Les constituants l’eau de l’aquarium, éléments majeurs et oligoéléments, peuvent avoir un impact parfois non négligeable sur la bonne santé du bac et celle de ses habitants, notamment les invertébrés, plus sensibles aux dérives mineures. Si les tests colorimétriques, photométriques permettent depuis longtemps de dégrossir la situation, les analyses de type ICP permettent aujourd’hui de mesurer assez précisément la constitution de l’eau. Cet article propose d »analyser la situation de l’aquarium récifal dans les grandes lignes et de choisir le ou les traitements adaptés.
1. Concentrations de base
1.1. Concentrations de l’eau de mer
Les valeurs de concentrations des éléments de l’eau de mer varient selon les sources. Bien que stables dans les océans, les valeurs varient selon des impactes environnementaux. Parmi les bases fiables, Franck Millero a collecté des informations en de nombreux points et profondeurs pour établir des moyennes exploitables. Elles sont reprises dans la figure 1.
La concentration des éléments de l’eau de mer est une référence chimique du milieu qui pourra satisfaire les organismes marins de l’aquarium : les poissons, les invertébrés et plus particulièrement les coraux. Pour autant on ne peut en déduire que ces taux sont impératifs à la vie desdits invertébrés. En effet, par exemple on sait que le corail dispose dans l’eau de mer d’un réservoir d’éléments beaucoup plus important que le besoin réel du corail et que le corail est en mesure de réguler son prélèvement pour ses métabolismes. C’est le cas du calcium et des carbonates 4 à 6 fois plus concentés que le besoin pour la calcification, ce qui laisse une marge pour supplémenter sans trop craindre les petites dérives.
1.2. Concentrations pour les coraux
Concernant les macroéléments de nombreuses sources scientifiques permettent d’établir des fourchettes de valeurs acceptables pour les coraux. L’aquariophile récifaliste exploite également ses observations dans le cadre particulier de sa maintenance. On doit être prudent avec les extrapolations qui pourraient être faites hors de ce contexte.
Il existe cependant peu d’informations fiables concernant les limites admissibles en oligoéléments. Elles sont le plus souvent extrapolées de publications scientifiques traitant d’invertébrés sensibles, extrapolées à nos coraux.
L’impact peut être négatif pour plusieurs raisons.
- Une carence : un oligoélément peut, à trop faible dose, rompre un métabolisme de l’être vivant faussant ainsi toute analyse à l’échelle macrométrique. L’élément dans l’aquarium peut être consommé par les organismes, précipité ou même transformé en nouvelles molécules par réaction avec d’autres éléments. Ainsi une concentration indétectable peut être le résultat acceptable d’un flux de consommation par les processus métaboliques. Mais il peut signifier aussi dysfonctionnements de ces métabolismes pouvant générer des stress et à terme la mort du corail.
Les limites de détection des analyses ICP pour certains éléments sont parfois supérieures à son taux naturel dans l’eau de mer.
Le résultat est-il pour autant inexploitable ? Mon point de vue est qu’il y a bien souvent peu de risque pour l’animal à dépasser ces valeurs de l’eau de mer jusqu’à détection par l’ICP d’un niveau qui reste faible. On a ainsi l’assurance qu’il n’ya pas de carence (précipitations et transformations chimiques incluses), et le risque de léger surdosage est bien moindre que celui de carence. - Un excès : un élément indispensable peut s’avérer toxique au-delà d’un seuil. L’interprétation de valeurs hors limite est encore incertaine. L’expérience montre que des coraux supportent des limites bien au-delà des valeurs maximales admises. C’est le cas de l’iode. Mais comme chacun sait, la résistance d’un corail dépend de nombreux facteurs et l’accumulation de stress, même minimes individuellement, peut affaiblir le spécimen. La prudence est donc de mise.
La figure 1 résume les informations actuelles issues de rapports scientifiques et de préconisations de professionnels de l’aquariophilie récifale. Il s’agit d’une synthèse provisoire sur un sujet dont il reste encore beaucoup à découvrir. Le tableau pourra donc évoluer selon les informations.
Pour chaque élément le risque est exprimé selon sa carence (couleur jaune), son excès (couleur rouge), et aussi selon que l’effet affecte la croissance tissulaire, la croissance squelettique (la calcification), et les couleurs du corail. Si certains éléments doivent être maintenus au-dessus, ou au-dessous d’un seuil, d’autres devraient rester dans une plage, sans carence ni excès (cases jaunes et rouges). L’aquariophile peut judicieusement corriger les dérives qu’il juge nécessaire.
2. Actions
Selon les résultats, nous devons agir :
- Une carence nécessite de compléter le produit administré soit ponctuellement, soit régulièrement pour subvenir aux consommations naturelles (chimiques et biologiques) dans l’aquarium. Le commerce propose des produits individuels (Tridacna, ATI…) en poudre ou dilués avec les recommandations de dosage.
- Un excès impose parfois une dilution par des changements plus ou moins massifs de l’eau du bac, ou la mise en place de produits absorbants ou adsorbants (figure 2).
La figure 2 inventorie plusieurs modes d’actions. Quelques produits sont cités, seulement pour clarifier la compréhension. Le commerce aquariophile propose tant de solutions qu’il est impossible de les commenter toutes en bonne connaissance. Des forums internet compétents de même que des groupes de discussions de récifalistes avertis répondront plus précisément. Le tableau pourra évoluer en fonction des expériences acquises.
En savoir plus
- Chemical oceanography, Frank J. Millero – CRC Press,
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