Doser du carbone en aquariophilie récifale

Doser du carbone en aquariophilie récifale

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La qualité d’une eau récifale repose sur un écosystème bactérien équilibré et dynamique. Les bactéries hétérotrophes, essentielles pour la dénitrification et le traitement des déchets organiques, nécessitent une source de carbone pour se développer. Ajouter du carbone dans un aquarium récifal devient alors un moyen de soutenir cette faune bactérienne et ainsi, contrôler les nutriments tels que les nitrates et les phosphates. Cet article permet d’en connaître les effets sur l’équilibre de l’aquarium, l’impact des différentes formes de carbone, les risques d’un surdosage et propose un calculateur pour concevoir sa propre solution carbonée et les dosages appropriés.

1. Intérêt du carbone organique

1.1. Objectif

Chaque aquariophile tente de maintenir un environnement stable et propice au développement des coraux et autres organismes. Dans certaines circonstances le niveau élevé des nutriments nitrates NO3 et phosphates PO4 déstabilise l’écosystème de l’aquarium. Les algues et cyanobactéries prolifèrent, la croissance des coraux se ralentit, quand les effets ne sont pas plus critiques. L’objectif est donc de réguler le niveau des nitrates NO3 et phosphates PO4 selon les espèces hébergées et les objectifs de maintenance.

1.2. Principe d’action

Le principe consiste à introduire une source de carbone organique dissous (COD) dans l’eau de l’aquarium pour stimuler la croissance des bactéries. Ces dernières, vivantes ou mortes, chargées de nutriments accumulés dans leurs cellules, sont ensuite exportées hors du système via l’écumeur ou consommées par d’autres organismes.

1.3. Pourquoi évoquer le carbone ?

Comme tout organisme vivant, les bactéries nécessitent des nutriments assimilés sous forme d’aliments particulaires ou dissous dans l’eau, indispensables pour leur métabolisme, notamment :

  1. Carbone (C) : Il constitue la base des molécules (protéines, lipides, ADN…) et joue un rôle comme source d’énergie. Mais son utilisation diffère selon le type de bactérie (hétérotrophe, autotrophe…) et de type de carbone (organique, inorganique).
  2. Azote (N) : Essentiel à la synthèse des acides aminés, protéines et des acides nucléiques (ARN/ADN).
  3. Phosphore (P) : Indispensable pour les membranes cellulaires (phospholipides) et la production d’énergie (ATP).

1.4. Pourquoi le dosage vise uniquement le carbone ?

Les organismes se sont adaptés à leur environnement marin. Leur métabolisme n’est possible que lorsque ces éléments sont présents, et dans certaines proportions C:N:P. Ce ratio reflète la composition moyenne des biomasses cellulaires et plus ou moins leur assimilation dans un contexte équilibré. C’est à dire que si l’un est en carence, il devient le facteur limitant son métabolisme et son développement. Cet aspect est développé dans l’article C:N:P Redfield est-il aquariophile ?
Pour mémoire, le ratio de Redfield C:N:P établi pour le phytoplancton océanique est 106:16:1 soit un ratio C:N de 66:10. Le ratio évolue selon les espèces. Celui des bactéries hétérotrophes varie dans une plage de 50:10 à 100:10. J’utiliserai un ratio C:N de 75:10 pour les calculs de dosage ultérieurs de sources de carbone.

Contrairement à l’océan, dans un aquarium récifal le carbone dissous est en général plus rapidement déficitaire que l’azote et le phosphore. Son taux devient insuffisant pour assurer la prolifération de la population bactérienne. Il est alors nécessaire d’administrer un dosage quotidien de carbone qui stimulera l’activité bactérienne. Ce faisant, il faudra éviter tout surdosage qui présenterait des risques pour tous les organismes de l’aquarium. Il doit être précis et fiable.

Par ailleurs, les bactéries ont un cycle de vie court, de l’ordre de quelques heures à 24 heures. Si leur population peut rapidement augmenter, à l’inverse elle peut péricliter tout aussi vite entre deux apports. Aussi il est indispensable d’en dispenser régulièrement au cours de la journée.

1.4. Carbone organique et bactéries hétérotrophes

Les deux vont de pair. En effet, les bactéries strictement hétérotrophes que nous souhaitons développer nécessitent des composés organiques. Voyons pourquoi.

1.4.1. Carbone organique et inorganique

Le carbone est dit inorganique quand il n’est pas lié à des atomes d’hydrogène (H). Les composés qui le contiennent sont généralement simples et stables tels que le dioxyde de carbone (CO2), les bicarbonates (HCO3), les carbonates (CO32-) ou d’autres formes minérales comme le calcaire (CaCO3).
Dans un organisme vivant une faible quantité de carbone est inorganique. Ce dernier est pauvre en énergie, et nécessite des étapes supplémentaires pour être réduit et intégré dans des molécules organiques.
Dans le cycle de l’azote il intervient principalement pour les bactéries autotrophes comme les bactéries nitrifiantes, qui transforment ammoniaque en nitrite puis en nitrate, ce qui n’est pas notre objectif. Le carbone inorganique ne contribue pas à réduire les nitrates. Certes, il contribue à l’activité des algues et la réduction des nutriments, mais il s’agit d’un autre débat.

