La fixation des coraux au décor de l’aquarium est un élément essentiel de la croissance des coraux. Que ce soit pour l’élevage des boutures ou le positionnement dans la cuve d’exposition, le plot amovible doit répondre à plusieurs exigences. Cet article évoque les caractéristiques d’un système de fixation, les choix, et le procédé que j’utilise à ce jour pour réaliser ces plots.
Caractéristiques d’un système de fixation performant
S’agissant de la réalisation du décor d’un aquarium de présentation, les objectifs à atteindre diffèrent de ceux d’un élevage de coraux. Les exigences les plus fréquentes se résument ainsi :
Facilité d’utilisation et de maintenance
- Fixation facile : une mise en place rapide et facile simplifie la maintenance en même temps qu’elle permet d’épargner les formes fragiles, délicates.
- Déplaçable : les ajustements d’emplacements sont particulièrement fréquents lors de l’introduction d’un nouveau spécimen pour son accoutumance au milieu et pour identifier l’emplacement où il s’épanouit le plus. Il doit être possible de déplacer les coraux en cas de besoin (modifications du décor, contrôle des interactions entre espèces, soins et traitements spécifiques).
- Multi-emplacements : le système de fixation permet d’exploiter d’autres emplacements de l’aquarium sans modification du support, afin de lui proposer un emplacement plus adapté à ses besoins (lumière, brassage…).
- Solide : le système doit permettre de maintenir le corail dans la durée. Si la masse d’une bouture est faible, le scellement doit pouvoir supporter le poids non négligeable d’un massif d’Acropora millepora qui se serait développé en une table importante, en porte-à-faux.
- Stable : chaque corail est initialement positionné à un emplacement choisi selon plusieurs critères : l’espace qui permettra son développement futur ; l’éclairement ; le courant ; la proximité d’autres espèces plus ou moins compatibles… Il est essentiel qu’il conserve la position à laquelle il a pris le temps de s’adapter. En effet, tout déplacement est risque de stress et risque de voir sa croissance ralentie et difforme. Le corail ne doit pas se déplacer ni chuter, il pourrait se blesser voire dépérir, soit que l’environnement ne répond plus à ses besoins ou brûlé par un spécimen proche. La stabilité doit bien entendu être assurée dans la durée, c’est à dire quand son poids augmente ou que sa forme oppose plus de résistance au brassage.
Compatibilité avec les coraux
et l’aquarium
- Surface adaptée : la surface texturée permet une bonne adhérence de la bouture, du squelette corallien et de ses tissus.
- Taille et forme ajustées : le support est adaptable à la taille et à la forme de croissance (nappe, encroûtement, arborescence) et à la morphologie des coraux (buissons verticaux, tables et plateaux horizontaux).
- Sans impact sur l’écosystème
- Matériaux inertes : les matériaux utilisés sont inertes et ne libèrent pas de substances nocives ou toxiques dans l’eau (métaux lourds etc.).
- Résistance à l’eau de mer : ne pas se dégrader en milieu marin.
- Éviter la pollution : ne pas contribuer à la formation de dépôts ou favoriser l’accumulation de sédiments.
- Non invasif : Il ne doit pas étouffer ou gêner les organismes voisins (microfaune, coraux voisins, etc.).
Esthétique
- Discret : s’intégrer harmonieusement dans l’aquarium, sans être trop visible ou encombrant.
- Colonisable : tout comme les pierres afin de leur ressembler.
- Non colonisable : ne pas favoriser la prolifération d’algues.
Choix possibles
L’aquariophile exploite plusieurs techniques, avec pour chacune ses inconvénients.
- Supports simples : le corail est fixé (collé, scellé au ciment…) sur un simple support (pierre, céramique…) posé sur le décor ou coincé dans une anfractuosité. L’expérience montre que de nombreux coraux périssent du fait de leur instabilité.
- Collage sur le décor : d’une manière générale les colles époxy ou cyanoacrylates (gel) adhèrent mal sous l’eau. Plus qu’un collage, il s’agit d’un blocage du spécimen dans une anfractuosité du décor. Peu résistants, ils supportent rarement le poids d’une colonie qui s’est massivement développée sous forme de buisson déporté ou de table en porte-à-faux
- Scellement au ciment prompt : plus solide que la colle, il ne permet pas de déplacer le corail si besoin.
- Plot de fixation : il s’agit de plots amovibles en ciment ou céramique, constitués d’une face plate, souvent circulaire, destinée au collage du corail, et d’un pied cylindrique pour le maintien.
Le commerce propose quelques solutions, des plus classiques aux plus extravagantes. Si elles répondent plutôt bien à l’élevage de petites boutures collées, les supports sont toujours trop légers et les plots bien trop courts (1 à 2 cm) pour les bloquer dans un décor. Ils ne résistent pas au passage d’un animal buldozer (oursin, gastéropode…) et leur forme arrondie n’est pas particulièrement discrète.
Réalisation des plots de fixation
Après avoir testé plusieurs systèmes (plots ou moules en impression 3D, moulages en ciment de formes diverses), de nombreux se sont avérés inadaptés. Le plot amovible avec son pied cylindrique s’avère le plus séduisant. C’est celui que j’utilise avec quelques aménagements pour répondre au mieux aux caractéristiques listées plus haut.
Principe du système de fixation
Il repose sur :
- Des plots amovibles moulés en ciment, reprenant le principe bien répandu du plot, mais en deux matériaux et aux dimensions adaptées.
- Base : elle est circulaire, de diamètre 30 mm ou adaptée au besoin. Son bord est facilement découpable avec une pince coupante. Le ciment largement utilisé dans le monde de l’aquariophilie amateure ou professionelle présente suffisament de garanties d’inocuité moyennant quelques précautions. Compte tenu du dimensionnement des bases et de la résistance attendue, j’utilise du ciment Portland blanc plus fiable que le ciment prompt, auquel j’ajoute un peu d’hydroxyde de calcium afin de limiter la prolifération des algues. Les bases sont coulées dans un moule multi-empreintes.
