maitriser totalement ses supplémentations.
Ces éléments sont pris en compte dans le cadre de la gestion de base de l’aquarium récifal. Non combinés à des oligoéléments leur usage ne sera pas développé ici.
8.3. Oligoélément : selon le cas
C’est selon le cas, comme nous allons le détailler.
9. Quels (oligo)éléments chélater
9.1. Risques et contexte
La nécessité de chélater dépend des risques dans le contexte particulier de la supplémentation en aquariophilie récifale.
Contexte spécifique à la supplémentation :
Les préconisations qui vont suivre dans cet article supposent de respecter certaines conditions :
- Chaque composé d’oligoélément est préparé dans un conditionnement individuel.
- Les solutions sont très peu concentrées, de l’ordre de quelques µg/l. Les estimations prennent en compte les cas de solutions moins concentrées de l’ordre de quelques mg/l (ex. Fluor).
- Les composés chélatés sont conservés à pH adapté.
- Chaque solution est conservée dans de bonnes conditions qui seront développées (péremption, température…).
- Les solutions d’oligoéléments sont introduites par microdosages, dans un flux important de courant, rapidement dispersées dans l’aquarium.
- La quantité diluée destinée à la supplémentation est réduite pour une période de 2 à 3 mois.
Risques liés à la non chélation
- Stabilité de la solution monocomposant au stockage : risques d’oxydation, de précipitation lors de la conservation dans l’eau osmosée.
- Stabilité de la solution au diluée avant supplémentation.
- Interactions entre oligoéléments.
- Réactions potentielles au pH de l’eau de mer avec ses macroéléments.
Nécessité de chélater certains éléments
Parmi les composés d'(oligo)éléments B, Ba, Br, Co, Cr, Cu, F, Fe, I, Li, Mn, Mo, Ni, Se, Sr, V, Zn, Si… tous ne nécessitent pas de chélation. Selon le niveau du risque la chélation peut être :
- Inutile : aucune interaction, conservation sûre. Certaines molécules ou ions sont très stables seuls, en solution à très faible concentration, ou au contact de l’eau de mer avec ou sans microdosages
- Envisageable : interactions faibles, potentielles à faible concentration, selon la situation.
- Conseillée : risque modéré, instable dans le temps. En l’absence de suffisamment de retours pratiques, difficiles à évaluer, il est impossible de déterminer avec certitude la nécessité de chélater certains composés. C’est notamment le cas des solutions multicoposants (cocktails). Dans l’association il suffit parfois de chélater les composés concernés, à l’origine de réactions.
- Impérative : risque élevé de précipitation ou de réactions, notamment pour les ions qui précipitent ou s’oxydent facilement même conservés en solution monocomposant dans l’eau osmosée et a fortiori au contact de l’eau de mer.
9.2. Cas des solutions monoélément
Chaque fois que possible la supplémentation de solution monoélément est à privilégier.
- Risques réduits : moins d’interactions entre éléments.
- Éléments peu consommés : les analyses ICP pourront révéler une faible variation de certains éléments tels que B, Ba, Br, Co, Cr, Cu, Mo, Ni, V… sur plusieurs mois. On peut donc se contenter de complémenter manuellement les oligoéléments concernés lors de la remise à niveau après les tests ICP, à condition que leur périodicité soit raisonnable, de 2 à 4 mois.
- Fortement recommandée avec les métaux oxydants non chélatés Co, Cr, Fe, Mn, Ni, Zn…
9.2.1. Besoin de chélation en monoélément
Le besoin de chélater une solution monocomposant dépend uniquement :
- De la stabilité de la solution lors de sa conservation.
- Des réactions potentielles au contact de l’eau de mer. En effet, la faible concentration de la solution n’exclue pas statistiquement des interférences avec des ions (sulfates, carbonates…) fortement présents dans l’eau de l’aquarium marin. La chélation s’impose alors.