Le carbone organique est lié à des atomes d’hydrogène (H), souvent associés à d’autres éléments comme l’oxygène (O), l’azote (N), le soufre (S), ou le phosphore (P), comme les alcools (éthanol, vodka), les glucides (glucose, saccharose…), les acides aminés (glycine…), les acides organiques (acide acétique : vinaigre, formique, citrique…) etc.
Dans un organisme vivant, la majorité du carbone est organique, car il est intégré dans des molécules biologiques telles que les glucides (ex. glucose, glycogène), les lipides (graisses, huiles), les protéines (constituées d’acides aminés) et les acides nucléiques (ADN, ARN).
Les bactéries assimilent plus facilement le carbone organique parce qu’il est directement utilisable comme source d’énergie et de matériau pour leur croissance et leur métabolisme.

Ainsi, pour réduire les nutriments dans l’aquarium, le carbone organique présent et ajouté, agit dans deux processus principaux qui nous intéressent :

  1. Biodégradation : Des bactéries (aérobies et anaérobies) prolifèrent et assimilent des nutriments tels que le phosphore (sous forme de phosphate PO4) et l’azote (sous forme de nitrate NO3 et d’ammoniac NH4).
  2. Dénitrification : Les bactéries dénitrifiantes (anaérobies facultatives) convertissent les nitrates (NO3) en azote gazeux (N2). Elles n’ont cependant pas d’effet sur les PO4.

1.4.2 Bactéries hétérotrophes

Les bactéries sont hétérotrophes, autotrophes et parfois les deux.

  • Bactéries hétérotrophes : un organisme est dit hétérotrophe quand il tire sa matière organique et son énergie de sources externes, d’autres êtres vivants ou de leurs restes. Leurs enzymes spécifiques permettent de casser les liaisons chimiques des molécules (protéines, glucides, lipides…). Les bactéries hétérotrophes sont donc en mesure de biodégrader les substances organiques efficacement, rapidement, et d’assimiler les nutriments. De même pour la dénitrification en milieu anaérobie. Ce sont celles que l’on souhaite développer plus particulièrement ici.
  • Bactéries autotrophes : un organisme est dit autotrophe quand il produit sa matière organique. Ces bactéries consomment directement le carbone sous forme inorganique tel que le CO2. Cependant, bien qu’essentielles pour transformer ammoniac et nitrites en nitrates (nitrification), ce n’est pas ce que nous souhaitons ici. D’autre part, même si certaines espèces peuvent contribuer à la biodégradation et à la dénitrification, elles sont inadaptées et peu efficaces, leur métabolisme plus lent étant très dépendant du carbone inorganique.

1.5. Pourquoi utiliser du carbone dissous ?

Le carbone organique dans un aquarium peut se présenter sous plusieurs formes :

  • Formes particulaires (MOP) : Le carbone est intégré aux matières organiques solides, telles que les restes de nourriture ou excréments, qui nécessitent une dégradation préalable par des enzymes ou d’autres micro-organismes.
  • Formes dissoutes (MOD) : Le carbone est un composant de molécules organiques solubles (éthanol, glucose…). Les bactéries exploitent plus facilement le carbone organique dissous. Il est directement assimilable.
    Une chance pour nous : la présentation liquide permet un dosage aisé, précis et automatisable. Les sources de carbones ajoutées sont donc sous forme dissoutes (COD).

2. Taux de carbone en aquarium

2.1. Taux de COD optimal en récifal

Au sein des récifs coralliens les taux de COD sont extrêmement faibles de 0,5 à 1 mg/l (5) dans les eaux océaniques et de 5 à >25 mg/l dans les zones polluées par l’activité humaine.

Dans un aquarium récifal, le niveau du COD peut augmenter en présence d’une charge organique élevée (nourriture, déjections…) favorisant la prolifération de biofilms, d’algues ou de cyanobactéries pouvant conduire à une hypoxie… bref, tous les risques que l’on évoquera plus loin. La méthode de maintenance et les équipements de filtration mécanique (filtres divers, changements d’eau), physique (écumeur) et biologique (PV, substrats poreux) sont choisis pour viser un taux de 1 à 3 mg/l suffisant pour maintenir un équilibre biologique sans compromettre la qualité de l’eau. En dessous, la réduction des nitrates et phosphates pourrait être insuffisante.

2.2. Mesurer, évaluer le COD

La mesure directe du COD nécessite un équipement spécifique (titration oxydative, analyseurs automatiques), inaccessible aux aquariophiles amateurs. Le test Triton Labs N-DOC mesure la concentration de carbone organique dissous dans l’eau et permet d’évaluer l’équilibre bactérien dans l’aquarium.

Les classiques test NO3 et PO4 préviennent indirectement d’une accumulation de nutriments, c’est à dire des effets potentiels liés à une carence en carbone. Plus globalement ils alertent sur un déséquilibre lié à l’exploitation du COD dans l’aquarium.

2.3. Déceler une déficience du COD

La déficience en carbone organique est en général liée à une dérive du ratio des nutriments C:N:P. L’accumulation de nutriments non consommés induit des déséquilibres biologiques dans l’aquarium, révélés par un excès de nitrates et phosphates. Les tests et l’observation visuelle s’avèrent de bons moyens de déceler une dérive. Nous disposons de quelques bioindicateurs :

