Pourquoi traiter l’eau introduite dans un aquarium récifal ? Pourquoi choisir le traitement par osmose plutôt qu’une autre méthode ? Quel matériel choisir ? Comment l’installer, le mettre en œuvre et le maintenir ? Autant de questions auxquelles cet article tente de répondre …
1. Pourquoi traiter l’eau introduite dans un aquarium récifal ?
Quand on ne peut, ni ne souhaite, introduire de l’eau de mer naturelle dans un aquarium marin, ou pour compenser l’évaporation, l’aquariophile récifaliste doit à différentes étapes de sa maintenance utiliser de l’eau douce complétée de sels synthétiques. Une eau douce, mais laquelle ? Aucune eau douce n’est suffisamment fiable, que ce soit chimiquement ou biologiquement, pour être régulièrement introduite. Connait-on toutes les caractéristiques chimiques de l’eau douce embouteillée. Celle du réseau a-telle tous les oligoéléments requis ? L’eau du puit ou celle de pluie est-elle exempte de bactéries pathogènes ? N’a-t-elle ni couleur, ni odeur ? Utiliser une eau de composition inconnue c’est prendre le risque d’un déséquilibre chimique dans l’aquarium.
Soucieux de proposer une eau salée la plus proche de l’eau de mer naturelle, le récifaliste préfère préparer son eau à partir d’une eau non seulement douce, mais la plus pure possible. Ce choix permet de connaitre la composition de l’eau salée à partir du sel synthétique choisi. Ce faisant, il élimine de facto quelques causes potentielles de dysfonctionnements. La résolution d’un problème est plus ciblée..
Parmi les systèmes d’épuration possibles, l’osmose inverse est la plus utilisée avec succès en aquariophilie récifale.
2. Les filtrations membranaires
Il existe de nombreuses méthodes de filtrations. Peu sont aussi efficaces et faciles à mettre en œuvre à un coût modéré. L’osmose inverse en fait partie. Elle a été mise au point et est toujours utilisée par la NASA pour recycler l’urine des cosmonautes en eau buvable. Les particuliers aquariophiles ont accès à cette technologie depuis 1967. Mais pourquoi choisir ce système de filtration parmi d’autres ?
L’aquariophile a le choix entre quatre techniques de filtration : microfiltration (MF), ultrafiltration (UF), nanofiltration (NF), osmose inverse (RO) pour reverse osmosis, classées dans le tableau 1 selon la taille décroissante des particules traitées.
Technologie | Taille des pores | Mode d’action | Particularités |
---|---|---|---|
Microfiltration (MF) |
0,1 à 1 µ | Barrière moléculaire | Matériau du filtre : fluorure de polyvinylidène (PVDF). La séparation agit sur des molécules. Plusieurs microorganismes sont enlevés, mais les virus restent dans l’eau. La MF est utilisée comme une étape de pré-traitement pour d’autres processus de séparation tels que l’ultrafiltration. |
Ultrafiltration (UF) |
0.001 à 0.1 µ | Barrière moléculaire | Matériau du filtre : polyéthersulfone (PES) ou de polysulfone (PS). Principalement utilisé après la MF ou d’autres pré-filtrations pour concentrer des macromolécules (protéines…). Ni la microfiltration ni l’ultrafiltration ne peuvent enlever les substances dissoutes sauf si elles sont adsorbés en amont (avec du charbon actif) ou par des résine échangeur d’ions. |
Nanofiltration (NF) |
0.001 à 0.0001 µ | Diffusion de matières dissoutes (peut être affectée par le pH et la charge chimique au niveau de la membrane) |
Les membranes organiques sont produites par application d’un film mince (polypipérazine) sur un substrat en polyéthersulfone (PES) ou en polysulfone (PS). Principalement utilisée après l’UF ou d’autre préfiltrations pour concentrer des macromolécules et la déminéralisation. La NF enlève la majorité des molécules organiques, presque tous les virus, une variété de sels ainsi que les ions divalents qui rendent l’eau dure, d’où son utilisation pour adoucir l’eau dure. |
Osmose inverse (RO : reverse osmosis) ou Hyper filtration |
< 0.0001 µ | Diffusion de matières dissoutes | Élimine toutes les molécules organiques et virus, la plupart des minéraux présent dans l’eau. Enlève les ions monovalents. Utilisé pour purifier, déminéraliser, dessaler l’eau, réutiliser les eaux usées… |
La figure 1 définit les matières filtrées. Il apparait clairement l’avantage de l’osmose qui est ici la seule méthode permettant d’éliminer presque tout et ne conserver quasiment que la molécule d’eau H2O. C’est la méthode de désalinisation ayant le meilleur ratio efficacité/coût pour traiter des eaux salées de 0,1 à 50 g/l de sel.
Une membrane rejette d’autant mieux les contaminants que leur taille est grande (haut poids moléculaire) et que leur charge ionique est importante. L’osmose inverse permet d’éliminer les sels dissous (ions), les virus, les bactéries, les particules, les colloïdes, les matières organiques, solides dissous, algues… … Plus concrètement elle élimine les substances dissoutes suivantes :
- Les polluants organiques issus de l’agriculture, de l’élevage, des activités ménagères et industrielles : insecticides à 97 % ; herbicides à 97 % ; détergents ; glyphosate ; phénols ; bisphénol A ; phtalates ; amiante ; radium ; benzène ; PCN (polychlorobiphényle) ; perturbateurs endocriniens…
- Les bactérie à 99 % ;
- Les substances médicamenteuses : œstrogènes ; hormones de croissances, antibiotiques, vasodilatateurs.
- Les sels dissous : aluminium à 97-98 % ; ammonium à 85-95 % ; argent à 85-97 % ; baryum ; bicarbonates à 94 % ; borate à 40-70 ; bore à 60-70 % ; bromure à 93-96 % ; calcium à 95-98 % ; carbonates ; hydrogénocarbonate ; chromate à 90-96 % ; cyanure à 90-95 % ; fer à 97-98 % ; fluor à 90 % ; fluorures à 93-95 % ; hydroxydes ; iodures ; ions radioactifs à 95-98 % ; lithium ; magnésium ; manganèse à 97-98 % ; nitrates à 94-96 %. orthophosphates à 98-99 % ; peroxydes ; polyphosphates à 98-99 % ; phosphates à 97-98 % ; potassium à 92-97 % ; silicate à 94-96 % ; sodium à 92-98 % ; strontium ; sulfates à 97-98 % ; sulfures ; thiosulfates à 97-98 % ; zinc à 97-99 %.