- Pied cylindrique : le ciment ne s’avère pas assez solide pour supporter des efforts latéraux. Le tube est donc réalisé à partir de tubes plastique de longueur 1 m et diamètre 10 mm du commerce de bricolage. Il est suffisamment solide pour maintenir un un massif en porte-à-faux et long pour rester en place quels que soient l’environnement (brassage, animaux).
- Des pierres percées : le décor en pierres vivantes ou mortes est percé de nombreux trous pour recevoir les plots.
Réalisation du moule multi-empreintes
Le moule consiste en une plaque (ex. 31 x 26 cm) découpée au cutter dans un panneau de polystyrène extrudé d’épaisseur 30 mm. La plaque est soutenue par 4 entretoises de largeur 30 mm, avec ce même matériau, collées à la colle acrylique. Les empreintes sont formées sur une profonseur de 4 mm, au moyen d’une rondelle 30 mm bloquée en tête de vis 8 mm, chauffée à la lampe à souder. La température est suffisante pour fondre légèrement le PS mais pas trop pour ne pas le brûler. De la même manière chaque empreinte est percée d’un trou au moyen d’une tige de 8 mm chauffée.
La température ne doit pas être excessive pour obtenir un trou de diamètre juste inférieur à 10 millimètres. Ce trou peut être perpendiculaire ou légèrement incliné pour repondre à des emplacements divers (sommet du décor, faces latérales…).
Préparation des pieds
Découper au cutter les tubes plastique Ø 10 mm en longueurs de 35 mm mini, indispensables pour un bon maintien. Cisailler très légèrement (cutter, ciseau, pince coupante…) un bout de chaque pied sur environ 4 mm. Décolleter ce bout en chauffant, avec une pièce conique.
Moulage des plots
- Insérer un pied plastique dans chaque empreinte, collerette côté empreinte, au ras de la surface.
- Réaliser le mortier de ciment à 50 MPa. Mélanger à sec les poudres puis malaxer progressivement avec l’eau.
- 1 volume de ciment Portland blanc (ex. classe CEM I 52,5).
- 1 volume de sable de corail ≈ 2 mm, propre et sec.
- 0,1 volume d’hydroxyde de calcium, si besoin.
- 0,4 à 0,5 volume d’eau propre ajoutée jusqu’à obtenir une pate homogène plastique, pas trop liquide.
- Couler le mortier dans les empreintes, vibrer légèrement, araser.
- Stocker 48 h à environ 25 °C. Après ce stade les plots commencent à durcir mais n’ont pas toute leur résistance.
- Démouler en poussant délicatement à l’arrière des pieds.
- Laisser durcir 7 jours à l’air libre environ 25 °C et 65 % d’humidité pour avoisiner une résistance maximale.
- Dépassiver les plots environ 4 jours dans de l’eau osmosée. Cette opération améliore la résistance du mortier et limite l’élévation du pH notamment si de nombreux plots devaient être introduits dans l’aquarium au regard de son volume
Percer le décor
Positionner les éléments du décor hors aquarium, dans leur position définitive et imaginer la répartition des boutures à positionner, de la base au sommet sans négliger les parois inclinées et verticales.
Percer avec percussion dans le décor, les trous de diamètre 10 à 11 mm à divers endroits. L’expérience montre qu’il en faut beaucoup plus que prévu pour répondre aux besoins évolutifs. Les trous de profondeur supérieure à 4 cm sont de préférence débouchant afin d’éviter les colmatages. Ne pas s’inquitéter de la visibilité des trous blanchâtres fraîchement percés, ils seront vite invisibles pour l’observateur.
Fixer les coraux
Les plots ne sont qu’un élément intermédiaire de fixation entre le corail et le décor, facilitant la maintenance. Ils peuvent maintenir directement le corail ou bien un corail déjà fixé sur un support (pierre, céramique…).
Pour des questions de résistance je fixe généralement les coraux sur leurs plots au ciment prompt. J’utilise de la colle cyanoacrylate en gel (super glue) pour les coraux poreux (Montipora…) qui seraient brulés par le ciment pénétrant au cœur du squelette. Si besoin, ces deux méthodes permettent de détacher plus tard le corail d’un simple petit coup de burin.
- Sceller au ciment prompt. Pour une prise rapide le ciment prompt doit être récent, stocké dans un endroit sec. Le corail est soit sous forme de branche cassée ou sur un support antérieur. Prendre toutes dispositions pour qu’aucune trace n’entre au contact du tissu du corail au risque de le brûler (se rincer les doigts, gants propres…).
- Rincer le plot.
- Déposer une quantité suffisante pour maintenir le corail.
- Maintenir en position, à l’air libre, sans courant d’air, à température ambiante proche de 25 °C, durant environ 5 minutes.
- Du ciment peut être modelé pour obtenir une forme plus esthétique que la plaque circulaire du plot. Après 5 minutes,
- Immerger le corail dans un récipient d’eau du bac durant environ 15 à 30 minutes minimum pour améliorer le durcissement.
- Fixer le corail dans le trou prévu du décor.
- Coller à la colle super glue :
- Si besoin meuler une partie plane du squelette à coller.
- Sécher la zone à coller.
- Déposer des gouttes de colle sur le plot sec. Ne pas déposer la colle sur les tissus en dehors des zones de collage.
- Maintenir le corail serré en position durant quelques minutes selon la rapidité de la colle.
- Fixer le corail dans le trou prévu du décor.
Une méthode parmi d’autres.
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