  • NO3 et/ou PO4 élevé : Une accumulation de l’un ou l’autre des nutriments ou des deux, peut être un indice qu’il manque du carbone pour permettre le métabolisme des bactéries. Le carbone est alors le facteur limitant qui empêche les processus biologiques de se réaliser correctement.
  • Algues indésirables : L’excès de nitrates et phosphates non consommés par les bactéries nourrit les algues, qui prolifèrent rapidement.
  • Réduction de la diversité bactérienne : Une carence en carbone limite la croissance bactérienne et réduit leur diversité. Cela peut entraîner une domination d’espèces opportunistes ou pathogènes. Ce phénomène non visible à l’œil nu, peut avoir des conséquences indirectes comme une filtration biologique moins efficace ou une santé amoindrie des coraux qui ne bénéficient plus des bactéries bénéfiques disparues.
  • Comportement des coraux et invertébrés : L’excès de nutriments généré par une carence en carbone peut ralentir la croissance et la calcification des coraux, et dérégler l’équilibre métabolique traduit par un stress ou blanchiment partiel.
  • Biofilms indésirables et cyanobactéries : Ces dernières se développent dans des environnements riches en nutriments, même avec une faible quantité d’oxygène disponible. Leur présence est souvent exacerbée par un déséquilibre C:N:P.
  • Eau trouble ou jaunâtre : La dégradation insuffisante des matières organiques entraîne l’accumulation de composés organiques dissous (DOC) qui peuvent colorer l’eau.
  • Accumulation de sédiments : Des déchets organiques non décomposés (particules alimentaires, excréments) s’accumulent plus visiblement dans les zones peu brassées.

3. Quand doser du carbone organique

Dans son objectif de maintenir un aquarium stable avec une maintenance la plus fiable et facile, le récifaliste devrait tout mettre en œuvre pour que l’équilibre biologique soit atteint le plus simplement possible, sans besoin de supplémenter en COD. Pour autant certaines situations l’imposent, dans une période limitée ou régulièrement.

3.1. Dosage selon les situations

L’ajout de carbone peut être nécessaire dans certaines situations :

  • Charge organique excessive : La production de déchets organiques est importante, par exemple dans les aquariums hébergeant de nombreux poissons pollueurs, ceux nécessitant une forte alimentation (filtreurs), pour réduire la production d’algues ou d’autres nuisances… L’activité bactérienne consomme phosphore et azote pour maintenir des taux de NO3 et PO4 satisfaisants dans l’aquariu
  • Système à faible taux de nutriments : Un système de gestion dit ultra low nutrient system (ULNS) tente de reproduire au mieux l’environnement récifal à très faible teneur en NO3 (~1 mg/l) et PO4 (~0,01 mg/l) dominé par les SPS, et également de réguler le ratio entre nitrates et phosphates notamment lors d’événements ponctuels (suralimentation, poisson mort). Un réacteur à bactéries (RAB) souvent associé à ce type de maintenance contribue a sa maitrise.
  • Aquariums immatures : le renforcement maitrisé de l’activité bactérienne peut contribuer à activer ou stabiliser les cycles d’azote et de phosphore dans les aquariums nouvellement installés. C’est parfois le cas en débutant avec des pierres synthétiques ou recyclées.
  • Formation de bactérioplancton : En milieu naturel c’est une source importante de l’alimentation d’organismes non photosynthétiques (NPS) tels que les coraux azooxanthellés (Tubastrea, certaines gorgones), les planctonivores microphages (bivalves, vers à panache, holothuries…). Les bactéries ainsi développées, mortes ou excrétées, sont une source de nourriture pour les coraux.
  • Grands aquariums : La gestion maitrisée des excès de nutriments (nitrates et phosphates) permet de limiter les changements d’eau couteux et fastidieux (aquariums publics, systèmes isolés).
  • Filtration complémentaire : Le RAB peut compléter l’action d’un refuge algal, d’un écumeur ou de résines anti-phosphates. Il constitue une approche supplémentaire, voire une alternative quand ces techniques ne peuvent être mises en place (encombrement d’un refuge, écumeur sous dimensionné…).

3.3. Risques associés à l’ajout de carbone organique

Fig. 1 : Criticité d’un excès de COD par rapport aux nitrates et phosphates.

L’augmentation de COD accélère notablement le développement des bactéries du mucus corallien (2) source de maladies (nécroses…) et de la mort des coraux, sans relation avec celle de nitrates et phosphates.
Une surdose de carbone organique dans un aquarium récifal s’ensuit d’une prolifération bactérienne pouvant conduire à des situations encore plus rapidement critiques :

  • Déficience en oxygène : La croissance bactérienne massive épuise rapidement l’oxygène dissous dans l’eau, causant une hypoxie pouvant conduire à la mort des poissons et par réactions, celle de tous les organismes de l’aquarium.
  • Biofilm nuisible : Une prolifération de biofilms sur les surfaces, les coraux et autres organismes réduit leurs échanges gazeux vitaux.
  • Stress et mort des coraux : Une accumulation de biofilm bactérien ou un déséquilibre de la flore bactérienne dans le mucus des coraux peut induire des stress favorisant l’apparition de maladies se manifestant par des nécroses tissulaires lentes (STN) ou rapide (RTN).
    Il peut également se produire une accumulation de poisons (sulfure d’hydrogène ou métabolites secondaires) et/ou une prédation microbienne sur les polypes coralliens affaiblis.
  • Bloom bactérien : Une explosion bactérienne rend l’eau trouble, ce qui peut réduire la lumière disponible pour les coraux symbiotiques (zooxanthelles) et nuire à la photosynthèse et plus grave la désoxygénation du milieu.
  • Accumulation d’ammoniac : La décomposition excessive des matières organiques peut engendrer un niveau d’ammoniac rapidement toxique pour les poissons et les coraux.
  • Inhibition de la dénitrification : La déficience en oxygène liée à l’activité bactérienne perturbe le processus naturel de dénitrification pouvant entraîner une accumulation de nitrates.
  • Fluctuations du pH : Une surconsommation d’oxygène dans les zones où les bactéries prolifèrent massivement peut réduire le pH.
  • Excès de sous-produits métaboliques : les bactéries peuvent libérer des composés organiques secondaires excessifs qui peuvent être toxiques ou perturber le système.