- Dont les métaux lourds : plomb à 96-98 % ; antimoine ; cadmium à 97-98 % ; chrome à 92 % ; cuivre à 97-98 % ; étain ; nickel à 97-98 % ; mercure à 95-97 % et arsenic.
- Le chlore à 90-95 % et les dérivés chlorés : chlorures ; dichlorométhanes, THMs (trihalométhanes) , tétrachlorure de carbone…
3. Principe de l’osmose et osmose inverse
Une osmose se produit en présence de deux solutions liquides, de concentrations différentes. Concernant l’eau du réseau urbain il s’agit d’une concentration de composés divers (le soluté) : minéraux, matières organiques, polluants…, dissous dans l’eau (le solvant). Quand la concentration du soluté est plus importante dans l’une des solutions, la pression y est supérieure. En contact, leurs pressions ont tendance à s’équilibrer. Il y a alors une diffusion de la solution la plus diluée vers la plus concentrée jusqu’à l’équilibre (figure 2B).
Si on inverse artificiellement cette différence de pression, par exemple avec la pression du réseau de distribution ou au moyen d’une pompe, on effectue une osmose inverse (figure 2C). Alors le transfert se fait à l’inverse, dans l’autre sens : de la solution la plus concentrée (l’eau du réseau) vers la plus diluée (l’eau purifiée). C’est l’osmose inverse.
4. Système de filtration
Un système de filtration par osmose se décompose en plusieurs étapes (tableau 2). Dans une configuration simple, le système d’osmose pour aquarium marin se compose de 3 étapes. Dans une configuration plus élaborée pour aquarium récifal hébergeant des animaux sensibles, il se compose généralement de 5 étapes.
Étape | Phase de Filtration |
Mode d’action | Moyen de filtration | Config. 3 étapes |
Config. 5 étapes |
---|---|---|---|---|---|
Étape 1 | Préfiltration | Physique par absorption | Filtre 5 µ | x | x |
Etape 2 | Chimique par adsorption | Charbon actif | x | x | |
Étape 3 | Physique par absorption | Filtre 1 µ | x | ||
Étape 4 | Osmose | Physico chimique par osmose | Membrane | x | x |
Étape 5 | Post filtration | Chimique par déionisation | Résine ionique | x |
Les modules sont reliés en série par du tubing au moyen de connecteurs rapides 1/4". Ils se disposent dans un ordre permettant de filtrer les éléments des plus grossiers (particules solides) jusqu’aux plus fins (les ions) afin d’assurer une meilleure efficacité de chaque élément et d’augmenter la longévité des filtres en aval.
Préfiltration, osmose, post filtration… passons en revue les différentes phases en commençant par le cœur du système : l’osmoseur.
5. L’osmoseur
Principe de fonctionnement
L’osmoseur met en présence les deux solutions mais séparées d’une membrane semi-perméable. Cette dernière permet au solvant : l’eau, de passer à travers pour obtenir une eau purifiée (perméat). Elle retient les impuretés dans une eau concentrée, le rejet (concentrat). Relié au réseau de distribution sous pression, il s’y produit une osmose inverse avec production d’eau purifiée de 95 à 99 %. Les contaminants se concentrent en amont de la membrane (figure 1C).
95 à 99%… c’est à dire que l’eau osmosée contient de 1 à 5 % des impuretés présentes initialement dans l’eau de conduite. Sauf à l’analyser, on ne connait ni la nature ni la concentration des impuretés qui passent au travers. Ces 5% peuvent être constitués de zinc, de cuivre ou de métaux lourds, toxiques par accumulation. L’eau osmosée est purifiée, elle n’est donc pas pure. Des tests ICP pourront évaluer de combien. Quand elles ne sont pas évacuées ou métabolisées, ces impuretés s’accumulent dans l’aquarium jusqu’à un taux qui peut devenir problématique pour des invertébrés fragiles. Les tests ICP de l’eau du bac pourront évaluer le niveau de risque atteint. Il convient d’assurer une bonne maintenance et de surveiller la situation pour limiter les risques.
Le rejet est inévitable. Un osmoseur fonctionne à un certain taux de conversion (Tc). Tc = débit production / débit alimentation (fig. 5). Ce taux est régulé par un restricteur positionné en sortie de rejet. Le Tc de nos osmoseurs est de l’ordre de 1/5 (20%) soit 80% de rejet, et peut aller jusqu’à 3/5 (60 %) soit 40% de rejet pour économiser l’eau, mais au détriment de la vie de la membrane. Ce taux varie aussi selon les paramètres physiques (pression, température).
Relativisons : si l’évaporation d’une installation récifale représente 7% par semaine, l’osmoseur d’un aquarium de 500 litres devra produire 35 litres d’eau purifiée par semaine. Si son TC est de 20%, le rejet de 80% représentera 140 litres d’eau par semaine soit 7,3 m3 annuel et, selon le fournisseur de la commune, une facture annuelle d’environ 10 €. Le rejet peut utilement servir à l’arrosage des végétaux, aux sanitaires ou tout autre usage écologique.
L’osmoseur, contrairement à un filtre mécanique traditionnel, ne se sature que très peu en impureté et bien moins rapidement. L’eau concentrée en impuretés circule tangentiellement à la membrane, le colmatage est moindre, puis elle est rejetée continuellement ce qui en facilite la maintenance (figure 6).
Membrane
La membrane (fig. 7) se présente sous la forme d’une cartouche de format relativement standard jusqu’à un certain débit, interchangeable entre fabricants. Elle se compose de filtres en film, d’un tube central d’évacuation et de joints d’étanchéité. Cœur du dispositif, elle est constituée de plusieurs couches de films minces (TFC : Thin Film Composite ). Il existe aussi les membranes TLC (Thin Layer Composite), de marque Paintair aux caractéristiques légèrement différentes.
