La régulation de la température en aquarium récifal est l’un des paramètres de base notamment dans un système hébergeant des invertébrés tropicaux du récif. En été, la température de l’eau peut dépasser le seuil critique pour les coraux. Les solutions classiques sont souvent énergivores, bruyantes, sources de chaleur ou peu efficaces dans des locaux mal ventilés. L’utilisation de la géothermie m’a semblé une alternative, face à ces inconvénients. Cet article présente mon expérience, qui s’avère performante et finalement facile à mettre en œuvre.
1. Concept du géocooling

La géothermie profonde, exploite la chaleur des couches souterraines à grande profondeur (chaleur résiduelle et issue des réactions internes), pour produire de l’énergie. Le géocooling, ou refroidissement géothermique passif, utilise simplement la fraîcheur naturelle des couches superficielles du sol, à faible profondeur, pour abaisser la température d’un local ou d’un fluide. En effet, à l’état naturel le sous-sol conserve une température relativement constante à partir d’une dizaine de mètres, de l’ordre de 10 à 14 °C en Europe occidentale. Elle varie selon les régions et les caractéristiques géologiques locales. Dans une région tempérée, en été on peut espérer une température d’environ 15 °C dès un mètre de profondeur et 16 à 19 °C à 50 cm (figure 1). Ce concept est depuis longtemps utilisé dans les puits canadiens (puit provençal) (figure 2) pour rafraichir l’air ambiant. Il retrouve un intérêt dans la production des pompes à chaleur géothermiques. Dans ce cas la terre préchauffe l’eau. (figure 3).
L’influence de la température extérieure augmente rapidement dans les faibles profondeurs. Dans la pratique on enfouit les installations à une profondeur hors gel : 30 à 50 cm dans le sud de la France, 50 à 80 cm au centre et 80 cm à 1 m dans le nord, voire plus dans les zones montagneuses.


2. Le contexte
2.1. La région
L’aquarium est situé dans le Sud-ouest de la France, à Montauban, en bordure de la grande plaine formée par la Garonne. Une situation géographique à l’abri des influences océaniques directes, avec un sol argileux et sec en été, emmagasinant la chaleur durant la journée. La température estivale atteint des niveaux importants avec quelques épisodes annuels de canicules (température > 30°C, plus de 3 jours, sans rafraichissement nocturne). Le dernier record en 2023 a enregistré à Toulouse une température de 42,4 °C, plusieurs jours, avec un pic nocturne exceptionnel à 34 °C. Chauds les animaux !
2.2. L’aquarium
Il s’agit d’un bac récifal de 1000 litres, abritant une population composée essentiellement de coraux durs (SPS et LPS), d’autres invertébrés variés (anémones, étoiles de mer, ophiures, escargots, holothuries) et quelques poissons tropicaux. Le bac est situé dans une pièce légèrement climatisée, orientée sud-est, proche d’une baie vitrée. La chaleur qui se dégage de la rampe d’éclairage LED de 600 W et des équipements immergés (pompes, écumeur, brassage) entraîne une élévation naturelle de la température ayant déjà dépassé 30 °C en période estivale.
2.3. L’expérience du passé
J’ai maintenu ce type d’aquarium durant 20 ans dans la même région, dans une maison ancienne, fraiche mais mal isolée, avec malheureusement quelques sueurs estivales pour les occupants. L’éclairage HQI aidant, au-delà de 3 jours à plus de 30 °C les coraux montraient des signes de faiblesse. Les bactéries se développaient à vive allure et, avec l’affaiblissement des coraux, les pathogènes prenaient le dessus se traduisant par des nécroses (STN et RTN) à répétitions. Un groupe froid de 650 W assurait (difficilement lors des canicules) la régulation au prix d’un fonctionnement de 15 heures par jour, de début juin à fin septembre, avec son lot d’inconvénients : le bruit, la température dégagée et la douloureuse note d’électricité.
J’ai déjà eu recours à des ventilateurs qui ont vite montré leurs limites. Un premier test de pseudo géothermie avec un tuyau installé dans un vide sanitaire trop tempéré, s’est révélé totalement inefficace avec un gain de 0,2 °C. Insuffisant pour compenser les sources de chaleur.
2.4. Les expérimentations
Fort de ces constats, l’opportunité de la construction de ma nouvelle maison, m’a permis de mieux envisager la géothermie. Cependant, je ne souhaitais pas refroidir directement l’eau de l’aquarium, craignant une action bactérienne au sein du tuyau enterré quelque peu hypoxique. La durée du passage est de l’ordre de 1,5 mn.
Avec l’option d’un échangeur et pour anticiper les besoins, j’ai tenté le calcul du bilan des échanges thermodynamiques : air ambiant / verre, propagation au sein verre, au contact verre / eau, l’inertie dans l’eau du bac, au contact eau / échangeur, dans le tuyau de rafraichissement enterré et contact tuyau / terre, en incluant les apports caloriques des pompes, de l’éclairage… et je me suis perdu. J’ai donc tenté l’expérimentation.
Dans un premier temps, j’ai opté pour un échangeur géothermie/bac, à placer dans la cuve technique. A l’heure où l’on fait la chasse aux microgrammes par litre de métaux dissous, il est difficile de trouver des matériaux suffisamment conducteurs et non oxydants dans l’eau de mer.
J’ai d’abord opté pour un tuyau PET d’adduction d’eau. Mauvais conducteur mais de faible épaisseur… pourquoi pas ? Après modélisation 3D, et quelques pièces imprimées il conservait sa forme en serpentin (figures 4 à 6). Échec, le gain s’est limité à 0,8°C !
J’ai donc tenté le serpentin en métal. Le titane étant trop cher pour un résultat incertain, j’ai opté pour de l’inox. L’inox 304 L (A2) s’oxyde dans l’eau de mer. Pour éviter son contact direct avec l’eau, j’ai réussi à le passer tant bien que mal dans un tuyau souple PVC cristal (figure 7). Le bilan n’a pas été meilleur.