3.4 Stratégies pour minimiser les risques

  • Dosage précis : Ajouter les sources de carbone de manière progressive et adaptée aux besoins du système pour éviter une prolifération incontrôlée de bactéries.
  • Stabilité des paramètres : Maintenir un environnement stable (température, rédox, salinité) pour limiter le stress des coraux, qui les rend plus vulnérables aux pathogènes.
  • Filtration efficace : Utiliser un écumeur performant et potentiellement un stérilisateur UV pour réduire la charge bactérienne globale, y compris les pathogènes.
  • Bactéries compétitrices : Introduire des bactéries bénéfiques (probiotiques comme Bacillus spp. ou Pseudomonas spp.) pour limiter les niches disponibles pour les pathogènes.

4. Sources de carbone organique

Des sources de carbone sont naturellement présentes dans l’aquarium ou ajoutées intentionnellement pour augmenter la population bactérienne.

4.1. Sources de carbone issues de la maintenance

  • Matières organiques dissoutes (DOM) : les déchets organiques produits par les poissons, les invertébrés et les coraux (excréments, déchets alimentaires, mucus), se décomposent en carbone organique dissous dans l’eau.
  • Aliments : les aliments pour poissons ou coraux apportent du carbone organique (acides aminés, hydrates de carbone…).
  • Particules organiques : les aliments micronisés enrichissent le système en carbone.
  • Photosynthèse des algues : les algues (Chaetomorpha, Caulerpa) produisent des composés organiques (glucides…) constitués de carbone.
  • Bactéries commerciales : certaines formules commerciales incluent des sources de carbone, optimisant leur efficacité

4.2. Sources de carbone ajoutées

L’aquariophile peut introduire plusieurs composés carbonés, les bactéries étant plus ou moins réceptives à certaines molécules, parmi lesquels :

  • Alcools :
    • L’éthanol pur : s’avère très concentré pour un dosage fiable. Un excès peut entraîner des « pics bactériens » soudains, augmentant le risque de développement de bactéries opportunistes. On peut toutefois le diluer à sa guise dans de l’eau osmosée.
    • La vodka (40 % vol. éthanol) est facilement disponible et préférable à d’autres alcools parfois dénaturés. Sélectionner une vodka la plus pure possible, sans arômes, colorants, ou sucres ajoutés, étiquetée "vodka pure" ou "distilled vodka".
      Une marque standard et économique peut faire l’affaire, peu importe sa base (blé, pomme de terre, maïs, betterave, etc.). Celles issues de blé ou de maïs sont les plus courantes.
  • Glucides, sucres : monosaccharides (glucose, fructose), disaccharides (saccharose ou sucre blanc) et polysaccharides (agar, alginates, amidon…).
    • Le sucre blanc (saccharose) est également énergétique, en mesure de favoriser une croissance bactérienne rapide et massive s’il est utilisé inconsidérément. Cette facilité à surdoser est peut-être l’origine de déficience en oxygène conduisant au développement de pathogènes comme les Vibrio spp. ou d’autres bactéries anaérobies à l’origine de nécroses comme cela a été rapporté par des amateurs. Le saccharose, un disaccharide, demande une étape enzymatique supplémentaire avant d’être utilisé.
    • Le glucose anhydre ou plus facilement trouvé monohydraté, et aussi nommé D-glucose ou dextrose monohydraté, est un sucre simple (monosaccharide). Produit direct de la photosynthèse des algues et des zooxanthelles, il existe dans l’environnement corallien et préférable au saccharose. Il est facilement biodisponible et assimilé par de nombreuses bactéries.
      Ne pas utiliser le sirop de glucose qui contient d’autres sucres moins assimilables.
    • Le D-galactose également un sucre simple proche du glucose en termes d’énergie. Légèrement moins biodisponible que le glucose, il ne s’adresse pas strictement aux mêmes bactéries. Ceci expliquant peut-être son impact moindre sur la diversité de la flore bactérienne et la non-prolifération de certaines bactéries pathogènes (figure 1). C’est une option intéressante, notamment dans des circonstances où l’on recherche une stabilité.
  • Acides aminés : tous les AA contiennent du carbone. Privilégier les acides aminés essentiels (histidine, leucine, isoleucine, lysine, méthionine, thréonine, valine) que les coraux ne synthétisent pas, ainsi que ceux utiles dans le métabolisme (arginine, glutamine, glycine, cystéine, tyrosine). Bien que proposés très dilués, les acides aminés étant des constituants essentiels des protéines ils contribuent à la santé du corail et trouvent donc un intérêt particulier en présence les aquariums à très bas taux de nutriments (ULNS).
  • Acides organiques : l’acide acétique (vinaigre), maléique, lactique sont parfois utilisés.
    Nota : un vinaigre à 7° (soit 7 % d’acide acétique en volume) correspond à un vinaigre à 5 % d’acide acétique en masse.
  • Acétates : Les acétates de calcium, sodium, magnésium… sont une forme stabilisée de l’acide acétique, directement assimilables. Leur choix peut contribuer à diminuer des dérives de minéraux Ca, Na, Mg.
  • Hydrolysats de protéines : ces produits peu utilisés en aquariophilie récifale, dérivés de la décomposition des protéines sont riches en peptides et acides aminés offrant une source de carbone facilement assimilable par les bactéries et les coraux.
  • Produits commerciaux pré-mélangés : Ces solutions telles que le Red Sea NoPox, prêtes à l’emploi, contiennent un mélange de différentes sources de carbone (alcools, acides organiques…).
  • Substrats commerciaux carbonés : Il s’agit de matériaux peu ou non poreux enrichis en carbone organique, fournissant à la fois un substrat et une alimentation pour les bactéries. Le carbone inclus est progressivement libéré, rendu immédiatement disponible lors de l’érosion par les bactéries colonisant la surface, ce qui en facilite l’usage. La libération de carbone est lente et régulière, sans grand risque de surdosage mais elle impose de réajuster le volume du substrat selon l’usure.
    • Le matériau plastique est biodégradable, principalement :
      • Polyhydroxyalcanoate (PHA) auquel appartient le polyhydroxybutyrate (PHB) utilisé. La matière est produite par des bactéries en conditions stressantes avec peu de nutriments azote et phosphore. Elles accumulent du carbone comme réserve d’énergie. Le PHB est à dégradation lente assure une certaine stabilité.
      • Acide polylactique (PLA), un polyester thermoplastique obtenu à partir d’amidon de maïs, betterave sucrière et d’autres cultures riches en sucres. La fermentation des sucres produit de l’acide lactique ensuite polymérisé en macromolécules formant la matière plastique. Le PLA est à dégradation un peu plus rapide, adapté à des démarrages (Aquaforest, D-D Bio Pellets).
    • Ces matériaux sont produits sous deux formes :
      • En boules (bioballes) : Les bioballes (JBL BioNitrat EX…) moulées, se placent dans en filtration passive dans le flux de la cuve technique
      • En granulés (biopellets) : Le granulé est extrudé à chaud puis coupé en tailles et formes variant selon les marques, ce qui influence la fluidisation, le colmatage. Les biopellets s’utilisent en filtration passive comme les bioballes ou plus fréquemment en lit fluidisé au sein d’un réacteur à bactéries. Le commerce propose quantité de références (DVH Aquatic NP-Reducing Biopellets ; Reef Interests All-In-One Biopellets ; Tropic Marin NP-Bacto-Pellets…). Certaines ajustent la composition pour favoriser la réduction de certains nutriments, par exemple les phosphates en stimulant des bactéries spécifiques.