On y trouve intercalés (fig. 8) : une toile de polypropylène à larges mailles permettant d’acheminer l’eau à traiter au contact de la membrane, un tissu microporeux souvent en polyamide (PA) ou en polysulfone/polyethersulfone (PS/PES), filtrant l’eau épurée (perméat). Puis un tissu destiné à transporter le condensat rejeté. Les tissus sont liés entre eux puis roulés en spirale autour d’un tube d’évacuation en plastique perforé traversé par le perméat. Le concentrat s’écoule à l’extérieur du tube.
Le matériau de la membrane, semi-perméable, permet aux molécules d’eau de la traverser, tout en bloquant les solides dissous (contaminants chimiques, minéraux, bactéries). Ce procédé physique ne stocke pas les contaminants, à l’inverse des filtres classiques. Assez résistant à un grand nombre de produits chimiques, il se dégrade au contact du chlore, aussi la membrane doit être protégée en amont par du charbon actif.
Il suffit de regarder les vidéos de fabrications de cartouches d’osmose sur l’Internet pour constater que les process sont bien différents. Certains, de grandes séries industrielles, en Asie comme ailleurs, sont totalement automatisées et fiables quand d’autres, essentiellement manuels, ne semblent pas garantir les principes de qualité et de reproductibilité. Il en est de la fabrication des membranes comme de celles des tissus utilisés. On ne doit pas être surpris des performances moyennes obtenues avec des membranes, plus ou moins exotiques, disponibles à bas prix. En l’occurence, s’agissant du coeur de notre système de filtration, il est préférable de s’en tenir à des marques reconnues.
Les fiches techniques, quand elles existent, expriment la capacité de production d’eau en GPD (1 gallon US per day = 3.8 litres) à une pression moyenne d’alimentation du réseau (souvent 3,4 bar). Cette caractéristique est déterminante en fonction du besoin quotidien pour l’osmolation et pour les changements d’eau occasionnels. La performance de la membrane est donnée par son taux de rejet qui s’exprime, par convention, en rejet de chlorure de sodium (NaCl). Il est de 90 à 98 %, voire 99 % dans certaines conditions.
Moèle | Référence | Type | GPD à 3.4b | Pression | Taux sel |
---|---|---|---|---|---|
DOW | Filmtec BW30 50, BW30 100 | TFC Humide | 50, 100 | 3.4 b moy. | 98 % |
DOW | Filmtec BW60 1812 75 | TFC sèche | 75 | 3.4 b moy. | 96 à 98% |
DOW | Fimtec TW30-1812-100HR | TFC sèche | 100 | 3.4 b moy. | 98 % |
Pentair | TLC 50, TLC 75, TLC 100 | TLC sèche | 50, 75, 100 | 1.4 – 6.9b | 96 à 98% |
Les fabricants recommandent quelques conseils d’utilisation :
- Conserver les membranes dans leur emballage étanche avant utilisation. Les membranes TFC ou TLC vendues sèches, se conservent plus longuement.
- Lors de la première utilisation laisser couler l’eau environ 1 heure ( 24 h selon DOW) avant utilisation ;
- Utilisation : 25 à 45°C max. ;
- Pression d’alimentation : de 0,14 à 0,5 MPa (1.4 à 5 bar) min selon fabricants, se renseigner ;
- pH : entre 2 et 11 ;
- Débit d’eau d’alimentation : < à 7,6 et < 11 l/mn selon fabricants
- Jeter la quantité de perméat correspondant au volume d’une cartouche
- Les cartouches doivent être conservées humides après démontage et en cas d’arrêt prolongé, dans une solution de conservation pour éviter un développement bactérien. Il faut la rincer ensuite avant utilisation.
- Taux de chlore < 0.1 ppm : la membrane offre une certaine résistance à faible taux de chlore mais se détériore en contact continu et elle doit être protégée par un préfiltre charbon.
Facteurs influents sur la performance d’une membrane
Le premier facteur important est la qualité de la membrane elle-même. Toutes les membranes sur le marché ne se valent pas, même à caractéristiques prétendues identiques. Certaines produisent réellement plus que d’autres, ont de meilleurs taux de rejet, une meilleure résistance à l’abrasion chimique pour une plus longue durée de vie.
Les caractéristiques essentielles mesurant la performance d’une membrane sont le débit moyen d’eau osmosée produite (perméat) et le taux de polluants rejetés (soluté) reflet de la qualité du perméat. Celles-ci dépendent des paramètres de fonctionnement tels que la pression d’alimentation, la concentration des polluants, la température… dont les effets sont exposés dans le tableau 4. L’utilitaire d’HerVé permet de calculer le taux de rétention (ou taux de rejet) en fonction de ces ces paramètres.
Eau alimentation | Débit d’eau osmosée (perméat) | Soluté (polluants rejetés) |
Commentaires |
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Pression |
Paramètre essentiel, pour un bon fonctionnement la pression doit être au minimum de 2,5 bar et plus selon la référence. Le débit nominal d’une membrane est toujours donné par le fabricant à une pression test de référence, souvent 3,5 bar mais parfois plus. Alimenter à plus faible pression c’est diminuer notablement les performances. Ce point est important et mérite d’être vérifié dans la fiche technique et comparé à la pression réseau. Une pompe booster peut s’avérer indispensable.
Le débit du perméat (eau osmosée) est proportionnel à la pression d’alimentation mais le taux de polluants traversant la membrane reste constant. En conséquence, le débit du perméat et la quantité de polluants rejetés augmentent. Pour autant, la qualité d’eau n’est pas améliorée comme expliqué ci-dessous. |
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Débit |
À faible débit, la polarisation s’accentue. En conséquence, la concentration à la surface de la membrane augmente ainsi que la pression osmotique (osmose) qui s’oppose à la pression du réseau (osmose inverse). La situation s’inverse quand le débit augmente : le débit de production d’eau osmosée et le taux de rejet augmentent avec le débit d’alimentation. | ||
Température |
La viscosité de l’eau augmente quand la température baisse, traversant plus difficilement la membrane. La variation du débit du perméat augmente avec la température, de l’ordre de 3% par °C. Le taux de soluté augmente avec la température plus que le débit du perméat. | ||
Taux de polluants (TDS) |
La concentration de polluants augmente la pression osmotique (osmose) laquelle s’oppose à la pression du réseau (osmose inverse). Elle diminue donc le débit d’eau osmosée. Dans un premier temps, le taux de rejet augmente avec la concentration de polluants jusqu’à un maximum de 300 à 500 mg/l puis il diminue ensuite du fait de la perte de charge sur la membrane. Le TDS de l’eau du réseau étant en général inférieur à 400 mg/l, le débit d’eau osmosée diminue quand le taux de polluants dans l’alimentation augmente quelque peu. |
Effets chiffrés de la pression : La figure ci-dessous permet de visualiser les effets de la pression dans une installation d’osmose inverse traitant un débit de 200 l/h d’une solution de CaCl2 à 0,05 moles/l d’eau. La pression de fonctionnement se situe généralement entre 3 bar avec l’alimentation du réseau et 6 bar avec l’adjonction d’une pompe booster. Cette installation permet de produire 190 gpd à 3 bar.