Oligo. | Composé | Chélation | Observations |
---|---|---|---|
B | Acide borique | Inutile | Soluble et très stable sous forme de borates en eau de mer. |
Ba | Chlorure Ba dihydraté | Inutile | Peut précipiter en forte proportions avec SO4²⁻ ou F⁻, et à pH >8 |
Br | Bromure Na | Inutile | Très soluble et stable en solution. |
Co | Chlorure Co (II) hexahydraté | Impératif | Très soluble mais peut précipiter en hydroxydes et non biodisponible à pH>8 |
Cr | Chlorure Cr (III) hexahydraté | Impératif | Soluble. Hydrolyse lente en milieu aqueux, peu biodisponible sans chélate. |
Cu | Sulfate Cu pentahydraté | Impératif | Risque de précipitation, faible biodisponibilité à pH >8 sans chélate. |
F | Fluorure Na hydraté | Inutile | Stable, peu de risque de précipitation à faible concentration sauf à pH acide. |
Fe | Sulfate Fe (II) heptahydraté | Impératif | Très instable, s’oxyde rapidement en Fe³⁺ insoluble. |
I | Iodure K | Inutile | Très soluble, stable en eau douce et naturellement biodisponible en mer. |
Li | Chlorure Li hydraté | Inutile | Très soluble et stable en eau douce et eau de mer. |
Mn | Sulfate Mn (II) monohydraté | Impératif | S’oxyde en Mn⁴⁺ insoluble au contact de l’air. Instable au pH marin. La chélation améliore la biodisponibilité. |
Mo | Molybdate Na dihydraté | Inutile | Stable en solution diluée. à pH ≥ 6. |
Ni | Sulfate Ni hexahydraté | Impératif | Précipite en présence de bases faibles ou de PO₄³⁻. |
Se | Sélénite Na | Inutile | Solution stable à pH neutre si non exposée à lumière/oxygène. À utiliser rapidement. |
Sr | Chlorure Sr hexahydraté | Inutile | Stable seul à concentration < 10% Sr, soit < 300 g/l SrCl2.6H2O |
V | Orthovanadate Na | Inutile | Stable à pH > 8,5. Chélater certains composé de vanadium. |
Zn | Sulfate Zn heptahydraté | Impératif | Précipite facilement en eau de mer à pH >8 (ions sulfates, phosphates, carbonates) |
9.3. Cas des solutions multiéléments (cocktails)
L’aquarium consomme de nombreux éléments qu’il faut supplémenter régulièrement, généralement par microdosage. Afin de réduire le nombre de pompes péristaltiques on souhaitera parfois diluer ensemble plusieurs solutions d’éléments différents. On pourra aussi limiter la supplémentation aux seuls oligoéléments les plus consommés. La maintenance ainsi simplifiée réduira les risques d’interférences entre composés.
9.3.1. Incompatibilités des associations sans chélation
Les différentes formes chimiques des oligoéléments ne sont malheureusement pas toutes compatibles pour être mixées en l’état. Certaines espèces chimiques présentent des risques dès lors qu’elles sont associées, pour diverses raisons : solubilité restreinte, précipitation, oxydation, compatibilité réduite au pH ≈7 de leur dilution. Par exemple le fluorure de sodium (NaF) interagit avec le chlorure de baryum (BaCl2) en fluorure de baryum (BaF2) ou bien avec le chlorure de strontium (SrCl2) pour former du fluorure de strontium (SrF2), deux sels très peu solubles dans l’eau conduisant à des précipitations même dans l’eau osmosée.
Le tableau 7 identifie le niveau de compatibilité des composés dans les conditions citées auparavant. Toute combinaison à risque doit être administrée individuellement. Le risque particulier du fluor plus concentré (quelques g/l) est pris en compte face à d’autres oligoéléments moins concentrés.

9.3.2. Compatibilités des associations avec chélation
De nombreuses combinaisons sont cependant rendues possibles par la chélation (tableau 8) qui devient indispensable. Il suffit parfois de ne chélater correctement que l’élément perturbateur pour obtenir une combinaison suffisamment stable. Par exemple, dans l’exemple précédent : le chlorure de baryum et le chlorure de strontium.
Le tableau 8 dresse l’inventaire des compatibilités avec chélation adaptée des métaux les plus instables : Cu, Fe, Mn, Zn, Ni, Co, Cr.