4.3. Choix des composés carbonés

Toutes les sources de carbone ne se valent pas. Leur utilisation doit être adaptée aux besoins spécifiques de l’aquarium tout en tenant compte du risque potentiel de favoriser les pathogènes. Quelques caractéristiques peuvent orienter le choix d’une source de carbone :

  • Source d’énergie (kJ/g): La quantité d’énergie disponible dans une molécule dépend des atomes qui la composent et de la manière dont ils sont liés. Lors de la dégradation les bactéries exploitent l’énergie issue des liaisons chimiques de la molécule, rompues et reformées pendant les processus métaboliques. Les liaisons ciblées sont notamment celles riches en électrons : C−H et C−C.
    Les sources de carbone n’ont donc pas la même valeur énergétique et ne peuvent être remplacées part pour part. Une source de carbone très énergétique telle que l’éthanol, permet une assimilation plus rapide durant le métabolisme des bactéries, pour construire leur biomasse et un développement plus massif de la colonie. Cependant un excès d’énergie présente plus les risques déjà évoqués en cas de surdosage. A contrario, une source pauvre en énergie appauvrit les réserves et demande plus d’efforts enzymatiques pour l’assimilation.
    Le tableau 1 précise la valeur énergétique de différentes sources de carbone.
    Le calculateur proposé plus loin, définit celle de la solution carbonée issue d’une recette particulière. Dans ce dernier, l’eau étant une molécule stable et oxydée, elle ne participe pas aux réactions de combustion et n’apporte aucune énergie utilisable dans ce contexte.
  • Facilité d’assimilation : Les bactéries assimilent plus aisément les carbones simples (éthanol, acide acétique, glucose, acétates) que ceux complexes (polysaccharides : saccharose…). Exigeant moins de transformations enzymatiques, d’énergie et de temps pour leur décomposition avant assimilation, ils sont plus rapidement bioassimilés et la croissance bactérienne en est facilitée. Dans la pratique le glucose et les acétates sont utilisés car facilement assimilables par une très grande variété de bactéries qui rencontrent régulièrement ces molécules issues de la lyse d’autres cellules vivantes.
  • Effets sur NO3, PO4 : Selon les espèces, les bactéries réduisent mieux nitrates ou phosphates. Les glucides (glucose) sont plutôt mieux traités par les espèces assimilatrices de phosphore (PAB). Il s’avère heureusement que les mêmes bactéries contribuent plus ou moins au cycle de l’azote et celui du phosphore comme le détaille l’article Bactéries en aquarium marin et récifal.
  • Taux de l’élément carbone en masse (%) : les composés diffèrent dans leur proportion en carbone. Cependant ce taux n’est qu’un indicateur. En effet, il y a possibilité de diluer la solution dans de l’eau osmosée pour atteindre l’objectif visé.

Le tableau 1 compare les particularités des principales sources de carbone organique en aquariophilie marine.