Comme on peut s’y attendre le débit de production (tracé bleu) augmente linéairement avec la pression. En effet le taux de conversion passe de 15 % à 3 bar à 35 % à 6 bar. Noter que celui-ci peut être également augmenté avec une membrane de plus grande surface (75, 100, 200, 400 gpd).
On remarque l’importance de ne pas descendre en dessous d’une valeur de pression (ici 3 bar) à laquelle le taux de rétention (rejet) chute rapidement (courbe verte), la membrane devenant inefficace. Au-delà ce taux s’améliore mais relativement peu, en effet le gain est ici inférieur à 1% en évoluant de 98,5 % à 3 bar à 99,4 % à 6 bar.
Dans le même temps la concentration de matières dissoutes (dont les solides TDS) dans le perméat (courbe orange) diminue. La courbe représente la concentration par rapport à l’eau du réseau traitée alimentant la membrane, et non dans l’eau osmosée. Elle passe de 1,5 % à 3 bar à 1,0 % à 6 bar. Telle que définie ici en fonction du volume total d’eau traitée en entrée cela semble logique du fait de l’augmentation du débit du perméat dans le même temps. Mais on voit que cette courbe devient progressivement horizontale. Constate-t-on une amélioration de la pureté de cette eau ? Toutes conversions faites (avec l’incertitude liée au tracé), le taux de matières dissoutes dans l’eau osmosée correspond à 2.5 ppm à 3 bar contre 3.5 ppm à 6 bar. L’eau osmosée n’a pas gagné en pureté, bien au contraire.
Conservation
On ne peut stocker une membrane dans une eau non stérile, une prolifération bactérienne peut s’installer, le débit de production serait affecté ainsi que le taux de rejet. Il faut la conserver dans une solution désinfectante. Pour autant, tout produit de conservation a un impact sur l’état de surface de la membrane dès lors que l’on s’écarte de pH 7, et destructif vers pH 3.
Sans pour autant procéder à des désinfections toutes les 24 heures comme cela se fait dans le monde industriel, la méthode proposée ici permet de préserver la membrane sur une longue durée, un an sans infection bactérienne.
- Démonter et laisser s’égoutter la membrane durant 30 minutes.
- Dans un récipient d’eau osmosée ou déminéralisée peser et diluer 2 % de bisulfite de sodium NaHSO3 plus 20 % glycérine. Le bisulfite de sodium étant vendu sous forme diluée, il convient de recalculer la dose à incorporer : pour obtenir 2 % de bisulfite de sodium pur il faut 2 / 40 x 100 = 5 % de bisulfite de sodium à 40 %. Des solutions désinfectantes prêtes à l’emploi sont proposées dans le commerce.
- Laisser tremper la membrane dans la solution durant 30 minutes.
- Égoutter et sceller, sous vide si possible, la membrane dans un sac en plastique étanche.
- Avant réutilisation, rincer la membrane à l’eau puis procéder au rinçage préconisé pour une membrane neuve.
Une autre méthode utilisant une solution à 5 % de peroxyde d’hydrogène dans de l’eau osmosée ou distillée permet d’éliminer bactéries et virus. Dans ce cas, stocker la membrane dans la solution à l’intérieur d’un récipient chimiquement résistant, en polyéthylène, à l’abri de la lumière. Les solutions faiblement concentrées de peroxyde d’hydrogène n’étant pas stables, ce procédé ne permet de conserver la membrane que sur une courte période de l’ordre d’un à deux mois.
Remplacement
Tous les 3 à 4 ans, voire 5 ans selon la qualité de l’eau d’alimentation (NO3, alcalinité…). En aquariophilie marine on a l’habitude de procéder au changement quand l’une des deux condition est remplie le total des solides dissous (TDS) ou l’électro conductivité (EC):
- TDS (ou EV) sortie) > 10% TDS (ou EV) entrée;
- TDS > 40 ppm (EV > 80 µS/cm) en présence d’animaux non sensibles (FO, bac mixte coraux durs et mous)
TDS > 15 ppm (EV > 30 µS/cm) en présence d’invertébrés sensibles (coraux LPS, SPS…).
Porte membrane
La membrane se loge dans un support étanche en plastique (fig. 9), son joint à lèvre en caoutchouc orienté du côté de l’ouverture du porte membrane. L’arrivée d’eau s’effectue par le couvercle. A l’opposé l’évacuation d’eau purifiée se trouve au centre, celle du rejet étant excentrée.
Restricteur
Le restricteur (fig.10) est un élément incontournable. Il sert avant tout à générer une contre pression, en amont de la membrane, indispensable au bon déroulement de l’osmose inverse. Il s’agit d’un tube avec orifice calibré. Il se fixe sur le tube de rejet au moyen de raccords rapides 1/4″, positionné dans le sens de circulation de l’eau indiqué par une flèche. Il est dimensionné pour assurer un débit précis, également indiqué en ml/mn, spécifique à chaque membrane. Ce faisant, il régule celui de l’eau osmosée, c’est lui qui assure le taux de conversion de la membrane. Plus rarement, dans les kits d’osmose commercialisés, un restricteur complémentaire de petite taille est inséré dans le tube de rejet, difficile à localiser.
Il existe des restricteurs 150, 200, 300, 350, 420, 525, 550, 800, , 850, 1000, 1200, 1500 ml/mn… Comment définir le restricteur adapté ? Le débit d’une membrane étant exprimé en gallon US par jour (GPD), un restricteur étant calibré en millilitre par minute (ml/mn), 1 GPD valant 2,629 ml/mn. Si le taux de conversion souhaité est de 1/5 = eau osmosée / eau alimentation, soit 1 d’eau osmosée pour 4 de rejet. Alors : Débit restricteur en ml/mn = Débit osmoseur GPD x 4 x 2,629. le tableau 5 définit le restricteur à utiliser selon la membrane.