9.3.3 Combinaisons multi-éléments
Si certains composés chimiques sont compatibles et stables, le tableau 7 déconseille les combinaisons d’autres (cases rouges). La prudence recommanderait donc de diluer individuellement ces métaux. Cependant les risques sont considérablement réduits dans notre cas pour les raisons suivantes :
- Chélation : Elle réduit notablement tous les risques. Le tableau 8 à dominante verte permet d’envisager de nombreuses associations.
- Solutions diluées : Les concentrations extrêmement faibles des métaux limitent la probabilité d’interactions entre les différents éléments métalliques. De plus la capacité de chélation dépasse le besoin des sites réactifs du métal.
- Eau osmosée : La solution se réalise dans de l’eau osmosée exempte d’ions compétiteurs.
- Précipitation et compétition réduites : les faibles concentrations, bien en deçà des seuils de saturation, le risque de précipitation des métaux (sous forme d’oxydes ou de hydroxydes) est minime. De plus il n’existe pas de réelle compétition pour les sites de chélation. En effet, bien que certains métaux aient une plus forte affinité pour les sites de chélation (Fe, Cu), à des concentrations très faibles les sites de chélation restent largement disponibles, et la compétition devient négligeable.
Ainsi, il devient tout à fait possible d’assembler des solutions chélatées de métaux (Fe, Cu, Zn…) sans risque majeur dans les conditions préalablement évoquées (concentration des chélateurs, mélangeage, pH, conditionnement, stockage et péremption) pour éviter toute altération (oxydation, complexation…).
Pourquoi donc ne pas diluer toutes les solutions d’oligoéléments dans un même contenant, tant les couples du tableau 8 semblent possibles ? Cependant, associer dix composés multiplie les risques dont l’estimation est théorique, dans des conditions particulières. L’aquariophile n’est pas à l’abri d’un écart qui pourrait l’écarter de la situation idéale. De plus la chélation dans le cadre du récifal est un juste équilibre entre stabilité chimique et biodisponibilité qu’il est difficile d’appréhender avec certitude. La supplémentation étant une opération cruciale pour la maintenance de l’aquarium et la santé des animaux, on se limite à quelques combinaisons en cocktails.
Le tableau 9 propose trois cocktails :
- Cocktail 1 : éléments légers non métalliques.
- Cocktail 2 : métaux chélatés.
- Cocktail 3 : ions métalliques lourds, sensibles en présence de carbonates, sulfates ou hydroxydes.
Nota : les éléments B, Co, Cr, Mo, Ni, V peuvent faire l’objet d’une complémentation ponctuelle s’ils sont peu consommés entre deux analyses ICP.
Oligo. | Composé | Chélaté | 1 | 2 | 3 |
---|---|---|---|---|---|
B | Acide borique | Non | OK | ||
Ba | Chlorure Ba dihydraté | Non | / | OK | |
Br | Bromure Na | Non | OK | ||
Co | Chlorure Co (II) hexahydraté | Oui | OK | ||
Cr | Chlorure Cr (III) hexahydraté | Oui | OK | ||
Cu | Sulfate Cu pentahydraté | Oui | OK | ||
F | Fluorure Na hydraté | Non | OK | / | |
Fe | Sulfate Fe (II) heptahydraté | Oui | OK | ||
I | Iodure K | Non | OK | ||
Li | Chlorure Li hydraté | Non | OK | ||
Mn | Sulfate Mn (II) monohydraté | Oui | OK | ||
Mo | Molybdate Na dihydraté | Non | OK | ||
Ni | Sulfate Ni hexahydraté | Oui | OK | ||
Se | Sélénite Na | Non | OK | ||
Sr | Chlorure Sr hexahydraté | Non | / | OK | |
V | Vanadate DIY | Oui | OK | ||
Zn | Sulfate Zn heptahydraté | Oui | OK |
10. Conditions pour réaliser une solution
10.1 Dosages : pesées et solutions mères

Les concentrations des solutions sont très faibles, quelques grammes par litre d’eau osmosée, voire moins de l’ordre de 0,1 gramme par litre pour certains. Le dosage doit être d’autant plus précis. La précision peut s’obtenir de plusieurs manières :
- Balance de précision : La règle veut que la balance soit 10 fois plus précise que la pesée. Par exemple peser 1,54 g (au centième de gramme) avec une précision de 0,001 g (au millième de gramme). Dans ce dernier cas la pesée nécessite quelques précautions : pas de courant d’air, support stable sans vibrations.