Tableau 1 : Sources de carbone potentielles en aquariophilie
Source C Masse C Energie
kJ/g
Assimilation NO3 PO4 Avantages Inconvénients
Éthanol
52% Très élevée
29,7
Très facile 4 5 Energétique, polyvalent, action rapide, bon marché Risque déséquilibre NO3/PO4 et de blooms bactériens
Vodka (40°) 16% Moyenne
11,9
Facile 3 4 Moins concentré qu’éthanol, plus progressif.  
Saccharose
(sucre blanc)
50% Elevée
16,5
Modérée 3 5 Énergétique, polyvalent, action rapide, bon marché, biodisponible diverses bactéries Doit être hydrolysé en glucose et fructose avant utilisation, assimilation plus lente
Libération rapide, imprévisible, risque blooms bactériens.
Glucose anhydre 42% Élevée
15,6
Très facile 3 5 Énergétique, polyvalent, action rapide, bon marché, assimilation directe, biodisponible diverses bactéries A fort dosage favorise certaines bactéries pathogènes par rapport à d’autres sucres.
Glucose monohydraté 36% Élevée
14,2
Très facile 3 5
D-galactose 40%

Élevée
15,6

Facile 3 5 Énergétique, biodisponible. Moindre impact sur des bactéries pathogènes. Métabolisé par certaines bactéries, rendement moindre, assimilation plus lente que glucose.
Acides aminés 2% 0,7% Très faible
0,34
Modérée 2 3 Fournissent C et N. Bénéfique coraux. Coût élevé, assimilation plus lente, faible valeur énergétique.
Acide acétique 40% Moyenne
14,6
Très facile 4 5 Source d’énergie directe, plus stable qu’alcools, risque faible de bloom. Baisse potentielle pH
Vinaigre (7°, 5%) 2,0% Faible
0.7
Facile 4 5 Acide acétique dilué, sécurisé. Peu énergétique, nécessite concentration.
Acétates (Na…) Anhydre
~30%
hydraté
~17%
Anhydre
13-18
hydraté 6-10
Très facile à facile 3 4 Directement assimilables, libération lente et stable. Disponibilité limitée, coût plus élevé, libère minéraux.
Produits commerciaux Selon fabricant. Pratique, sans surdosage,
libération, progressive (biopellets) ou contrôlée (liquides).
Coût élevé, moins flexible.

5. Recettes de solutions carbonées

5.1. La genèse en aquariophilie récifale

L’introduction de source carbonée en aquariophilie récifale a débuté avec l’éthanol pur, un produit concentré dont il a fallu trouver des dosages. Michael Mrutzek et Jörg Kokott on proposé un protocole en 2004, détaillé sur Der Meerwasseraquarianer et Récif France dans l’article Dosage de l’éthanol dans l’aquarium (plus disponible sur le Net), qui a évité bien des déboires à ceux qui s’en sont inspiré.

L’éthanol pur s’est vite avéré un procédé agressif avec des risques associés amplifiés. Une formule plus douce avec de l’éthanol dilué (vodka) et polycarbonée pour atteindre des bactéries diverses, a été proposée plus tard, publiée par Glassbox Design (plus disponible). Cette recette, dite méthode VSV (Vodka, Sucre, Vinaigre) originelle faisait état de 200 ml de vodka 40°, 50 ml de vinaigre blanc 7° (5%) et 1,5 tbsp de sucre blanc (saccharose) c’est à dire 1,5 cuillère à soupe soit ~20 g de sucre.

Des récifalistes ont plus tard reproché au sucre de favoriser les nécroses, plus que les alcools. Certes, l’augmentation du glucose a scientifiquement été relié à une augmentation de bactéries pathogènes. Cependant elle s’est limitée à comparer le glucose à d’autres formes de sucres présentes naturellement dans le mucus de coraux (galactose, manose…). Les chercheurs n’ont pas jugé bon de comparer le glucose avec le sucre blanc, la vodka 40° ou du vinaigre blanc, probablement jugés trop peu présents sur le récif. Par contre ils s’accordent à dire qu’un excès de carbone organique, quelle qu’en soit la provenance, augmente l’émergence et l’abondance d’agents pathogènes opportunistes cause de maladies et de nécroses dégradant les récifs (1,2). L’augmentation du COD est de ce point de vue plus critique que celle des nitrates et phosphates (3).
Le sucre blanc (saccharose)
serait également à l’origine du ternissement de coraux… une raison de lui préférer le glucose voire le galactose, plus facilement assimilables, auxquels il est naturellement habitué.

5.2. Recettes polycarbonées

Fig. 1 : Impact de différents sucres sur la population bactérienne des coraux.

La nature des sources de carbone influe sur la densité et la diversité de la communauté bactérienne (4), d’autant plus quand la source est unique. En effet, l’enrichissement d’une partie de la communauté permet à ces bactéries d’en supplanter d’autres qui pourraient avoir des rôles défensifs (production d’antibiotiques) ou métaboliques (fixation du carbone ou de l’azote).

La figure 1 montre que le glucose utilisé seul, favorise les bactéries Vibrionaceae (dont certaines sont pathogène) par rapport à d’autres sucres, ainsi que des bactéries fréquentes dans les zones coralliennes oligotrophes. Il est donc préférable de multiplier les sources de carbone citées au tableau 1.

À titre de comparaison, le tableau 2 compare des recettes aux effets quelque peu différents.

  • 1 : Utilisation unique d’éthanol pur, très énergétique. Le dosage doit être très rigoureux, stable et très adapté au système, ne supportant pas de dérive.
  • 2 : Formule initiale VSV est plus douce.
  • 3 : Assemblage de type NoPox (sous réserve), doux, peu énergétique adapté à un maintien sur le long terme.
  • 4 : Formule équilibrée permettant de traiter NO3, PO4, biodisponible, plus facilement assimilable que VSV et quasi tout aussi énergétique.

L’eau permet ici de diluer et améliorer la dissolution des sucres (saccharose, glucose).