Modèle membrane (Débit eau osmosée) |
Tc = 1/5 Perméat (eau osmosée) : 20 % Concentrat (rejet) = 80 % |
Tc = 1/4 Perméat (eau osmosée) : 25 % Concentrat (rejet) = 75% |
Tc = 1/3 Perméat (eau osmosée) : 33 % Concentrat (rejet) = 66 % |
|||
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Débit rejet | Restricteur | Débit rejet | Restricteur | Débit rejet | Restricteur | |
50 GPD – 189 l/j | 200 GPD = 525 ml/mn | 500 | 150 GPD = 394 ml/mn | 420 | 100 GPD = 263 ml/mn | 300 |
75 GPD – 283 l/j | 300 GPD = 788 ml/mn | 750 | 225 GPD = 591 ml/mn | 550 | 150 GPD = 394ml/mn | 420 |
100 GPD – 378 l/j | 400 GPD = 1051 ml/mn | 1000 | 300 GPD = 788 ml/mn | 750 | 200 GPD = 525 ml/mn | 500 |
150 GPD – 567 l/j | 600 GPD = 1577 ml/mn | 1200 | 450 GPD = 1183 ml/mn | 1200 | 300 GPD = 788 ml/mn | 750 |
Dans certains cas le restricteur ne répond pas aux attentes. En effet, il est calibré pour un certain débit, mais il ne tient pas compte des fluctuations liées par exemple à la pression du réseau. Ou bien le débit obtenu ne permet pas d’obtenir le taux de solides dissous (TDS) souhaité. Il est possible d’ajuster le débit à une autre valeur en remplaçant le restricteur par une vanne à débit réglable.
Remplacement : le restricteur n’est pas un organe qui s’use rapidement. Il s’entartre parfois, limitant le débit de sortie, à vérifier et nettoyer occasionnellement uniquement dans une solution très légèrement acide (vinaigre) et surtout, ne pas tenter de le déboucher avec un objet contondant. Il est recommandé de le remplacer en même temps que la membrane pour conserver un fonctionnement optimal.
6. Préfiltration : filtres à sédiments 5µ et 1µ
Les filtres se déclinent en modules jetables (porte filtres avec filtres intégrés scellés) ou en cartouches interchangeables (fig. 11) à placer dans des portes-filtres. Les porte-filtres transparents permettent mieux de visualiser l’état d’encrassement. Les cartouches se déclinent en plusieurs longueurs 5", 10", 20" et plus, les cartouches de 10" étant les plus utilisés en aquariophilie récifale.
Le filtre à sédiments est constitué d’une couche en polypropylène non tissée, enroulée. Le maillage se réduit du centre vers l’extérieur et retient des polluants de tailles diverses : les sédiments en suspension (boues, sable, poussière, tartre…), les algues, la rouille, présents dans l’eau de réseau. Ce type de filtre absorbe dans sa masse les matières retenues. Il se charge peu à peu jusqu’à devenir inopérant voire augmenter la pression dans le support ainsi que réduire l’efficacité de l’ensemble de filtration.
Le filtre 5 microns se positionne en amont du système pour éliminer les plus grosses particules. Celui de 1 micron capture les mêmes particules, mais de plus petite taille. Il se positionne entre le préfiltre charbon et la membrane de manière à retenir les fines particules de charbon, complétant ainsi la protection de la membrane.
Remplacement : tous les six mois.
7. Préfiltration : sur charbon actif
Le charbon retient quelques microparticules en suspension mais surtout il adsorbe, c’est à dire qu’il fixe sur sa surface importante, sans réaction chimique, du fait de son extrême porosité, certains produits chimiques notamment le chlore, les pesticides, nombre de métaux lourds comme le cuivre, le plomb et des composants organiques volatiles responsables du gout et des odeurs.
La désinfection de l’eau municipale utilise du chlore et parfois des chloramines, difficiles à filtrer du fait de leur faible poids moléculaire, notamment les monochloramines. Les membranes y sont par ailleurs sensibles et se dégradent à leur contact. L’étape charbon actif est indispensable pour améliorer leur conservation.
Les cartouches contiennent du charbon actif en granulés ou sous forme de bloc compact (fig. 12). Les granulés assurent une meilleure élimination du chlore et ses dérivés. Ils sont privilégiés si la concentration en chlore est forte ou en présence de chloramine. Ils contiennent cependant des particules fines susceptibles de colmater la membrane et nécessitent un filtre 1 µm en aval. Le charbon en bloc, aussi appelé CTO, en général à base de coquille de noix de coco associée à un liant, compressé à 5 ou 10 microns, ne génère pas de grande perte de charge, sa structure assure une rétention (rejet) progressive des polluants. Les cartouches contiennent un joint en élastomère (silicone, EPDM, NBR…) destiné à retenir le charbon. Si le silicone ne présente pas de danger, l’EPDM ou le caoutchouc nitrile NBR, selon leur formulation, peuvent ne pas avoir la même innocuité lors des lavages successifs au contact de l’eau.
Remplacement : tous les six mois.
8. Post filtration : déionisation par résine ionique kati-ani
8.1. Les résines
Cette post-filtration utilise un mélange de résines échangeuses d’ions (REI). Il s’agit de billes en polymère, bien souvent du monomère styrène (S = vinylbenzène) aggloméré par agitation sous forme des perles sphériques puis polymérisé avec du divinylbenzène (DVB).
- La forme type gel ou microporeuse est la première obtenue en fin de polymérisation : Elle forme une structure relativement souple, transparente, avec des micropores de 1 à 2 nm.
- Un traitement ultérieur permet d’obtenir une forme type macroporeuse. Des pores sont agrandis pour obtenir une double porosité avec des macropores de 20 à 100 nm. Les échanges sont alors facilités avec les ions de plus grande taille. Son aspect est opaque, la structure finale plus rigide, plus stable.
La constitution des résines cationiques et anioniques peut varier. Elles sont polyvalentes ou au contraire ciblée pour mieux traiter des polluants particuliers.