- Solutions mères : En l’absence de balance suffisamment précise, on peut avoir recours à une solution mère plus concentrée. Par exemple, pour obtenir 0,1 g de composé, peser 10 fois plus, soit 1 g (balance à 0,1 g) et diluer dans 1 litre d’eau. 100 ml de cette solution mère à 1 g/l contiennent 0,1 g de composé dissous. Ces 100 ml mélangés ensuite à 900 ml d’eau osmosée constituent 1 litre à la concentration 0,1 g/l (100 µg/l).
10.2. Ajustement du pH de la solution
C’est un aspect très important. En effet, chaque chélateur trouve son efficacité dans une plage de pH défini par le tableau 3, sans quoi les métaux peuvent précipiter, se combiner avec des effets inefficaces ou inattendus. Le pH doit être ajusté à son optimum, que la solution soit mono composant pour sa bonne conservation, et plus encore si elle est multi composants. En effet, même chélatés certains complexes métalliques peuvent se déstabiliser et subir une lente précipitation à pH > 8. Ne pas ajuster le pH conduit à réduire les avantages de la chélation à néant.
L’ajustement se réalise en ajoutant une solution acide ou basique, doucement, au goutte à goutte, en remuant doucement, et en mesurant constamment l’évolution du pH. Quelques gouttes suffisent parfois pour passer du mini au maxi de la plage optimale. La nécessité d’ajuster plus ou moins dépend de l’association chélateur-chélaté. Le pH-mètre est recommandé :
- Abaisser le pH : au moyen d’un acide faible (acide citrique,) ou d’un acide concentré (acide chlorhydrique) permettant de limiter le nombre de gouttes. Par exemple, une solution d’acide chlorhydrique 23% (HCl) dilué à 50 % dans l’eau osmosée.
- Augmenter le pH : Au moyen d’hydroxyde de sodium dit soude caustique (NaOH) ; d’acétate de sodium plus doux et stable ou de carbonate de sodium (Na2CO3). Par exemple 2 g de carbonate de sodium dans 100 ml d’eau osmosée produit une solution ≈pH 10.
10.3. Dissolution, homogénéisation
Les faibles concentrations imposent que les solutions soient particulièrement bien homogénéisées, manuellement avec un bâtonnet en verre ou une spatule métallique propre, ou de préférence au moyen d’un agitateur (ex. agitateur magnétique à barreau). La dissolution est plus aisée à température ambiante, voire légèrement plus élevée 40°C maximum. Remuer de 5 à 10 mn pour 1 litre, régulièrement, en mouvements circulaires et à vitesse modérée pour limiter l’introduction d’air.
La solution doit être claire (ambrée en présence d’acide humique), homogène, sans particule visible au fond du récipient. Le visuel n’est toutefois pas suffisamment significatif pour de très faibles concentrations, aussi faut-il soigner l’agitation jusqu’à son terme.



10.4. Matériel nécessaire
Pour la solution :
- Le composé en poudre.
- Eau osmosée et déionisée (conductivité < 10 µS/cm, TDS < 5 mg/l).
- Balance de précision à 0,01 g voire 0,001 g.
- Pipettes volumétriques précises (1 ml, 10 ml)
- Béchers de 500 ml ou 1 l, propres, résistants et inertes (PEHD, PP, verre).
- Agitateur magnétique (recommandé).
- Gants et matériel stérile pour éviter la contamination.
De plus, pour la chélation :
- Le chélateur (ex. gluconate, citrate de sodium).
- pH-mètre étalonné.
- Solutions d’une base et d’un acide faible.
11. Réaliser une solution d'(oligo)élément
11.1. Protocole pour une solution de 1 litre

- Définir la concentration du composé métallique : Le Calculateur supplémentation monoélément (figure 7) permet de déterminer le poids du composé en fonction de la concentration souhaitée de l’élément métal. Le Calculateur Supplémentation propose un tableur à télécharger, intégrant plusieurs composés chimiques.