Tableau 2 : Sources de carbone en aquariophilie marine
Recette 1 Éthanol 2 VSV 3 Type NoPox 4 Biodispo.
Éthanol 100      
Vodka 40° (ml)   200 375 300
Vinaigre blanc 7° (5%) (ml)   50 500 200
Sucre blanc (saccharose) (g)   20    
Glucose monohydraté (g)       100
Eau osmosée (ml)     125  
Apport de C (g/ml) 0.41 0.17 0.07 0.18
Valeur énergétique (kJ/ml) 23.4 9.4 4.4 8.1
Efficacité kJ/g C 57 54 62 45

5.3. Objectifs d’une recette

Chaque source de carbone favorise des processus microbiens ou écologiques spécifiques. Sauf cas particuliers on privilégiera une solution modérément énergétique et stable :

  • Diversité bactérienne : un mélange équilibré de sources modérément énergétiques (glucose, vinaigre, acides organiques) stimulera plusieurs souches bactériennes.
  • Stabilité à long terme : Les acétates libèrent du carbone lentement, permettant une stimulation bactérienne progressive et sûre. On pourra les associer au vinaigre dans ce but.
  • Réduction rapide des nutriments (NO3, PO4) : on pourra privilégier des sucres simples (glucose, fructose) et la vodka, énergétiques, rapidement métabolisés, pour une réponse rapide, par exemple pour corriger un pic soudain de nutriments.

5.4. Calculateur de solution polycarbonée

Le calculateur qui suit permet d’évaluer une recette compte tenu des informations ci-dessus, tout en respectant un objectif de performance (taux de carbone contenu et valeur énergétique). Outre les sources de carbone, il est possible de diluer dans de l’eau osmosée pour des besoins spécifiques : en petites quantité, pour multiplier les distributions quotidiennes, pour s’adapter à la précision d’un microdoseur ou en présence de sucre comme nous le verrons.


5.6. Réaliser la solution polycarbonée

Dissolution du sucre

  • Le sucre blanc (saccharose) se dissout mal dans de l’éthanol pur. Il faut préalablement le dissoudre dans un peu d’eau osmosée à prévoir dans la formule. Elle n’est en général pas indispensable en présence d’une forte proportion de vodka qui contient 60 % d’eau ni dans le vinaigre essentiellement constitué d’eau.
  • Le glucose est encore moins soluble dans l’éthanol pur que le saccharose, et reste limitée dans la vodka. Un complément d’eau s’impose.

Réalisation de la solution

  1. Doser les liquides (éthanol, vodka, vinaigre…) :
    • En présence de glucose prévoir un peu d’eau osmosée et/ou chauffez légèrement le vinaigre à 40-50°C maximum pour améliorer la dissolution en évitant l’évaporation excessive.
    • En présence de saccharose associer un peu d’eau osmosée.
    • En présence d’éthanol diluer avec de l’eau osmosée.
  2. Verser dans le liquide le saccharose, le glucose et les acides aminés si prévus
  3. Mélanger et agiter pour une dissolution complète du sucre jusqu’à obtenir une solution claire, sans cristaux.

Stockage

  • Étiqueter la bouteille avec la date de préparation.
  • Conserver la solution dans une bouteille opaque et hermétique,
  • Entreposer au réfrigérateur en présence d’AA.
  • Utiliser dans un délai d’environ 2 mois.

6. L’écumeur, maillon indispensable

L’écumeur de protéines élimine les matières organiques avant qu’elles ne se décomposent dans l’eau en ammoniac, nitrates et phosphates, réduisant ainsi la pollution à sa source. Ce rôle est d’autant plus crucial pour maintenir la qualité de l’eau et l’équilibre biochimique, quand on augmente volontairement cette biomasse bactérienne. En l’absence d’écumeur les bactéries mortes resteraient dans l’aquarium en se décomposant et restituant les nutriments assimilés dans l’eau. L’ajout de carbone serait voué à l’échec et plus encore il pourrait être le début d’une catastrophe assurée, et ce pour plusieurs raisons :

  • Exportation de la biomasse bactérienne : les bactéries hétérotrophes prolifèrent en présence de carbone pour consommer nitrates et phosphates. La biomasse bactérienne détachée du substrat ou en suspension dans l’eau, est exportée par l’écumeur, réduisant ainsi les nutriments assimilés sous forme de biomasse.
  • Oxygénation : La biomasse bactérienne consomme d’autant plus d’oxygène qu’elle est forte. Incontrôlée elle devient un risque d’hypoxie ou de bloom bactérien. L’écumeur contribue à maintenir une bonne oxygénation, favorisant les échanges gazeux et réduit le risque d’une prolifération incontrôlée.
  • Élimination des sous-produits : l’écumeur élimine des protéines, acides aminés et d’autres molécules organiques produites par les bactéries ou libérées par les organismes vivants.

7. Dosage de carbone dans l’aquarium

7.1. Méthode d’ajout de COD dans l’aquarium

Les injections de solution carbonée sont toujours maitrisées : calculées, précise, rigoureuses, que ce soit en phase de démarrage, de maintenance normale ou d’arrêt. Le dosage calculé peut se faire :

  • Manuellement : Sur une période limitée, il exige une grande rigueur de la part du soigneur.
    Attention : la méthode courante consistant à ajouter un morceau de sucre occasionnellement, selon des impressions subjectives est certes, en général suivie d’effets notables. Malheureusement ces ajouts incontrôlés peuvent déséquilibrer le système biologique et s’avérer finalement déstabilisants et négatifs dans la durée.
  • Par microdosage automatisé : Quand l’apport est intégré dans une maintenance normale.
  • Dans un réacteur à bactérie : S’il y a besoin de déporter la production bactérienne, par exemple afin de limiter les risques pour l’aquarium. L’article Réacteurs à bactéries détaille son utilisation.