8.2. Mode de fonctionnement
L’échange d’ions consiste à remplacer dans la solution, des ions indésirables par d’autres en quantité équivalente en faisant percoler l’eau à traiter au travers la masse de résine. Pour celà, les billes sont greffés des groupes fonctionnels :
- Cationiques fortement acides : la résine kati, de couleur marron foncé, est chargée en ion H+. Lorsque l’eau passe au travers, les ions positifs (cations) dissous dans l’eau ( (Na+, Ca2+, Mg2+, …) sont échangés par des ions H+.
En sortie de Kati l’eau est très acide (présence d’acide sulfurique H2SO4, acide nitrique HNO3, acide chlorhydrique HCl…) et enrichie en CO2 sous sa forme H2CO3. En milieu très acide les carbonates de l’eau (CO3–) se transforment en CO2 dissous. - Anioniques fortement basiques : la résine Ani, de couleur claire, est chargée en ions OH–. Lorsque l’eau passe au travers de l’Ani, les ions négatifs (anions) (OH–, Cl–, SO42-, …) présents sous forme d’acide faible, tels que les acides carboniques et siliciques, sont échangés par des ions OH–.
Ainsi, on échange tous les ions qu’ils soient positifs ou négatifs par des ions H+ et OH– qui s’associent pour former de l’eau pure (H2O).
En enlevant tous les polluants d’une certaine quantité d’eau on se retrouve donc avec exactement la même quantité d’eau mais purifiée.
Il existe des cartouches de déionisation constituées d’un enroulement spiralé de films fins kati et ani successifs telles les membranes d’osmose. Ces dernières n’acceptent que des eaux de faible dureté. Les formes granulaires, en billes, sont utilisées en aquariophilie. Le plus souvent, on n’achète pas deux résine anionique et cationique séparément, mais une seule où les deux types de résines sont mélangés. C’est le principe dit de lit mélangé. C’est à dire que les billes de résine cationiques côtoient celles anioniques formant une multitude de sites d’échanges très efficaces. Cette technique n’est utilisable qu’avec des eaux faiblement minéralisées telles qu’en sortie d’un osmoseur. Elle permet un taux d’extraction supérieur des ions présents, ainsi qu’un meilleur contrôle du pH.
8.3. Présentation, performance des résines
L’eau obtenue est d’une grande pureté en supprimant les anions (chlorures, sulfates…) et cations (sodium, calcium, fer, cuivre, ) encore présents après le passage de la membrane. Elle n’élimine pas les composés organiques, ni les virus ou les bactéries mais elle supprime efficacement nitrates, phosphates et les ions minéraux comme par exemple les silicates responsables du développement des diatomées. L’eau devient ainsi ultrapure et de qualité constante dans un traitement. Le TDS est proche de 0 ppm, une conductivité inférieure à 0,2 μS/cm, un taux de silice inférieur à 10 mg/l et un pH voisin de la neutralité.
Les résines sont vendues sous forme de cartouches étanches ou en vrac destinées à des containers rechargeables de capacités très variables, de quelques centilitres à plusieurs dizaines de litres. L’eau doit percoler lentement au travers de toute la masse de résine. Idéalement elles sont positionnées verticales pour éviter que l’eau passe dans une zone dépourvue de résine, sans chemin préférentiel. Puis on alimente la cartouche par le bas, l’eau remontant la masse de la résine pour assurer une traversée lente, maitrisée, sans effet gravitaire.
Les performances des résines varient selon les ions fixés (sélectivité des éléments traités), la proportion d’anions et de cations, le taux de DVB, la taille (masse volumique), la porosité (surface spécifique), leur présentation (humide, gel), leur innocuité alimentaire, avec indicateur coloré de saturation… une association de caractéristiques, parfois antagonistes, qui influent sur la filtration.
Référence | Matrice | Copolymère | Résine cationique | Résine anionique |
---|---|---|---|---|
% / Type / forme ionique | % / Type / forme ionique | |||
Purolite® MB400 | gel | PS – DVB | 40 % / C100 fortement acide / H+ | 60 % / A400 fortement basique / OH- |
Dupont Amberlite® MB20 H/OH | gel | PS – DVB | 38-44 % / fortement acide /H+ | 62-56 % /fortement basique / OH- |
8.4. Remplacement
Les billes de résine se fêlent ou se cassent au fil de leur utilisation, perdant leur efficacité au-delà d’un taux de fragmentation, elles peuvent aussi s’enrober de matières organiques ou de précipités de sulfate de calcium. Par ailleurs les sites réactifs s’épuisent après échanges d’ions (saturation). La régénération des résines avec acide et soude, à condition de séparer les billes anioniques des cationiques, est une opération complexe qui ne résout malheureusement pas toutes les causes de dégradation. Son changement est préférable.
Les résines ont une durée de vie d’environ 1500 à 2000 litres d’eau osmosée (soit 5000 à 10000 litres d’eau traitée). La mesure du TDS ou de la conductivité permettent de déterminer quand remplacer la résine. Bien entendu on cherche à obtenir le plus faible TDS en sortie, de 0 à 5 ppm selon les exigences de l’aquariophile. De toutes façons le remplacement s’impose quand il n’y a plus d’amélioration entre les valeurs d’entrée et de sortie ou pour celles qui contiennent un indicateur de saturation : quand la résine est colorée.
Méthodes de remplacement : La résine se change quand le taux acceptable ci-dessus est dépassé. Cependant, de l’eau dépassant l’objectif TDS a pu s’écouler depuis la détection de la dérive. Les aquariophiles à la recherche d’une eau la plus pure possible, peuvent utiliser deux filtres en série. Le second palliant la saturation du premier. Ils mesurent le TDS en sortie du premier puis, dés que la valeur dépasse 0 ppm, placent le second, non saturé, en première position et changent le contenu du second. Cette méthode assure que la postfiltration ionique est toujours efficace, la résine jamais totalement saturée.
Parmi les nombreuses résines proposées il en est d’efficacités très différentes et parfois d’appellations abusivement copiées. Peu de fabricants ou vendeurs sont en mesure de décrire explicitement les caractéristiques de leur produit par ailleurs peut-être performant. Il en est d’autres qui se démarquent par leur transparence. Le tableau 6 cite quelques références parmi celles largement utilisées en aquariophilie récifale.