- Définir le poids de chélateur (si besoin) : Avec le Calculateur supplémentation monoélément selon le besoin spécifique de l’élément chimique (tableau 3) et le ratio maxi élément/chélateur (tableau 2).
- Préparer la solution mono-composant chélatée :
- Préparer environ 300 ml d’eau osmosée tempérée à 25 – 40 °C.
- Introduire progressivement le poids de chélateur (si préconisé)
- Remuer doucement ≈5 mn, jusqu’à dissolution et homogénéisation complètes.
- Compléter ensuite avec le poids du composé chimique (sous forme de poudre ou de solution mère) dans ces 300 ml..
- Continuer à agiter ≈5 mn, doucement jusqu’à dissolution et homogénéisation complètes.
- Compléter le volume : Ajoutez de l’eau osmosée jusqu’à atteindre le volume final de 1 litre.
- Vérifier la solubilité : La solution reste homogène et stable.
- Vérifier et ajuster le pH de la solution selon le tableau 2 (gluconate pH 7-8).
- Remuer la solution durant ≈5 mn pour assurer une homogénéité complète.
11.2. Cas particulier de composés peu solubles
11.2.1. Solution de Vanadium
Les formes solubles commerciales de vanadium telles que l’orthovanadate de sodium sont peu accessibles à l’amateur. Le pentoxyde de vanadium (V2O5) parfois proposé est malheureusement quasi insoluble dans l’eau osmosée. Il peut toutefois être dissout à très faible concentration, en milieu acide (HCl) et oxydant (H2O2).
Autant l’orthovanadate de sodium est stable en l’état, autant cette préparation nécessite d’être chélatée (ex. gluconate de Na) pour une meilleure stablilité, compatibilité et biodisponibilité.
Attention ! Une telle manipulation nécessite beaucoup de rigueur et des précautions liées à la toxicité du pentoxyde de vanadium potentiellement cancérogène puis à l’utilisation d’acide et de soude.
Ingrédients nécessaires :

- Eau osmosée
- Acide chlorhydrique concentré (HCl à 23 %).
- Peroxyde d’hydrogène (H2O2 40V à 12 %).
- Pentoxyde de vanadium (V2O5) pur, en poudre fine.
- Gluconate de sodium pur.
- Soude caustique (NaOH) diluée pour ajuster le pH
Protocole de préparation :
Préparation de 500 ml de solution à 0,02% de vanadium (0,2 g/l). Le protocole doit être scrupuleusement suivi, les phases acides, la régularité d’incorporation et les durées d’agitation étant primordiales pour obtenir une solution exempte de résidus.
- Préparer 50 à 100 ml d’eau osmosée dans un bécher (PEHD, PP, verre) de 500 ml.
- Agiter le bain avec agitateur magnétique.
- Ajouter 0,6 ml HCl à 23%, agiter 1 mn.
- Ajouter au goutte à goutte 2 ml de peroxyde d’hydrogène (H2O2 à 12%), homogénéiser 1 mn.
- Incorporer progressivement 0,180 g de pentoxyde de vanadium (V2O5) en poudre fine. La couleur est orange-foncé.
- Continuer l’agitation > 1 h à 2 h jusqu’à dissolution complète. La solution est limpide, homogène.
- Disperser lentement 0,450 g de gluconate de sodium (moles V/Glu. 1:2), homogénéiser 5 mn.
- Compléter à 500 ml avec de l’eau osmosée et homogénéiser 5 mn. La solution prend une teinte jaune pâle (photo), signe de stabilité sous forme de complexes solubles.
- Ajuster à pH 6,5 – 7 avec quelques gouttes de soude caustique (NaOH) dissoute.
- Laisser reposer 1 heure, l’éventuel dépôt doit être faible, prélever la solution limpide.
- Stocker et conserver avec les précautions évoquées ci-après.
- Utiliser : 1 ml de solution dans 100 l augmente l’élément vanadium V de 2 µg/l.
11.3. Stockage et conservation des solutions
- Conditionner la solution dans un flacon opaque (PEHD, P, verre) et hermétique sans échange d’oxygène.
- Stocker dans un endroit frais à température stable (15-25 °C), à l’abri de la lumière directe.
- Vérifier le pH : en cas de doute (dépôts, couleur).