7.2. Détermination des dosages

7.2.1. Définir le niveau de pollution

L’équilibre écologique est complexe impliquant de nombreux facteurs (nourrissage, densité de poissons, quantité et qualité de pierres vivantes, systèmes de traitements…) qu’il est difficile de chiffrer individuellement. La consommation d’un aquarium récifal est très variable et peut atteindre 2 mg/l NO3 par jour. Le niveau de pollution est exprimé par le taux de nitrates (et de phosphates) que nous mesurons. Cette expression du bilan dynamique production/exportation est riche d’enseignements, par exemple :

  • Nécessité d’un apport de carbone : Un taux constant est le bilan d’un bac équilibré et n’a pas forcément besoin d’ajouter du carbone organique. Réduire le taux de pollution relève alors uniquement de la nécessité d’adapter au mieux le biotope à la faune hébergée.
  • Surproduction de nitrates : Une dérive de quelques mg/l NO3 sur une période (sans changer la maintenance) qu’il y a besoin de doser quotidiennement en carbone pour la traiter.

Pour simplifier l’estimation, le calculateur se limite à la réduction des nitrates et suppose que rien ne limite la réduction conjointe des phosphates.

7.2.2. Déduire la quantité de carbone à doser

Carbone pour réduire les NO3

1 atome N = 14 g/mol.
1 molécule NO3 contient 1 atome N
1 molécule NO3 = 62 g/mol
1 atome C = 12 g/mol.
1 mg NO3 contient 1×14/62  = 0,226 mg N.

Au ratio C:N 75:10, 1 mg NO3 est réduit par 0,226 ×75/10 x12 ≈ 1,70  mg C.

Comme nous l’avons évoqué, les bactéries hétérotrophes assimilent le carbone et l’azote dans un ratio C:N d’environ 75:10. Recalculé en poids moléculaire, cela signifie que les bactéries ont besoin d’environ 1,70 mg de carbone pour assimiler 1 mg de nitrates.

Supposons que le carbone soit le facteur limitant du cycle d’azote stable d’un aquarium de 100 litres où l’on souhaite réduire la production de nitrates de 1 mg/l chaque jour. Il faut alors pourvoir aux bactéries 1,70 mg/l de carbone supplémentaire. Soit 170 mg de carbone. Le taux de carbone contenu dans la solution carbonée déterminera son dosage quotidien. En général, dans un aquarium récifal l’apport de l’élément carbone ne devrait pas dépasser environ 1 mg de carbone par litre d’aquarium et par jour.

Il s’agit du dosage maximum quotidien pour réduire la pollution. Cette estimation théorique destinée à seulement démarrer le protocole ne peut prétendre intégrer de façon exhaustive toutes les spécificités des relations biochimiques en jeu dans notre écosystème fermé. Aucun protocole ne peut prétendre fixer un planning de dosage fiable pour n’importe quel système. Seuls les tests NO3 (et PO4) permettent de piloter les apports de carbone comme nous l’aborderons. La prudence recommande de débuter le dosage au 1/10 de cette valeur.

7.3. Protocole de démarrage et d’arrêt

Le démarrage doit impérativement être progressif pour que les coraux et autres organismes s’adaptent au nouvel équilibre. Il est réalisé de manière maitrisée en respectant plusieurs étapes  :

  1. S’assurer que l’écumeur fonctionne normalement et qu’il est bien dimensionné pour le niveau de pollution.
  2. Mesurer les taux de NO3 et PO4 initiaux.
  3. Ajuster si besoin le ratio NO3/PO4 vers 100 à 150/1 au moyen d’additifs ou autre méthode.
  4. Le calculateur prend en compte le taux de nitrates à réduire et détermine le volume de solution carbonée à distribuer quotidiennement.
  5. Ensemencer en bactéries probiotiques, puis régulièrement environ tous les 2 mois
  6. De préférence agiter la solution carbonée avant utilisation, des sucres dissous dans la vodka ou l’éthanol pouvant précipiter.
  7. Injecter la solution carbonée : en 2 à 3 fois par jour en l’augmentant progressivement selon le planning du calculateur.
  8. Mesurer les taux de NO3 et PO4 tous les 2 jours. Les effets se révèlent après plusieurs heures et durant quelques jours. Ils sont d’autant plus rapides que le taux de nitrate est initialement fort, avec des sources de carbone énergétiques, si une biomasse bactérienne est déjà installée et si l’écumeur est efficace. Il est moins rapide en cas de sous dosage.
  9. Suivre la diminution de NO3 et PO4 sur une courbe (figure 1). Ce sont les taux mesurés qui conduisent la marche à suivre, et uniquement eux.
  10. Observer :
    • Le comportement dans l’aquarium (coraux pâles, biofilm non excessif sur les vitres…). Si l’eau devient laiteuse le dosage trop important ou trop rapide provoque une explosion bactérienne risquée pour les poissons et coraux. Stopper la méthode jusqu’au retour à la normale, puis reprendre en respectant le dosage.
    • La couleur plus foncée et l’odeur nauséabonde de l’éluât d’écumage est un signe de l’extraction des bactéries.
  11. Quand le taux de nitrates souhaité est atteint, injecter la même dose quotidienne de carbone. Les bactéries ne pouvant pas se multiplier indéfiniment, elles atteignent un seuil de croissance jusqu’à l’équilibre bactérien.
    Si le taux de nitrates ou phosphate devenait indétectable, stopper tout ajout et réduire un peu la dose.

La mise hors service se réalise tout aussi progressivement pour que les organismes s’adaptent au nouvel équilibre de nutriments. Pour ce, diminuer la dose de solution carbonée de 0,1 ml / 100l tous les 2 jours.

Figure 1 : Mise en œuvre du dosage de carbone

 

Un peu de carbone, pour que le récif carbure.

 

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