9. Équipements annexes
Le système peut comporter quelques équipements dont certains s’imposent et d’autre contribuent au confort d’utilisation.
9.1. La pompe booster
Elle permet d’augmenter la pression et ainsi, le débit de production. Elle est indispensable quand la pression du réseau public (3,5 bars en moyenne, mais parfois plus et exceptionnellement moins), est inférieure à la pression minimum donnée par le constructeur pour un fonctionnement optimal : de 1.4 à 4 bars selon le fabricant. Cette nécessité peut s’imposer aussi en présence de membranes de basse qualité, de membranes à fort débit (400 GPD), de puisages simultanés sur le réseau de l’habitation, pour augmenter le débit d’eau osmosée face à un besoin important (grosse installation, besoin immédiat…).
Le débit d’eau pure et d’eau rejetée augmentent, pour autant le taux de polluants rejetés (soluté) n’augmente pas, voire régresse comme l’indique l‘utilitaire d’HerVé. Par exemple, si le taux de polluants rejetés est de 5 % à 3,5 bars, il augmente à 8 % à 6 bars. La pression augmentant, la qualité de l’eau osmosée a tendance à diminuer comme on l’a vu au chapitre précédent traitant des membranes. Par ailleurs, une augmentation de pression au-delà des préconisations diminue sa durée de vie. Il n’est donc pas conseillé d’ajouter une pompe booster quand elle n’est pas indispensable.
9.2. Vanne de rinçage
Au fil du temps il se crée un dépôt (particules, bio-encrassement, tartre) sur la membrane qui en réduit les performances et plus encore, qui peut générer une augmentation de pression susceptible de la détériorer irrémédiablement. La nature et la quantité d’encrassement dépendent de facteurs différents dont la qualité de l’eau d’alimentation et l’efficacité des prétraitements… il est souhaitable de procéder régulièrement à son rinçage afin d’en conserver l’efficacité et d’en retarder l’usure. Cette opération est d’autant plus nécessaire quand il s’agit de redémarrer l’osmoseur après un arrêt prolongé de plusieurs jours durant lesquels la tuyauterie a pu se charger en matières organiques. Cet encrassement se manifeste par TDS plus important durant les premières minutes, qui se stabilise ensuite à son minimum.
La vanne de rinçage (fig. 16) se positionne en sortie de rejet. Une telle vanne manuelle peut également remplir la fonction de restricteur : son ouverture shunte le restricteur interne et l’eau s’évacue à grand débit entrainant les résidus. Dans ce cas le rinçage peut être hebdomadaire. Pour un usage alimentaire, les fabricants recommandent de rincer l’équivalent du volume de la cartouche avant utilisation soit environ 0.3 litre. La durée du rinçage dépend du débit de filtration, c’est à dire approximativement 2mn30 mn pour 50 GPD, 5 mn pour 100 GPD… voire plus en cas d’arrêt prolongé de l’osmoseur. Le rinçage peut être automatisé via un jeu d’électrovannes. Il est alors programmé avant chaque démarrage quotidien. Cette maintenance permet de doubler la durée de vie d’une membrane, elle ne dispense bien évidemment pas de son remplacement.
Vanne shut off
Quand le système de filtration alimente un réservoir tampon le remplissage une simple vanne d’arrêt shut off (fig.17) permet d’automatiser le remplissage. Cet équipement peu couteux et facile à mettre en oeuvre permet, par le simple jeu de différence de pression provoqué par la fermeture d’une vanne à flotteur, de stopper la production d’eau et de bloquer l’évacuation des eaux usées dès que la cuve tampon est pleine. La vanne s’ouvre de nouveau dès que l’on prélève de l’eau osmosée et le cycle de production redémarre. Cette vanne permet de conserver la membrane sous équipression stable, elle évite que la cartouche d’osmose se vide limitant les pertes ainsi que la prolifération bactérienne.
Cette vanne impose d’utiliser une autre vanne de détection de niveau Le circuit d’alimentation se connecte aux connexions basses (les vis étant au-dessus), celui de l’eau osmosée se connectant aux deux connecteurs supérieurs comme l’indique la figure 18.
9.3. Equipement de mesure : TDS-mètre, conductimètre
Les éléments du système de filtration (préfiltres, membrane, joints…) s’usent, s’encrassent. Leur fonctionnement évolue et leur durée de vie a ses limites. La maintenance peut être préventive et se caler sur des périodes prédéfinies de changement. Elle peut aussi être prévisionnelle, se basant sur la mesure de l’évolution des performances.
En aquariophilie, le niveau de pureté se vérifie avec deux appareils : le TDS-mètre qui mesure le taux de solides dissous en parties par million (ppm) autrement dit en milligrammes par litres (mg/l), et le conductimètre qui mesure la conductivité exprimée en microSiemens (µS/cm) ou en milliSiemens par cm (mS/cm).
Ces deux équipements mesurent le déplacement de charges électriques dans l’eau sous une différence de potentiel appliquée entre deux électrodes. Ils déterminent ainsi le taux d’ions des composants dissous. La différence entre eux tient au fait que le conductimètre, plus précis, prend en compte différents composants ioniques alors que le TDS se limite aux principaux. Ainsi, si l’on ne peut établir de relations en présence d’eaux chargées, on peut appliquer un facteur de conversion Kc quand l’eau est douce. TDS et électroconductivité sont alors reliés par la relation :
TDS (ppm) = EC (µS/cm) x Kc ; Kc = 0,5 avec l’eau osmosée.
Le conductimètre doté d’une électronique élaborée est plus précis et permet en outre de mesurer la salinité d’une eau de mer. Le TDS-mètre, plus simple et meilleur marché se limite à l’eau douce du réseau d’alimentation, en sortie de membrane et en sortie de déionisation. Le marché propose des modèles à double mesure (Dual inline TDS-meter) (fig. 19) ou triple mesure (Triple inline TDS-meter), de mesurer le TDS de l’eau d’alimentation puis en sortie de la membrane et de la résine ionique.
Les deux équipements s’étalonnent avec des solutions choisies proches de la gamme de mesure. Pour l’eau osmosée on choisira une solution étalon de conductivité environ 80µS/cm ou de TDS de 50 à 200 ppm
Les objectifs de pureté à atteindre varient notablement selon le biotope reproduit et le mode de maintenance. Le tableau 7 définit quelques valeurs usuelles.