- Péremption : la solution peut se dégrader avec le temps même en présence de solutions très diluées. On peut tester la stabilité des solutions en observant la présence de précipités ou le pH.
- Solution mono composant : Préparer uniquement la quantité nécessaire pour 3 à 6 mois.
- Solution multi élément : environ 2 mois.
12. Réaliser un cocktail multiéléments

Le Calculateur supplémentation monoélément permet de déterminer pour chaque élément les doses à distribuer quotidiennement en une ou plusieurs doses pour atteindre un objectif de supplémentation journalière en µg/l/j. La forme tableur du Calculateur Supplémentation permet les mêmes calculs. Il a l’avantage de visualiser ensemble les seuls éléments concernés par la dilution multiéléments.
Lors de l’assemblage, introduire en premier les métaux chélatés, le cas échéant.
13. Maintenance relative aux oligoéléments
La gestion des oligoéléments ne se limite pas à leur ajout. Elle intègre certaines considérations :
- A quel moment supplémenter : La seconde partie de la nuit est propice. En effet, à pH bas (< 8,2) certains métaux (Fe, Mn, Zn, Cu) restent plus solubles et assimilables. D’autre part cela réduit les interactions indésirables avec les macroéléments (KH, Ca, Mg) souvent réalisés en journée pour limiter la précipitation.
- Où supplémenter : en aval de l’écumeur et des traitements, dans une zone brassée au niveau de la pompe de remontée.
- Éviter l’accumulation et le déséquilibre : Certains métaux peuvent se carencer ou s’accumuler et devenir toxiques. Des précipités insolubles peuvent se dissoudre plus tard de façon incontrôlée. Mesurer à l’ICP les niveaux d’oligoélément, notamment I, Fe, Mn, Zn, Mo, V. Ne pas doser à l’aveugle. Adapter les ajouts selon les apports, par exemple via la nourriture, le phytoplancton.
- Observer les coraux : La perte de couleur peut résulter d’une carence, ou certaines pigmentations d’un excès.
- Comment supplémenter : Doser en petites doses répétées si possible avec une pompe doseuse, plutôt qu’un grand ajout, pour une meilleure stabilité, une absorption progressive. Le Calculateur supplémentation monoélément définit le dosage maxi journalier.
- Traiter à bon escient et sans excès :
- Résines anti-phosphates : Elles peuvent fixer à leur surface les ions Fe³⁺ et d’autres métaux. Complémenter après l’utilisation de résines.
- Charbon actif : Le charbon actif possède une grande capacité d’adsorption. Bien que son affinité pour les métaux libres soit faible, il peut capter certains complexes métalliques (Fe, Cu, Zn…), l’iode, et impacter leur concentration le temps de son activité.
- Produits Oxydants Les oxydants couramment utilisés en récifal (ozone, peroxyde d’hydrogène, UV) peuvent dégrader certains chélateurs organiques, modifier l’état d’oxydation de certains métaux (Fe, Mn), précipiter sous forme d’hydroxydes ou d’oxydes insolubles et libérer les métaux sous forme libre à un niveau plus toxique. Limiter l’exposition aux oxydants.
- Écumeur et export biologique : L’écumeur peut extraire les métaux en solution, complexés par des chélateurs organiques, avant même qu’ils ne soient assimilés par les organismes. Si besoin il peut être temporairement désactivé.

14. Pour résumer
Réussir sa supplémentation d’(oligo)éléments repose sur quelques recommandations :
- Si vous utilisez des produits commerciaux, choisissez des solutions bien dosées, idéalement chélatées
- Si vous réalisez vos propres solutions, privilégiez des produits de haute pureté et utilisez des chélateurs adaptés (gluconate, citrate, acide humique).
- Éviter les erreurs courantes : surdosage, absence de chélation pour certains métaux, utilisation de produits inadaptés
- Surveiller les paramètres avec des analyses régulières (ICP) pour ajuster les dosages.
La réalisation de solutions d’oligoéléments est plus complexe qu’il parait prime adebord. Si cet article n’a pas convaincu de se lancer dans cette opération, à juste titre, peut être permettra-t-il de mieux comprendre les enjeux et les limites de la supplémentation.
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