Un récifaliste adepte depuis longtemps de la géothermie a levé mes craintes liées à une action bactérienne. J’ai donc abandonné l’idée de l’échangeur. Tout devenait plus simple et prometteur.
3. Réalisation du refroidissement géothermique
3.1. Enfouissement du circuit
L’enfouissement sous le vide sanitaire durant la construction de la maison a facilité l’opération. Pour autant il suffit de quelques saignées dans le sol sans besoin de creuser large et profond à la pelle mécanique. Cela peut se généraliser à de nombreuses situations.
J’ai profité du week-end précédant le montage du vide sanitaire et le coulage de la dalle pour entamer les saignées (figures 8 et 9). Je souhaitais réaliser deux saignées de profondeur 80 cm déportées l’une à côté de l’autre. La grippe et la fatigue du moment en ont décidé autrement : les deux enroulements du tuyau (50 m de tuyau alimentation PE dia. 32) seront superposés à 50 et 60 cm de profondeur. J’ai espéré que le circuit étant enterré sous le vide sanitaire, il serait moins soumis à la température extérieure.
Les deux bouts sont réservés dans le futur local technique (figure 10).



3.2. Dispositif dans l’aquarium
- Circulation : Des tuyaux PVC souple alimentaire sont emmanchés aux deux extremités du tuyau PE diamètre 32 mm. L’un vers la pompe de circulation 800 l/h de 15W, placée dans le compartiment arrivé en en aval du micron filtre. L’autre vers une canne de reflux à l’opposé de ce même compartiment, vers le débordement.
- Régulation de température : elle est confiée à un régulateur W3230 avec sonde thermistance NTC10K avec câble de 3 mètres. Il commute la prise d’alimentation (figure 11). La sonde en inox semble relativement sensible à l’eau de mer. Je la change dès que le régulateur donne des valeurs incohérentes. Privilégier un modèle tout plastique, ou alors l’isoler, incluse dans un tube fin en plastique contenant de la colle silicone.


3.3. Arrêt, mise en route
Arrêt et mise en route sont finalement plus rapide qu’avec le groupe froid.
Á l’arrêt :
- Déconnecter le circuit de la cuve technique.
- Introduire la pompe dans un seau d’eau douce (20 litres) jusqu’à évacuer l’eau de mer.
- Laisser irculer environ 30 mn en circuit fermé dans un seau contenant un peu d’eau de javel.
- Laisser le tuyau plein, en l’état pour l’hiver.
Á la remise en route :
- Remplacer le contenu d’eau douce traitée par de l’eau douce du réseau.
- Laisser rincer en circuit fermé 30 mn.
- Injecter de l’eau de mer issue de l’aquarium jusqu’à ce que le densimètre a aiguille indique l’absence d’eau douce.
- Immerger la pompe dans la cuve technique et positionner le rejet en aval.
- La sonde de température est placée entre entrée et sortie de géocooling, de telle sorte que les ajustements de température soient progressifs, sans délai.
3.4. Efficacité
Le système s’avère d’une redoutable efficacité depuis 3 ans de fonctionnement. Il a passé sans encombre les épisodes caniculaires, sans besoin de l’appui du groupe froid conservé en secours éventuel. Par exemple à température extérieure 40 °C (à l’ombre) et température intérieure 28 °C, la température du bac est maintenue à 26 °C avec une température de sortie de géocooling à 19°C, soit un gain de 7 °C. Le tout avec 18 W de consommation, sans bruit, sans surchauffe, sans encombrement… et plus écologiquement si ce n’est ma maigre contribution au réchauffement de la terre. Désolé !
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