TDS | Conductivité | |||
---|---|---|---|---|
Eau de mer S35 | – | 53 mS/cm | ||
Eau potable réseau | 150 à 400 ppm | 150 à 600 µS/cm | ||
Sortie de | Membrane | Déionisation | Membrane | Déionisation |
Aquarium récifal LPS | < 40 ppm | < 10 ppm | <80 µS/cm | < 20 µS/cm |
Aquarium récifal SPS | < 15 ppm | 1 à 5 ppm | < 30 µS/cm | 2 à 10 µS/cm |
La qualité de l’eau d’alimentation conditionne en grande partie celle produite. Sa mesure en entrée permet de connaitre la situation du réseau local de façon à adapter les étapes de filtration en conséquence, ou de détecter une dérive saisonnière durant laquelle on peut reporter la production d’eau osmosée. La mesure à l’entrée et en sortie d’un filtre (osmoseur, résine ionique) permet d’en déduire son efficacité. L’objectif étant bien entendu une diminution de la valeur en sortie. La valeur en sortie permet d’évaluer le niveau de dégradation ou d’usure et de procéder aux remplacements nécessaires.
Le TDS-mètre, comme le conductimètre se recalibrent régulièrement avec des solutions de NaCl pour étalonnage.
Filtre réseau
Dans la mesure ou le système est coupé ou moyen d’une électrovanne, il est nécessaire de la protéger avec un filtre anti particule (fig. 20) en amont de ligne.
Manomètre
Les performances de l’osmoseur dépendant pour une bonne part de la pression du réseau, il est indispensable de la connaitre, les surprises ne sont pas rares. Il est d’usage d’installer un manomètre (fig. 20) de capacité 10 bars. Ses filetages en entrée et sortie, adaptés aux connexions 1/4", permettent de le fixer en tête du porte membrane et d’y relier un tuyau d’osmose. Il peut être à bain d’huile, pour un fonctionnement plus fin.
Clapet anti retour
Dans certaines installations, il peut être utile de positionner un clapet anti retour. Un tel clapet est parfois inséré d’origine dans un coude 1/4" de telle sorte qu’il ne le voit pas de l’extérieur et qu’on ne se doute pas de son effet sur le fonctionnement général.
10. Installation du système d’osmose
Le commerce propose des systèmes de filtration prêts à l’emploi, plus ou moins complexes, répondant aux besoins généraux. Il propose également tous les accessoires permettant d’étendre un système existant ou le compléter selon ses propres exigences.
Quel que soit le système choisi, l’usage a mis en évidence certains principes d’utilisation :
Mise en route d’un système
- Utiliser un manomètre et un TDS-mètre (ou conductimètre).
- Avant utilisation rincer individuellement les filtres et porte filtres : sédiment, charbon, ainsi que la membrane, à l’eau douce.
- Faire fonctionner successivement chaque filtre connecté au filtre amont avant sa connexion au filtre aval jusqu’à obtenir une eau claire et environ 5 mn concernant la membrane ;
- Produire de l’eau osmosée, non utilisée, jusqu’à stabilisation du TDS au niveau minimum (DOW recommande 24h)
En utilisation normale
- La membrane d’osmose doit toujours rester en eau entre deux usages.
- Ne pas produire directement de l’eau osmosée dans l’aquarium sans surveillance. Utiliser une cuve tampon.
- Faire couler à vide l’équivalent du volume du porte membrane avant chaque utilisation ou jusqu’à stabilisation du TDS min.
- Rincer environ 5 litres par semaine
- Changer les filtres comme spécifié.
11. Automatisation
Automatiser l’installation de production d’eau osmosée, c’est s’assurer de toujours avoir une réserve d’eau suffisante, c’est fiabiliser le système, éviter les innondations, c’est aussi pouvoir s’absenter sans crainte. Les possibilités d’automatisation sont nombreuses, jusqu’à l’ordinateur de gestion ou l’automate réalisé soi-même. Quelques précautions doivent cependant être prises, indépendamment des dispositifs de sécurité, détections, alertes… mis en place par ailleurs.
- La réserve d’eau osmosée permettant d’assurer l’osmolation ne devrait pas dépasser le volume correspondant à 24 à 48 heures d’évaporation, Pour limiter la dérive de salinité suite à un dysfonctionnement.
- La production d’eau osmosée devrait être limitée dans la durée juste nécessaire pour remplir la réserve d’eau osmosée afin de limiter une fuite éventuelle du système d’osmose.
- Rincer 2 mn avant chaque utilisation quotidienne, éventuellement avecun relai temporisé.
- Une électrovanne d’arrêt placée en début de circuit doit être protégée par un filtre à particules placé en amont.
Voici un exemple d’automatisation réalisable par un non électronicien, pour une cinquantaine d’euros hors TDS-mètre, cartouches et filtres.
Ce montage fait appel à :
- 1 Alimentation 230VAC – 12VCC 3A ;
- 1 Programmateur 12VCC 16A 80mA : plusieurs programmes M/A par jour ;
- 1 Module relais temporisé 12VCC 10A 50mA : se déclenche à la mise sous tension durant la durée paramétrée (0 s à 999 h) ;
- 2 Détecteurs de niveau à flotteur ;
- 1 Raccord 3/4"F 1/4" ;
- 1 Vanne 1/4" ;
- 1 Filtre à particules 1/4" 100µ : pour non détérioration de l’éléctrovanne ;
- 3 Electrovannes 12VCC 400mA ;
- 3 T 1/4" ;
- 1 Manomètre 10b 1/4" ;
- 1 Raccord 3/8"F 1/4" : arrivée eau de ville ;
- 1 Restricteur ;
- 1 Selle dia 40-1/4" : évacuation vers une canalisation existante.
- 1 Raccord droit 1/4"M 1/4" avec joint : manomètre.
- 1 testeur TDS triple mesure ex. HM Digital TRM-1 Triple Inline TDS Monitor
Souhaitons que ces quelques lignes permettront de mieux maitriser la production d’eau osmosée.
Michel LABBÉ, Denis TOURNASSAT
Article publié sur Cap récifal le 18 mars 2020 avec l’aimable autorisation des auteurs.
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